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samedi 1 août 2020

LA NUIT DE MADAME LUCIENNE - LE QUAI - ANGERS

NUIT DE FOLIE



En ce mois de juillet 2020 où le théâtre se fait rare pour cause de crise sanitaire, Le Quai à Angers nous invite à un été plein de surprises. Deux mois de spectacles, de musique, de performances, et l'occasion de profiter du bar ou du restaurant en terrasse, avec la belle vue sur le château d'Angers, mais aussi de découvrir d'autres lieux avec les spectacles hors les murs. Pour tout découvrir de la programmation cliquez ICI et n'hésitez pas à lancer l'ancre et à accoster au Quai, vous ne le regretterez pas.

QUE C'EST BEAU UN THÉÂTRE LA NUIT

Pour ma part j'ai assisté à une représentation de La nuit de Madame Lucienne de Copi, mis en scène par Thomas Jolly. Dans un théâtre vide 2 comédiens et leur metteur en scène répètent de nuit. La première est dans moins d'une semaine et il reste bien des choses à caler. Mais la répétition ne va pas se dérouler comme prévu.

Ce texte, cela faisait longtemps que Thomas Jolly pensait à le monter. Quel meilleur moment que cette crise sanitaire et ses conséquences sur le spectacle vivant pour montrer ce texte qui tente de répondre à la question "pourquoi le théâtre". La mise en scène s'est adaptée aux contraintes sanitaires : le public entre par la cour qui reçoit normalement les décors, et se retrouve sur la scène dans un dispositif bi-frontal. Chaises espacées d'un mètre ou plus, jauge réduite. Le rideau de fer s'ouvre sur le parterre et les gradins vides. Nous sommes au cœur de cette répétition de nuit, dans un théâtre (presque) vide.


UNE DOUCE FOLIE

Après un (long) début surprenant le spectacle s'emballe et sombre dans une douce folie. Alors que l'on ne voyait pas où Copi voulait nous emmener avec la première partie de la répétition d'une fable lunaire, on plonge dans l'absurde. Le texte multiplie les rebondissements (et ne comptez pas sur moi pour vous en dévoiler ne serait-ce que l'ombre d'un seul). Dans cette enquête policière qui met en exergue la difficulté de la création, les acteurs en rajoutent dans l'exagération et l'amplitude du jeu.

Damien Avice est l'homme à tout faire, régisseur qui doit jongler entre les humeurs de la diva et les exigences du metteur en scène. Bruno Bayeux prend un plaisir évident à moduler ses délires et angoisses de metteur en scène, débordant d'une énergie communicative. Emeline Frémont est, comme ses partenaires de jeu, d'une précision extrême dans le rôle de la comédienne très exubérante et capricieuse. Le trio de départ est rejoint en cours de spectacle par Charline Porrone et Hélène Raimbault, deux personnages pas vraiment secondaires qui prennent autant plaisir à être sur scène.

En bref : quel plaisir de retrouver le théâtre dans ces conditions. La mise en scène de Thomas est aussi folle que le texte tout en étant totalement en phase avec le contexte global et mondial. Comment mieux se demander à quoi et à qui sert le théâtre ? Un spectacle et des comédiens aussi exubérants que le texte de Copi.

La nuit de Madame Lucienne, de Copi, mise en scène Thomas Jolly, avec Damien Avice, Bruno Bayeux, Emeline Frémont, Charline Porrone et Hélène Raimbault

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Le Quai
Cale de la Sabatte - Angers
Du 15 juillet au 1er août puis du 18 au 29 août 2020
Du lundi au vendredi à 20h30 - samedi 18h 


Crédit photo @Nicolas Joubart

samedi 19 janvier 2019

ERVART - Théâtre du Rond Point

UNE COMÉDIE BIZARRE
***




Ervart est en plein délire. Il est persuadé que sa femme le trompe. Alors il met la ville à feu et à sang. Au passage il va croiser un psychanalyste qui soigne avec des citations, une comédienne sur le retour en manque de rôle, des acteurs britanniques qui cherchent une poubelle et se trompent de scène, un agent secret zoophile, tandis que Frédéric Nietzsche balance ses essais qui explosent dans des poubelles et que le majordome est là pour remettre les choses en ordre. 

L'écriture de Hervé Blutsch est foisonnante, délirante, drôle. La mise en scène de Laurent Fréchuret est tout aussi folle. Les portes claques mais ce n'est pas du vaudeville. Il y a de quoi se perdre dans le dédale des scènes qui filent, qui mélangent les époques. Il y a quelques petites longueurs mais l'ensemble est rythmé. Une impression de "sans queue ni tête" flotte au premier degré. Mais en y regardant bien tout se tient, tout est parfaitement huilé. Nous sommes dans le cerveau malade d'un homme fou de jalousie, et qui plus est qui boit plus que de raison. Rien n'est vrai dans ce délire paranoïaque, sauf la douleur de cet homme amoureux qui croit avoir perdu sa femme. Mais surtout n'oublions pas, comme nous le rappelle le majordome, que nous sommes au théâtre et que tout est permis.

Vincent Dedienne est virevoltant en Ervart, époux perdu et éperdu transformé en enfant gâté qui ne supporte aucune résistance. Ses enfants ont disparu, peu lui importe puisque seule sa femme compte. Ses délires, cauchemars ou fantasmes donnent naissance à quelques beaux tableaux oniriques. Si le jeu des comédiens n'est pas égal l'une d'entre eux est étincelante. Marie-Christine Orry est hilarante en comédienne prête à relever tous les défis.

En bref : un spectacle délirant qui en déroutera beaucoup mais qui relève avec réussite le défi de la folie du texte. Un délire théâtral qui se regarde avec plaisir avec Vincent Dedienne virevoltant et Marie-Christine Orry hilarante.

Ervart ou les derniers jours de Frédéric Nietzsche, de Hervé Blutsch, mise en scène Laurent Fréchuret, avec Stéphane Bernard, Jean-Claude Bolle-Reddat, James Borniche, Maxime Dambrin, Vincent Dedienne, Margaux Desailly, Päuline Huruguen, Tommy Luminet, Marie-Christine Orry.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre du Rond Point
2 bis avenue Franklin Rooseveldt 75008 Paris
du 9 janvier au 10 février


Vu au Théâtre du Rond Point janvier 2019
Crédit photo @Christophe Raynaud de Lage

dimanche 21 octobre 2018

LE BANQUET - Théâtre du Rond Point

POUR LE MEILLEUR ET POUR LE RIRE
****


Un mariage. Deux familles. Une fête. Un espace-temps particulier si on y réfléchit : deux cercles de relation qui ne se connaissent pas se côtoient l'espace d'une journée parce que deux personnes ont décidé d'unir leur destin. Un moment charnière où tout peut arriver. Du bon comme du moins bon. Après "Open space" qui explorait le monde du travail Mathilda May s'attarde sur un moment clé de la vie de famille. Avec un humour burlesque elle nous raconte une fête de mariage des plus dé-coiffantes.

Le spectacle commence avec une femme qui peaufine (maladroitement) les derniers détails de la fête. Un bouquet dans un coin, des verres, une bouteille à disposer, et une table de buffet qui domine la salle où va se dérouler la fête (magnifique décor de Jacques Voizot). Dès les premières secondes le ton burlesque est donné. La femme de service est gauche, hésitante, s'échine à grimper vers cette table longue élevée sur un plan incliné, tombe, se redresse et repart à l'assaut. Du comique de répétition. Et c'est parti pour 1h30 de succession de gags. Pas une minute sans un geste, un mouvement, une rencontre qui ne prête à rire.

Dans cette fête qui tourne au jeu de massacre tout y passe : le saccage de la robe de la mariée, le chien-chien à sa mémère, les diaporamas foireux, les discours, la jarretière, les coups de foudre, les surprises préparées par les amis, les danses, le petit frère qui n'en rate pas une, les lâchetés, les traîtrises, les amitiés, le playboy, la cousine, le beau ténébreux... La liste semble illimitée.

Tous les personnages sont caricaturés à l’extrême. Nous sommes dans la comédie burlesque. De la folie pure. Aucun texte pour exprimer les sentiments et les émotions qui parcourent ces rencontres. De temps en temps un peu de gromelot ou en borborygmes ou bien encore des voix qui se superposent. Les mots sont inutiles tant les situations sont claires et lisibles dans les corps, la gestuelle, les expressions des visages. Les comédiens qui pour certains portent plusieurs rôles, sont débordants d'énergie et maîtrisent parfaitement la technique de la comédie. La mise en scène de Mathilda May est fluide, dynamique. Parfois le temps est suspendu pour souligner une action, un sentiment.  Et au final on sort le sourire aux lèvres tout en revivant à posteriori toutes les fêtes de mariage auxquelles on a assisté.

En bref : Mathilda May nous invite à une fête de mariage ou le burlesque règne en maître. Métaphore du vivre ensemble cette fête dont nul ne sort indemne est un régal pour les zygomatiques

Le banquet, conception et mise en scène Mathilda May, avec Sébastien Almar, Roxane Bret, Bernie Collins, Jérémie Covillault, Lee Delong, Stéphanie Djoudi-Guiraudon, Arnaud Maillard, François Miquelis, Ariane Mourier, Tristan Robin, assistant à la mise en scène Grégory Vouland, decor Jacques Voizot, lumières Laurent Béal, Son Guillaume Duguet, costumes Valérie Adda, vidéo Nathalie Cabrol assistée de Jeremy Secco, régie technique Eric Andriant

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre du Rond Point
2 bis Av. Franklin Roosevelt 75008 Paris
Du 10 oct. au 10 nov 2018
Du mardi au samedi 21h - dimanche 15h


Crédit photo @Giovanni Cittadini Cesi
Vu Octobre 2018 - Théâtre du Rond Point

dimanche 15 avril 2018

OPERAPORNO - Théâtre du Rond Point

SEXE & DRAGUE & OPERETTE
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Pierre Guillois nous avait prévenus : il va y avoir du trash. Après le succès de "Le gros, la vache et le mainate" au Rond Point et "Bigre" au Tristan Bernard, l'auteur et metteur en scène pousse la provocation encore plus loin avec une opérette complètement décomplexée. On rit à gorge déployée en abandonnant toute pudibonderie.

"SAUVONS LE SOLDAT AMOUR"

Qui pourrait croire que ce très beau décor champêtre pourrait être le théâtre d'un week-end aussi débridé ? Lorsque le père arrive devant cette modeste baraque en bord de lac il s'apprête à passer deux jours bien tranquilles avec sa jeune nouvelle compagne, son fils et sa mère. Mais très vite ça dégénère. Outre le fait d'oublier Mémé dans la voiture, le fils n'est pas insensible aux charmes de sa jeune et jolie belle-mère et vice-versa. C'est en chansons que toutes les limites sont franchies, et les couples qui se forment au grand jour ou dans la noirceur de la nuit font tomber tous les tabous. C'est la fête du sexe dans tous ses excès : du léger adultère à l'inceste en passant par la scatologie et les accessoires divers et variés.

Déjà choqués par ce descriptif ? Passez votre chemin et ne lisez pas plus loin. Sauf si vous acceptez de voir ce spectacle avec tout le décalage qui lui convient. On le sait depuis longtemps, Pierre Guillois aime la provocation et l'humour. Et surtout ne se prend pas au sérieux.

UN DÉFI RELEVÉ AU PROPRE COMME AU FIGURÉ

C'est à la demande de Nicolas Ducloux, qui compose les musiques du spectacle, que les deux compères se sont lancés dans l'écriture de cette opérette décomplexée. Rapidement sont venus les textes et chansons de cette comédie complètement loufoque. Et où ailleurs que sur la scène du Théâtre du Rond Point peut-on trouver une telle liberté de ton ?

Je ne décrirai pas la longue liste des tours et détours que prend l'histoire. Je me contenterai de vous dire que l'outrage est hilarant et le mauvais goût vire au sublime. Le talent en revient à l'ensemble de l'équipe. La composition musicale de Nicolas Ducloux habille avec brio et lyrisme les textes ciselés et grivois de Pierre Guillois. 

Le quatuor de comédiens / chanteurs qui donnent vie à cette famille délurée est irrésistible. Jean-Michel Van Der Rest donne le "la" dans le rôle de Victor, le père, dépassé par les situations qui lui échappent dans leurs dérapages incontrôlés. Lara Neumann est sexy, provocante, lascive, jouissive à souhait en jeune belle-mère pas timide pour deux sous. Flannan Obé est à croquer en jeune homme décontenancé et bousculé par touts les quiproquos dans lesquels il tombe. Quant à Jean-Paul Muel il est une irrésistible grand-mère bien libertine.

En bref : dans une ambiance musicales variée, le nouvel opus des délires décomplexés de Pierre Guillois et Nicolas Ducloux est une comédie loufoque, libre et irrévérencieuse en forme d'opéra-bouffe ou d'opérette qui se savoure comme une gourmandise. A condition de ne pas se prendre au sérieux. Le pari était osé. Il est parfaitement relevé.

Opéraporno, texte et mise en scène Pierre Guillois, musique et piano Nicolas Ducloux, avec Jean-Paul Muel, Lara Neumann, FlannanObé, François-Michel Van Der Rest, violoncelle Jérôme Huillet en alternance avec Grégoire Korniluk, costumes Axel Aust/ Camille Pénager, lumières Marei-Hélène Pinon, son Loïc Le Cadre, scénographie Audrey Vuong / Gérald Ascargota

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Avenue Franklin Roosevelt
Du 20 mars au 22 avril 2018

25 et 26 mai au Carré Magique à Lannion
29 et 30 mai à Brest - Le Quartz




Crédit photo @Fabienne Rappeneau
Crédit Vidéo @Arte

dimanche 26 novembre 2017

CA VA ?

CA VA PLUTÔT BIEN ! ET VOUS ?
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"Ça va ?" Ces deux petits mots que l'on prononce quand on croise une connaissance, sans vraiment attendre de réponse, et qui nous laissent surpris quand il y a du répondant en face. Jean-Claude Grumberg s'empare de ces deux syllabes pas si anodines pour base d'une succession de saynètes où il laisse sa plume à la fois tragique et drôle s'exprimer avec gourmandise.

Cocasses, décalées, les situations se suivent tambour battant. La mise en scène de Daniel Benoin est dynamique, vive, sans temps mort. Les trois comédiens se passent le relais de duo en duo. Des trois Pierre Cassignard se démarque en en faisant des tonnes, dans un sur-jeu qu'on lui pardonne aisément tant il accentue le comique du texte ou de la situation.

Le joli décor de Jean-Pierre Laporte, fait de panneaux de voile peints dans des tons noir/blanc/gris fait des clins d’œil à Montmartre, au Sacré-Cœur et au Théâtre de l'atelier

En bref : une petite heure de détente pour bien commencer la soirée. Sans être un grand spectacle Ca va permet de passer un moment agréable, sans prise de tête, avec un texte à l'humour pointu porté par un trio complémentaire. Et passer un bon moment de détente c'est déjà pas si mal.

Ca va ? de Jean-Claude Grumberg, mise en scène Daniel Benoin, avec Pierre Cassignard, François Marthouret, Eric Prat


C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre du Rond Point
Jusqu'au 3 décembre 2017
Du mardi au dimanche 18h30

jeudi 27 juillet 2017

LOGIQUIMPERTURBABLEDUFOU

LOUFOQUE ET POÉTIQUE 
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Un titre fantaisiste et imprononçable à première vue et pourtant si clair. Il est tiré du roman de Lydie Salvayre "La compagnie des spectres" que Zabou Breitman a joué notamment dans le Off au Chêne Noir en 2013. Un spectacle loufoque et poétique qui se déroule dans un hôpital psychiatrique. La fantaisie que l'on connait à la comédienne-metteur en scène nous promène dans cet univers à part. Des patients ou des soignants, les plus fous ne sont pas forcément ceux que l'on pense. Pourtant la frontière entre les deux reste présente tout au long du spectacle. 

Avec un humour du domaine de l'absurde Zabou Breitman fait ressortir la folie qui vit en chacun de nous et se manifeste de différentes manières. Il y a les patients, dont l'intérêt n'est pas dans les raisons de leur internement mais leur comportement pas toujours si éloigné de celui du personnel qui les entoure. Cette incursion dans le domaine de la folie c'est aussi ces moments où soudain on perd toute rationalité et on bascule dans l’irrationnel.

Les quatre comédiens se glissent avec fluidité, rapidité, d'un personnage à l'autre. Une blouse enfilée, ôtée, recouverte et ils sont tantôt patients, tantôt soignants. Les changements se font avec une telle habileté qu'on a du mal à croire qu'ils ne sont que quatre pour tenir tous ces rôles qui défilent avec frénésie devant nous.

Une comédie rythmée, tant physique que lyrique ou textuelle. Pour cette création Zabou Breiman s'est librement inspirée d’œuvres d'Anton Tchekhov, de Shakespeare, de Zouc et de ses textes personnels. Les noms de maladies, de médicaments se font aussi fous et poétiques que les personnages qui les prononcent. Une mise en scène qui se sert de tous les attributs de la comédie, nous plonge dans l'absurde ou le burlesque, en évitant tous les écueils que réserve le sujet de la folie. Et pourtant il m'a manqué un brin de génie dans ce monde où règne l'absurde, pour être complètement séduite par cette proposition qui ne manque pas d'intérêt. 

Logiquimperturbabledufou, mise en scène Zabou Breitman, avec Antonin Chalon, Camille Constantin, Rémy Laquittant et Marie Petiot.

En bref : un voyage avec humour au pays de la folie. Quatre comédiens remarquables pour une balade en absurdie, avec toute la fantaisie de Zabou Breitman

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Avignon Off 2017
Théâtre des Halles
Rue du Roi René 84000 Avignon
Du 6 au 29 juillet 2017 - 19h30 - Durée : 1h10

mardi 6 juin 2017

ANGELUS NOVUS

UN ANTIFAUST PAS CONVAINCANT
**


Pour sa nouvelle création Sylvain CREUZEVAULT s'attaque au mythe de Faust. Mettant en scène trois scientifiques qui affrontent leurs démons intérieurs il présente un spectacle foisonnant mais brouillon qui perd le spectateur par manque de clarté du propos et du traitement. Dommage.

TROIS SCIENTIFIQUES EN QUÊTE AUTHENTICITÉ

Tout commence dans un laboratoire miteux où une souris vient enfin, au bout de 4 ans de recherches, de valider une hypothèse scientifique. Pendant ce temps de l'autre côté du plateau Théodore, grand chef d'orchestre ne cesse de s’énerver contre son meilleur ami qui n'est pas venu à son grand concert de la veille tandis que son épouse Marguerite aimerait bien qu'il lui accorde plus d'attention ne serait-ce que pour le Prix Nobel qu'elle vient de recevoir. Plus tard elle déraille complètement pendant une conférence de presse, et tandis que Théodore devient Président elle se lance dans la contestation avant de prendre la fuite.

La suite des aventures rocambolesques de nos trois héros est bien trop confuse pour pouvoir résumer la ligne directrice d'ANGELUS NOVUS. Confrontés à leurs démons intérieurs nos trois scientifiques vont choisir de ne pas sombrer dans la complaisance pour rester / devenir eux-mêmes. Contrairement à Faust ils ne signeront pas le pacte qui les ferait devenir ce qu'ils ne sont pas.

BROUILLON ET OPAQUE

Enfin c'est ce que dit la note d'intention du metteur en scène. La réalisation s'avère bien plus laborieuse. Les personnages sont ballottés entre décembre 2016 et avril 2017. Outre les voyages dans le temps ils sont aussi confrontés à leurs doubles plus ou moins bienveillants. Entre fantasme et réalité le spectateur est vite perdu et le public est clairsemé à la reprise après l'entracte.

La deuxième partie nous emporte dans un opéra d'une noirceur et d'une opacité qui contraste avec la folie et l'humour de la première partie. Dominé par un élan de création bouillonnant et bordélique (il faut bien le dire), ANGELUS NOVUS, malgré quelques fulgurances, gâche le talent de ses comédiens. Ils sont le point positif de ce spectacle. L'énergie, l'enthousiasme et la sincérité de la troupe réussit l'exploit de nous tenir éveillé par l'excellence de leur jeu malgré un propos qui ne s'éclaircit pas au fur et à mesure du déroulé du spectacle.

Si Sylvain CREUZEVAULT s'interroge sur la place de la science dans une société de finance et de marchandisation, son propos manque de clarté. Certes je n'attends pas du théâtre qu'il me serve sur un plateau des réponses toutes faites à des problématiques plus ou moins complexes, mais quand il ne me distrait pas il participe à enrichir ma réflexion. J'avais très envie de me laisser porter par l'univers critique, sarcastique et bourré d'humour du dramaturge de NOTRE TERREUR qui avait ébloui la critique. Hélas, une écriture et une mise en oeuvre trop hermétiques et trop confuse ne m'ont pas permis d'adhérer à ce spectacle.

En bref : a vouloir trop démontrer et trop partir dans le cinquantième degré Sylvain CREUZEVAULT se perd dans les lacets brouillons de son anti-faust. Dommage que le talent incontestable de ses comédiens soit ainsi gâché.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
CDN  - Domaine de Grammond - 34000 MONTPELLIER
Les 2-3 et 4 juin 2017


ANGELUS NOVUS mis en scène par Sylvain Creuzevault, avec Antoine Cagarra, Eric Charron, Pierre Devérines, Evelyne Didi, Lionel Dray, Servane Ducorps, Michèle Goddet, Arthur Igual, Frédéric Noaille, Amandine Pudlo, Alysée Soudet
Opera Kind des Faust : Musique originale de Pierre-Yves Macé, avec Juliette de Massy (soprano) Laurent Bourdeaux (baryton basse) Léo-Antonin Lutinier (contre-ténor) Vincent Lièvrfe-Picard (ténor) Naaman Sluchin (violon) Barbara Giepner (alto) Maitane Sebastian (violoncelle)


Crédit photo @ Marie Clauzade 

lundi 1 mai 2017

POURQUOI ? - Michaël Hirsch

UN GRAND ENFANT ! UN IMMENSE COMÉDIEN !
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Depuis 3 ans Michaël HIRSCH promène ses "Pourquoi ?" sur toutes les scènes de France. Un succès qui ne se dément pas pour ce digne héritier de Devos et de Desproges. Plongez sans hésitation dans son univers insolite et décalé.


PARCOURS INITIATIQUE

Souvenez lorsque vous étiez enfant et que vous ne cessiez de vous étonner sur le monde. De l'enfance curieuse au vieil homme malicieux en passant par l'adolescent blasé, le jeune homme en quête d'avenir et l'homme mûr entre résignation et résistance, "POURQUOI" promène le regard d'un être en quête de sens. Passant par les différents stades d'une vie d'homme il interroge la vie et nous interpelle sur le sens du monde qui nous entoure, sur notre place, le tout avec un humour fin.

Jonglant avec les mots avec une aisance et une rapidité déconcertantes Michaël HIRSCH ne laisse personne indifférent. Héritier de Raymond DEVOS et de Pierre DESPROGES qu'il admire depuis toujours, il pratique les jeux de mots et les calembours avec la virtuosité de ses maîtres spirituels. 

Chaque questionnement est posé avec subtilité. De l'espièglerie de l'enfant à la malice du vieillard Michaël surprend à chaque mot d'esprit et nous laisse hilares et ébahis par la la fluidité et la pertinence de ses interrogations qui finalement rejoignent les nôtres, sur la famille, le travail, la société, l'amitié, l'amour, la politique, la vie.

Avec générosité et sincérité il joue avec le public, partenaire plus que spectateur. Une interactivité qui s'est installée au fil des représentations. Il nous entraîne dans son univers poétique. Un voyage existentiel et une savoureuse et attachante galerie de personnages : les parents, les personnes qui ont marqué la construction de soi, l'ami de toujours. Un imaginaire entre dérision et réflexion, abordant des sujets légers ou plus graves.

La mise en scène d'Ivan CALBERAC est simple, dépouillée, laissant la place au texte. La mise en lumière accentue la poésie du spectacle. Le rappel permet d'entendre un poème de 125 vers de 8 pieds : le mille-pattes, réflexion sur les défis d'une époque troublée."N'oublions pas qu'il ne faut pas consentir pour ne pas se sentir con"

En savoir plus :
Retrouvez l'entretien que m'a accordé Michaël HIRSCH en cliquant ICI.
Et pour ne rien manquer que son actualité suivez le sur twitter, sur Facebook, sur son site
Retrouvez toutes les "Lettres ou ne pas lettres" sur sa chaîne Youtube

En bref : un petit bijou pour les amoureux de la langue française. Digne héritier de Devos et de Desproges Michaël HIRSCH nous secoue les neurones et les zygomatiques avec ses calembours et jeux de mots subtils, impertinents, émouvants et intelligents. C'est drôle et ça fait du bien. A voir et revoir

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

En tournée en France jusqu'en décembre 2017. Toutes les dates en cliquant ICI

Avignon Off 2017
Théâtre du Roi René
4 Rue Grivolas
8 au 30 juillet 2017 - 11h45

Vu Avignon Off 2016 - Théâtre du Roi René et Mars 2017 Lucernaire Paris

dimanche 12 mars 2017

LE VIDE, ESSAI DE CIRQUE

ÉTONNANTE ET HALLUCINANTE PERFORMANCE
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Ce soir-là au théâtre de Saint Quentin en Yvelines le spectacle, l'expérience, la performance, commencent par un parcours fléché énigmatique et humoristique dans les entrailles du lieu pour arriver sur la scène transformée en une piste de cirque.  Au détour d'un couloir on croise des livres suspendus : "Le mythe de Sisyphe" d'Albert Camus. Et un rappel : c'est l'histoire d'un homme qui pousse un rocher en haut d'une montagne. Quand il arrive en haut, le rocher retombe. Sisyphe est alors condamné à inlassablement recommencer son geste. Une quête de sens. Un voyage au pays de l'absurde. Pour la mythologie grecque, une punition infligée à celui qui a osé se moquer des dieux. Pour Camus un destin qui permet la rébellion et l'accomplissement.

Au sol un assemblage de matelas, de tranches de mousse, des tables de tréteaux. Du plafond pendent des cordes. La suite est indescriptible. Parce que atypique et parce qu'il faut vivre cette performance pour l'apprécier pleinement.

"Ceci est un essai, de plus" lit-on sur les petits papiers disposés sur les sièges. Un essai pour donner une interprétation physique au mythe se Sisyphe. Un essai pour transformer une scène de théâtre, chaque fois différente, en une piste de cirque. Un essai pour confronter l'artiste au vide sous lui, confronter les spectateurs au vide entre deux notes de musique. Rencontre entre deux univers complémentaires, indissociables.

Fragan GEHLKER est cordeliste. Pendant une heure, ou plus selon les représentations, il joue avec nos nerfs dans ses essais sans cesse renouvelés de grimper sur une corde tandis que Alexis AUFFRAY multiplie les essais de sonorisation, tantôt au violon, tantôt via un radiocassette. L'acrobate grimpe, rencontre une première difficulté, recommence, encore et encore. A chaque fois il trouve une nouvelle possibilité pour poursuivre son but, explorant tout l'espace horizontal et vertical qui abrite sa performance, faisant preuve d'une technique et d'une force incroyables qui nous laissent bouche bée, le souffle suspendu, le corps sursautant à chaque mise en danger.

Performance physique hallucinante, hypnotique, effrayante, souvent drôle. Le duo, sur la surprenante dramaturgie de Maroussia DIAZ VERBEKE, nous entraîne au cœur de l'absurde. Tout comme Sisyphe qui pousse sans relâche son rocher, l'acrobate monte et redescend le long des ces cordes, de cet espace, le musicien cherche la bonne note, le spectateur fasciné ne peut détacher ses yeux de l'artiste condamné à essayer encore et encore. Jusqu'où est-il / sommes-nous prêt(s) à aller pour réussir ? Quel sens faut-il donner à cette obstination ? A cette volonté de ne jamais abandonner ?

"Il faut imaginer Sisyphe heureux" disait Camus. Car en prenant conscience de son destin il en devient le maître. De l'artiste ou du spectateur, qui est le maître du temps ?

En bref : un spectacle étonnant. Une performance physique impressionnante et un questionnement métaphysique. Un moment de cirque à nul autre pareil qui derrière le rire de l'absurde nous interpelle. Incroyable. Indescriptible. Bluffant.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre Gérard Philippe - TGP
DERNIERES REPRESENTATIONS MONDIALES
Di 10 nov 2019 17h
Je 14 et Ve 15 nov 2019 - 19h30

Toutes les dates de tournée sur le site du spectacle : levide-insitu.blogspot.fr


Vu Mars 2017 - Théâtre de Saint Quentin en Yvelines
Mise à jour du 24/10/2019
Crédit photo @Alan Guichaoua

mercredi 8 mars 2017

POUR UN OUI OU POUR UN NON

DEUX HOMMES. TROIS MOTS. 
UNE JOUTE VERBALE DE HAUTE VOLTIGE.
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IL ÉTAIT UNE FOIS TROIS PETITS MOTS

Deux hommes, amis de longue date. Trois syllabes prononcées par l'un d'eux. Une amitié d'enfance remise en question, à la limite de la rupture, pour une intonation, une interprétation, une sensibilité. Une explication est nécessaire. Pourquoi a-t-il employé CETTE expression ? Pourquoi l'avoir dite sur CE ton ?

De ce "c'est bien....ça" prononcé par l'un c'est toute la colonne vertébrale de leur relation qui est remise en cause, menaçant de s'effriter. Cette amitié a-t-elle jamais existé ? N'était-elle qu'un leurre ? Quelle était la part de la sincérité et celle de l'hypocrisie tout au long de ces années ?

De ces trois petits mots c'est la relation de l'un à l'autre, des uns aux autres, un des piliers de la société qui semble remis en question.

Au travers ces trois mots l'auteur Nathalie SARRAUTE nous rappelle à son goût pour la précision, son exigence pour la langue française. Car c'est le but de ce texte ciselé, précis, fin : nous interpeller sur les mots qui nous semblent anodins, que nous prononçons à la légère, sans vraiment y penser. Et si on décidait de s'y arrêter ? S'il fallait faire une mise au point sur ce que deux amis se disent vraiment ? De l'ergotage stérile seriez-vous tenté de penser ! 

C'est là que se trouve toute la force du texte de Nathalie SARRAUTE : au travers d'une explication mouvementée entre ces deux hommes qui se sont si longtemps côtoyés, c'est une volonté de l'auteure de donner un sens à des propos, des échanges, des mots affadis soit par un usage trop fréquent, soit par une forme de détachement. Une minutieuse analyse de la langue et des comportements.

FACE A FACE INTENSE

Léonie SIMAGA, à peine sortie de la Comédie Française dont elle était sociétaire, met en scène avec sobriété le texte de Nathalie Sarraute. Dans un décor minimaliste un banc évoque un intérieur d'une extrême simplicité. C'est le texte qui prime, la sobriété des lieux, la blancheur des lumières, mettent en avant l'intensité dramatique de cette situation, qui par ailleurs pourrait sembler si banale et si désuète.

C'est à Nicolas BRIANCON et à Nicolas VAUDE qu'elle a confié la tâche de donner vie à cette confrontation. Tandis que Nicolas BRIANCON est plutôt calme, serein, sûr de lui, et sûr de n'avoir jamais fait quoi que ce soit qui vise à moquer son ami, ni à le dénigrer, Nicolas VAUDE est tendu, fébrile, parfois un peu extatique. Dans ce quasi huis-clos perturbé par deux apparitions des voisins, les rôles s'inversent parfois dans un rapport dominant-dominé. On frôle parfois l'absurde dans ces logiques par toujours rationnelles.

Les deux comédiens dont le talent n'est plus à prouver sont fascinant par la puissance de leur interprétation. Ils servent avec précision un texte exigeant, faisant ressentir chaque nuance, chaque ponctuation, chaque code de langage susceptible de modifier les suites d'une action ou d'une situation selon la perception que l'un ou l'autre aura de ce qui est dit. Jusqu'à la question sous-jacente : quelle image renvoyons-nous à l'autre ?

En bref : Nicolas BRIANCON et Nicolas VAUDE, deux comédiens magistraux qui rendent hommage au très beau texte de Nathalie SARRAUTE par une remarquable interprétation, sous la direction fine et précise de Léonie SIMAGA. Un bel échange à ne pas manquer.

POUR UN OUI OU POUR UN NON, de Nathalie Sarraute, mis en scène par Léonie Simaga, avec Nicolas Briançon, Nicolas Vaude, Roxana Carrara.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Poche Montparnasse
75 Boulevard du Montparnasse 75006 Paris
Jusqu'au 19 mars 2017
Du mardi au samedi 19h - dimanche 17h30

samedi 7 janvier 2017

ORCHESTRE TITANIC

BECKETT CHEZ LES MIGRANTS
***



Avec ORCHESTRE TITANIC le bulgare Hristo BOYTCHEV emprunte à l'univers de Becket pour illustrer les aspirations et déconvenues de quatre paumés en lisière du monde, entre passé et futur, entre rêve et réalité, entre est et ouest. Un ton décalé qui manque un peu de magie.

ERRANCE ET DESERRANCE

Ils sont quatre à se répartir l'espace vide de cette gare abandonnée. Meto (Philippe DORMOY)  était chef d'orchestre. Aujourd'hui il erre dans les souvenirs de ses partitions et tente de guider ce groupe d'hommes et de femmes entre deux mondes. Il y a sa compagne Lubka (Evelyne PELLETIER), Louko (Bernard BLOCH) l'ex-cheminot et enfin Doko (Christian PAGEAULT) qui ne peut faire le deuil de cette ourse morte par amour pour lui. Leur vie ne tourne plus qu'entre la quête d'alcool et l'espoir qu'un train s'arrête enfin. Alors ils ne cessent de répéter le moment où l'occasion de partir, de continuer leur route vers un futur salvateur se présentera.

Et puis un jour le train s'arrête. Un homme en descend. Comme par magie Hari entre dans la vie de ces quatre paumés. Ce Godot que l'on n'attendait pas va-t-il être la concrétisation de l'espoir dont cette petite communauté à besoin pour vivre ?

FABLE ONIRIQUE

Ecrit en 2002 ORCHESTRE TITANIC est le fruit d'une commande à l'auteur lorsque la Bulgarie a fait sa demande pour entrer dans l'Union Européenne. Une fable onirique faite d'une écriture décalée, du même ton absurde que le théâtre de Beckett, qui dresse un constant désenchanté de l'Europe et de ses perspectives. Quel avenir offre-t-elle à ces "Karl-Marx Brothers" qui rêvent d'une vie meilleure et dont le seul mantra est "survivre et foutre le camp" ? Un jour, par surprise, Hari, maître de l'illusion, surgit pour les préparer à cet autre monde.

La compagnie Le Cartel travaille depuis 2009 sur les écritures balkaniques. Dans cette comédie philosophique sombre c'est une parabole des rapports Est/Ouest qui est imaginée sous un angle burlesque. Ces quatre pauvres êtres abandonnés sur le bas-côté nous font penser à ces migrants de 2016 qui voient en l'Europe le moyen d'échapper à la misère. Ces trains qui passent sans s'arrêter seraient le visage de cette Europe des peuples favorisés qui avance insensible à la misère qui l'entoure et à ces êtres pleins d'espoir qu'elle attire. Et tel le Titanic c'est l'image de ce naufrage de l'Europe que veut ici montrer le dramaturge bulgare. Il faut en effet se souvenir que le drame du Titanic permis de revoir toutes les normes de sécurité et procédures d'urgence sur les bateaux tant il mit en évidence les carences et faiblesses de ces orgueilleux insubmersibles.

Dans un décor épuré Philippe LANTON met en scène avec sobriété ces quatre anarchistes asociaux et alcooliques attirés par les mirages que fait miroiter l’illusionniste Hari. Un peu trop de sobriété peut-être. Car malgré la qualité de jeu des 5 comédiens, il manque cette magie et cette illusion qui nous permettrait de basculer totalement dans cette fable. Une mention spéciale à la qualité de la bonne sonore.


En bref : Une fable onirique qui sur un ton décalé interroge le spectateur sur l'Europe, cet Eldorado pour les migrants, et la mondialisation. Sobriété de la mise en scène qui manque un peu de magie et peine à nous embarquer malgré la belle prestation des 5 comédiens.

Louko : 
"Hier il est passé cinq trains dans un sens, qui transportaient du sable, et cinq autres dans le sens inverse qui eux aussi transportaient du sable. Quel est le sens, je demande, de transporter du sable à droite et à gauche ? Si on y réfléchit il n'y a aucun sens, mais  si on n'y réfléchit pas, il y en a peut-être un..."


C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Rue du Champs de Manoeuvre 75012 PARIS
Du 10 janvier au 5 février 2017
du mardi au samedi à 20h - dimanche 16h
Durée 1h15

Dates de tournée :
7 janvier 2017 - Théâtre des Deux Rives Charenton le Pont
24 janvier 2017 Ferme le Bel Ebat Théâtre de Guyancourt
14 mars 2017 Théâtre Jean Vilar Suresnes

Crédit photo @DR Orchestre Titanic via blog Mediapart
Vu Janvier 2017 - Théâtre de l'Aquarium

jeudi 29 décembre 2016

DIEU EST MORT, et moi non plus j'me sens pas très bien

ET SI TOUT CA N’ÉTAIT QU'UNE BLAGUE ?
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Dieu existe-t-il ? Qu'est-ce qui depuis des siècles justifie cette croyance de la part des trois grandes religions ? Et si tout cela n'était que la conséquence de la première blague juive lancée dans le désert ? Osé, original, brillant, Régis Vlachos nous entraîne dans les méandres de son esprit, entre confidences, séance de psy et magistral cours de philo. Un objet théâtral décalé qui prête à réflexion tout en faisant rire


RÈGLEMENT DE COMPTE

C'est l'histoire d'un enfant devenu grand, d'un quadra qui n'a pas encore coupé le cordon, d'un homme qui remet en cause les enseignements reçus d'une mère possessive et d'un père absent. C'est une séance de psy qui amène confidences et réflexions sur la spiritualité. C'est Dieu qu'il enterre dans une démonstration brillante. C'est aussi le deuil d'un père, d'une sœur, d'un premier amour, d'une mère rêvée. C'est un cours de philo comme on en voudrait tous les jours, avec un prof qui manie les concepts avec humour et n'utilise pas la langue de bois. C'est un cours sur les religions qui dérape. C'est un cri de colère. C'est un éloge de l'ouverture des esprits par la connaissance. C'est un combat contre l'ignorance, celle qui est fondement des croyances, celle sur laquelle certains prennent appui pour soumettre les autres. C'est la victoire de la conscience éclairée.

APRES CHARLIE

Régis VLACHOS a écrit ce texte après Charlie. Alors que nous avons connu Bruxelles, le 13 novembre, Istanbul, Bagdad, Nice, et trop d'autres événements tragiques, il crie sa colère, comme un signal d'alarme. Ce petit garçon qui a grandi baigné dans la culture et les croyances judéo-chrétiennes a un jour cessé de croire. Il nous interpelle sur notre relation à la religion, à ces croyances ancestrales si profondément ancrées dans nos vies, que l'on soit chrétien, juif ou musulman.

Une écriture précise, vive, incisive, parfois cassante, souvent irrévérencieuse, toujours teintée d'humour et de sensibilité. Un ton décalé qui bouscule, fait rire, provoque l'émotion. Un texte dense, intense, ponctué par les interventions de Charlotte ZOTTO, à la guitare, portant la croix ou figure fantomatique de la sœur perdue qui veille sur son frère. Des apparitions qui, comme celles de l'écran télé sur lequel apparaît Michel Sardou, qui sont comme des bols d'air, des ponctuations qui permettent de reprendre notre respiration avant de replonger la tête dans l'aquarium et d'éclater de rire.

La mise en scène de Franck GERVAIS est à la fois rythmée et sobre. Quelques accessoires qui apparaissent parfois par magie, des marionnettes prophètes, des billes, deux malles, une télévision, un aquarium, un drap, une serviette. Des tableaux qui se succèdent avec rapidité. Ainsi les très justes apparitions de Charlotte ZOTTO, subtile jusque dans les dernières paroles lors du salut. Et une bande sonore des plus surprenantes, entre révolte punk et atmosphère surannée d'une église ou vintage d'un intérieur de la classe moyenne.

Pour en savoir plus:
Ce texte écrit en hommage à Charlie Hebdo a été primé au Concours Léopold Belland en avril 2015 au théâtre Tristan Bernard à Paris. D'abord en solo il est recréé en duo en juin 2016. Succès du Off 2016. L'auteur a précédemment écrit PARTISANS, une tragi-comédie sur la Résistance, et LITTLE BOY qu'il interprète avec Christophe ALEVEQUE, questionnant la notion de culpabilité vis à vis de la bombe atomique. Il a également connu le succès avec l'adaptation de LA VIE DE GALILÉE d'après Bertolt Brecht.

En bref : un objet théâtral étonnant que ce DIEU EST MORT. Régis VLACHOS nous emporte avec finesse dans les méandres de l'âme d'un quadra en crise filiale et spirituelle. Une écriture qui ose. C'est brillant et désopilant et émouvant. Du rire intelligent : suffisamment rare pour ne pas s'en priver.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre de la Contrescarpe
5 rue Blainville 75005 Paris
du 31 mars au 9 juin - dimanche 20h30



Crédit photo @Xavier Cantat
Vu au Théâtre Essaion - Décembre 2016
Mise à jour 29/03/19

mardi 20 décembre 2016

CEUX QUI ERRENT NE SE TROMPENT PAS

NAUFRAGE DE LA DÉMOCRATIE ?
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LA RÉVOLUTION DES URNES

Jour d'élection. Dans un bureau de vote de la capitale aucun électeur ne s'est présenté au bout de 3h. La journée passe et le phénomène continue. Il pleut. A verse. Et puis soudain les électeurs changent de comportement. A la fin de la journée le verdict tombe: participation exceptionnelle de 99%. Mais 80% de vote blanc. C'est la panique au sein du gouvernement. Comment interpréter ce vote ? Il ne peut s'agir que d'un complot. Il faut protéger le peuple...de lui-même. On déclare "l'état d'inquiétude". Le gouvernement doit fuir la capitale. Pourtant la population reste calme et continue à vivre et travailler comme s'il ne s'était rien passé. Le service de la Vérité est chargé d'enquêter tandis qu'une journaliste tente de comprendre.

Présentée dans le cadre du Festival d'Avignon 2016 la mise en scène de Maëlle Poésy a suscité l'éloge de la critique. En adaptant le roman La Lucidité de José Saramago (que je reconnais ne pas avoir lu), elle imagine une comédie fantastique qui utilise les ressorts de l'absurde pour remettre en question les rouages de la démocratie et interpeller le public sur son rapport à la politique.

DÉCEPTION

Hélas si la mise en scène de la nouvelle jeune prodige du théâtre contemporain réserve quelques bons éléments, le propos ne convainc pas et la pièce s'enlise dans l'ennui, et, comme les comédiens qui pataugent dans l'eau de la pluie diluvienne qui s'en abattue sur cette journée électorale, nous pataugeons dans un discours qui n'est pas abouti. Un vote blanc majoritaire constituerait-il réellement une révolution des urnes? N'y aurait-il pas confusion entre pouvoir du vote blanc et pouvoir de l'abstention ? Qu'est-ce qui est responsable de l'écart grandissant entre le peuple et ses responsables : la classe politique ou le système  ?

Le questionnement de Maëlle Poésy s'articule essentiellement sur deux éclairages autour de l'axe formé par les politiques (le Maire de la capitale et le gouvernement en déroute). D'un côté le bureau de la Vérité questionne les suspects, recherche les instigateurs de ce complot, accuse tout le monde (les anarchistes, les femmes, l'inconscient). De l'autre une journaliste parcourt les rues sous le déluge et tente de rendre compte de la réalité du terrain avant d'être rattrapée par la censure. La vision semble restreinte à la capitale, abandonnée par le gouvernement. On pense deux secondes à l'épisode de La Commune de Paris, à Paris abandonné aux Allemands, et puis la vacuité du propos reprend le dessus. A aucun moment les causes du vote blanc ne sont analysées. Si cela peut se comprendre de la part de la classe politique, cela le peut moins de la part de la journaliste.

Est-ce parce que depuis il y a eut le Brexit et l'élection de Donald Trump que j'ai l'impression que les critiques d'Avignon et moi n'avons pas vu le même spectacle ou que je l'ai reçu avec moins d'intensité ? A quelques mois de l'élection présidentielle française je suis plutôt tentée de faire le constat suivant sur les interrogations des citoyens:
  • 2002 : pour quel programme voter ?
  • 2007 : pour qui voter ?
  • 2012 : contre qui voter ?
  • 2017 : Pourquoi voter ?

Le théâtre ne cesse de s'interroger sur la politique. Si le questionnement de CEUX QUI ERRENT NE SE TROMPENT PAS déçoit par son manque d'ambition, je suis tentée de vous renvoyer plutôt à Ca ira (1) Fin de Louis de Joël Pommerat qui nous plongeait au coeur des idées de la Révolution en  marche, à la vision engagée de LA RESISTIBLE ASCENCION D'ARTURO UI mis en scène par Pitoiset ou à CHUTE D'UNE NATION la série théâtrale de politique fiction de Yann Reuzeau

En bref : Une comédie fantastique qui bénéficie d'une belle mise en scène de Maëlle Poésy mais qui manque d'ambition dans son propos visant à interpeller le public sur l'état de la démocratie dans nos société occidentales. Une déception après les éloges d'Avignon

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre de la Cité Internationale
17 Boulevard Jourdan 75014 Paris
du 5 au 18 décembre 2016

En tournée en France en 2017 dont Sartrouville les 10 et 11 janvier 2017





Crédit photo @ Christophe Raynaud de Lage