NAUFRAGE DE LA DÉMOCRATIE ?
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LA RÉVOLUTION DES URNES
Jour d'élection. Dans un bureau de vote de la capitale aucun électeur ne s'est présenté au bout de 3h. La journée passe et le phénomène continue. Il pleut. A verse. Et puis soudain les électeurs changent de comportement. A la fin de la journée le verdict tombe: participation exceptionnelle de 99%. Mais 80% de vote blanc. C'est la panique au sein du gouvernement. Comment interpréter ce vote ? Il ne peut s'agir que d'un complot. Il faut protéger le peuple...de lui-même. On déclare "l'état d'inquiétude". Le gouvernement doit fuir la capitale. Pourtant la population reste calme et continue à vivre et travailler comme s'il ne s'était rien passé. Le service de la Vérité est chargé d'enquêter tandis qu'une journaliste tente de comprendre.
Présentée dans le cadre du Festival d'Avignon 2016 la mise en scène de Maëlle Poésy a suscité l'éloge de la critique. En adaptant le roman La Lucidité de José Saramago (que je reconnais ne pas avoir lu), elle imagine une comédie fantastique qui utilise les ressorts de l'absurde pour remettre en question les rouages de la démocratie et interpeller le public sur son rapport à la politique.
DÉCEPTION
Hélas si la mise en scène de la nouvelle jeune prodige du théâtre contemporain réserve quelques bons éléments, le propos ne convainc pas et la pièce s'enlise dans l'ennui, et, comme les comédiens qui pataugent dans l'eau de la pluie diluvienne qui s'en abattue sur cette journée électorale, nous pataugeons dans un discours qui n'est pas abouti. Un vote blanc majoritaire constituerait-il réellement une révolution des urnes? N'y aurait-il pas confusion entre pouvoir du vote blanc et pouvoir de l'abstention ? Qu'est-ce qui est responsable de l'écart grandissant entre le peuple et ses responsables : la classe politique ou le système ?
Le questionnement de Maëlle Poésy s'articule essentiellement sur deux éclairages autour de l'axe formé par les politiques (le Maire de la capitale et le gouvernement en déroute). D'un côté le bureau de la Vérité questionne les suspects, recherche les instigateurs de ce complot, accuse tout le monde (les anarchistes, les femmes, l'inconscient). De l'autre une journaliste parcourt les rues sous le déluge et tente de rendre compte de la réalité du terrain avant d'être rattrapée par la censure. La vision semble restreinte à la capitale, abandonnée par le gouvernement. On pense deux secondes à l'épisode de La Commune de Paris, à Paris abandonné aux Allemands, et puis la vacuité du propos reprend le dessus. A aucun moment les causes du vote blanc ne sont analysées. Si cela peut se comprendre de la part de la classe politique, cela le peut moins de la part de la journaliste.
Est-ce parce que depuis il y a eut le Brexit et l'élection de Donald Trump que j'ai l'impression que les critiques d'Avignon et moi n'avons pas vu le même spectacle ou que je l'ai reçu avec moins d'intensité ? A quelques mois de l'élection présidentielle française je suis plutôt tentée de faire le constat suivant sur les interrogations des citoyens:
- 2002 : pour quel programme voter ?
- 2007 : pour qui voter ?
- 2012 : contre qui voter ?
- 2017 : Pourquoi voter ?
Le théâtre ne cesse de s'interroger sur la politique. Si le questionnement de CEUX QUI ERRENT NE SE TROMPENT PAS déçoit par son manque d'ambition, je suis tentée de vous renvoyer plutôt à Ca ira (1) Fin de Louis de Joël Pommerat qui nous plongeait au coeur des idées de la Révolution en marche, à la vision engagée de LA RESISTIBLE ASCENCION D'ARTURO UI mis en scène par Pitoiset ou à CHUTE D'UNE NATION la série théâtrale de politique fiction de Yann Reuzeau
En bref : Une comédie fantastique qui bénéficie d'une belle mise en scène de Maëlle Poésy mais qui manque d'ambition dans son propos visant à interpeller le public sur l'état de la démocratie dans nos société occidentales. Une déception après les éloges d'Avignon
C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre de la Cité Internationale
17 Boulevard Jourdan 75014 Paris
du 5 au 18 décembre 2016
En tournée en France en 2017 dont Sartrouville les 10 et 11 janvier 2017
Crédit photo @ Christophe Raynaud de Lage
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