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dimanche 3 octobre 2021

ON N'EST PAS LA POUR DISPARAITRE

 UNE PERFORANCE QU'ON N'OUBLIERA PAS !

En ce début de saison, le Théâtre 14 nous propose un seul en scène avec Yuming Hey, l'un des artistes associés du lieu. Un spectacle fort tant pour le texte que pour la performance du jeune comédien, dans une mise en scène épurée de Mathieu Touzé.

C'est avec une nouvelle adaptation théâtrale d'un roman que Mathieu Touzé met à nouveau en scène son acteur fétiche. "On n'est pas là pour disparaître", d'après le livre d'Olivia Rosenthal, est l'histoire de M. T. Atteint de la maladie d'Alzheimer il a poignardé sa femme le 6 juillet 2004.

Après la (un peu longue) projection d'un texte sur la maladie d'A, Yuming Hey s'installe au centre de la scène. Vêtu de blanc, dans un décor dépouillé, constitué d'un drap blanc en fond de scène, dans une atmosphère souvent froide. Pendant plus d'une heure il va rester ancré dans le sol, comme pour lutter contre la fuite du temps, la fuite des souvenirs. Seul le haut de son corps sera en mouvement. Il nous raconte l'histoire de M. T. et de son épouse, avec de nombreux flashbacks. L'interprétation est puissante, passant instantanément d'un personnage à l'autre (M et Mme T. leurs proches, les médecins, etc.), avec des métamorphoses physiques et vocales incroyables.

L'adaptation de Mathieu Touzé est un texte dense, difficile à dire, fait de ruptures de rythme, parfois de répétitions avec quelques infimes modifications. Il décrit la maladie de l'intérieur avec le ressenti de M. T. qui se sent diminué, qui est conscient de ce que la maladie impose à son entourage. Il décrit aussi la vie de Mme T. et la souffrance des aidants. Une plongée dans la maladie, dans le processus de dépersonnalisation, qui ne se joue jamais sur le pathos mais place le spectateur au cœur de la question de l'oubli . "L'amour est impuissant. L'amour n'est pas plus fort que la mort" dit M. T.

La performance d'acteur est accompagnée et soutenue par la musique live de Rebecca Meyer et par la voix off de Marina Hands.

En bref : un texte fort et une performance extraordinaire de Yuming Hey. Une présence scénique puissante que l'on n'est pas prêts d'oublier. Un spectacle qui touche au cœur.

On n'est pas là pour disparaître, d'après le roman de Olivia Rosenthal, adapté et mis en scène par Mathieu Touzé, avec Yuming Hey, création vidéo Justine Emard, création musicale Rebecca Meyer, lumières Renaud Lagier et Loris Lallouette

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Théâtre 14
20 Avenue Marc Sangnier 75014 Paris
Du 21 septembre au 3 octobre 2021

Crédit photo @Christophe Raynaud de Lage

jeudi 3 juin 2021

LA 7e VIE DE PATTI SMITH

LIBERTE CHERIE


Retrouver le chemin d'un théâtre, enfin, après ces longs mois de fermeture ! Et quel plaisir que ces retrouvailles se fassent avec ce spectacle qui est un cri d'amour à la vie et une ode à la liberté.

La musique a toujours fait partie de la vie de Marie-Sophie Ferdane. Une belle corde (la 7e ?) à l'arc de cette artiste aux talents multiples. Une artiste libre qui a tout pour donner voix et corps aux deux personnages de "La 7e vie de Patti Smith", spectacle créé en 2017 et repris pour quelques jours pour la réouverture du Théâtre 14, après plusieurs reports pour cause de confinement et de crise sanitaire.

Mis en scène par Benoît Bradel, le spectacle a pour point d'ancrage le roman "Le corps plein d'un rêve" et la pièce radiophonique "Les 7 vies de Patti Smith" de Claudine Galea. Entourée de deux musiciens, Thomas Fernier et Seb Martel, la comédienne/chanteuse Marie-Sophie Ferdane est tour à tour la chanteuse, poétesse, peintre américaine Patti Smith et une marseillaise de 17. Cette dernière découvre par hasard G.L.O.R.I.A., de Patti Smith. Les mots et la voix résonnent comme un cri de libération pour cette adolescente qui s'ennuie et n'est pas à l'aise dans son corps. Elle va alors se lancer dans un dialogue avec la chanteuse new-yorkaise, amoureuse de la vie et d'Arthur Rimbaud, devenue son idole et sa source d'inspiration.

Au rythme des deux guitares les souvenirs, émotions, réflexions des deux femmes se font échos, interrompus parfois par quelques informations factuelles données par les musiciens. Au fil du temps la fan va se plonger dans la vie, les mots de son idole pour mieux se découvrir et trouver sa propre personnalité.

Il y a une grande complicité entre les 3 artistes sur scène. Et un grand plaisir à dire, jouer, chanter, partager avec le public.

Marie-Sophie Ferdane est fan de Patti Smith et l'émotion brille dans les yeux de la comédienne. Athur Nauzyciel, avec qui elle a travaillé à plusieurs reprises, dit d'elle "Elle met toujours beaucoup d'engagement dans ce qu'elle fait, elle va chercher très loin et très profond des choses qui relèvent l'âme" (in Liberation - Janvier 2019). On ne peut lui donner tort tant Marie-Sophie Ferdane se donne dans ce spectacle, avec tout son magnétisme, sa puissance, sa présence.

La mise en scène de Benoît Pradel, appuyée par la belle mise en lumière de Julien Boizard, alterne confessions intimistes et énergie du rock 'n roll.

La 7e vie de Patti Smith, d'après"'Le corps plein" et "Les 7 vies de Patti Smith" de Claudine Galéa, mis en scène par Benoît Pradel, avec Marie-Sophie erdane, Thomas Fernier et Seb Martel. 

En bref : Marie-Sophie Ferdane et ses musiciens nous offrent non seulement un hommage à la grande Patti Smith mais aussi un hymne à la liberté et une déclaration d'amour à la vie. Et ça fait tellement de bien !

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

20 Avenue Marc Sangnier 75014 Paris
Du 1er au 5 juin 2021 - 19h (16h le samedi) - durée : 1h


lundi 6 juillet 2020

COVID-19 - NOUS N'IRONS PAS A AVIGNON, NI AU PUY DU FOU !

UN ÉTÉ SANS FESTIVAL OU PRESQUE

Lundi 13 avril. Nous le savions depuis plusieurs semaines mais nos esprits ne voulaient pas le croire, l'accepter. Le 8 avril Olivier Py, directeur du Festival d'Avignon, livrait sur Facebook la programmation de la 74e édition prévue pour se tenir du 3 au 23 juillet 2020. Cela faisait déjà plusieurs jours que le Fringe, festival trois fois plus grand que le Off et qui se tient en août à Édimbourg avait annoncé son annulation. Mais confinés que nous étions depuis le 17 mars et espérant un durée limitée à 6 semaines nous avons voulu croire que les compagnies auraient le temps de se retrouver pour répéter. Je dis "nous" parce que je sais que je ne suis pas la seule à avoir voulu / rêvé / espéré que cela soit possible, que je retournerai à Avignon cet été.

Mais ce lundi 13 avril il a bien fallu raison garder. Non nous n'irons pas à Avignon cet été (pour plagier le nom d'un festival de région parisienne). Bien sûr la spectatrice assidue du festival que je suis, celle qui pendant 4 jours ou 3 semaines enchaîne entre 4 et 6 spectacles par jour, est déçue. Mais bien vite cette déception laisse place à la tristesse.

Tristesse en pensant à tous ceux qui vivent du spectacle vivant et qui souffrent tant depuis des mois déjà.

La culture en général et le théâtre en particulier ne servent à rien dans l'esprit de beaucoup de gens. Les intermittents sont considérés comme des feignants qui vivent sur le dos de la société avec leur système d'indemnisation soit disant privilégié. Ces gens-là ont-il idée de critiquer les joueurs de foot au salaires faramineux qui se contentent de courir après un ballon ? (je force le trait volontairement, et encore, je reste sobre).

Mais nous voici le 6 juillet. La culture se dote d'une nouvelle ministre. Wait and see, voir si la culture peut incuber comme dans un laboratoire médical et donner rapidement cet élan que l'on attend depuis trop longtemps.

Le Festival d'Avignon et le Off auraient du commencer il y a 3 jours. Pourtant en cette première semaine de vacances d'été il y a des raisons d'espérer ne pas passer un été sans culture, sans théâtre, sans cirque, sans musique, sans danse. "Innovez" a-t-on intimé aux professionnels de la culture, eux qui font de l'innovation le moteur de leur action quotidienne.

Nous n'irons pas à Avignon, ni au Puy du Fou mais nous irons à Paris pour le Festival Paris l'Eté dans une version raccourcie du 29 juillet au 2 août.  Du théâtre immersif avec "A game of you", du cirque avec Les filles du renard pâle ou avec Nicolas Fraiseau et Christophe Huysman, de la danse avec François Alu, Sébastien Barrier et avec la compagnie Philippe Louranço, de la magie avec Yann Frisch, du théâtre avec David Lescot (ma chronique de "j'ai trop peur" en cliquant ICI  ) ou avec le Munstrum Theatre, des lectures, des installations, bref des spectacles pour tous les goûts et pour tous les âges.



A Paris nous irons aussi au Théâtre 14 qui donne la possibilité à quelques spectacles qui auraient du être joués dans le Off 2020 de présenter leur travail du 13 au 18 juillet grâce au "Paris Off Festival". Le programme complet sur le site pour découvrir 15 propositions dont, entre autres, "Mon premier c'est désir" version moderne de "La princesse de Clèves" par la compagnie MSKT, "Spéciment" un spectacle sur l'adolescence de la compagnie "La rousse" ou "Moi Malvolio" où la compagnie des 7 sœurs explore l'univers de Shakespeare;


Nous irons à La Colline du 7 au 18 juillet où Wajdi Mouawad propose une nouvelle mise en scène de "Littoral" avec de jeunes comédiens, "parce qu'on a tous besoin d'un miracle" ; au Théâtre de la Ville  tout le mois de juillet pour un été solidaire : 5 spectacles à 10€ et gratuit pour les moins de 14 ans et pour les soignants, dont "J'ai trop d'amis" de David Lescot (la suite de "j'ai trop peur" (cf ci-dessus) et "Alice traverse le miroir" de Fabrice Melquiot, Lewis Caroll et Emmanuel Demarcy-Mota ; à La Villette pour du cinéma en plein air pendant tout l'été, de la danse du 2 juillet au 2 août, Plaine d'artistes / dans les coulisses de la création avec avec Mourad Merzouki, François Chaignaud ou Angelin Preljocaj.

Nous irons au Quai à Angers où Thomas Jolly propose un été impromptu, théâtral et festif pendant les mois de juillet et d'août. Au programme, entre autres, "La ferme des animaux" d'après Georges Orwell mis en scène par Youssouf Abi-Ayad, ou "La nuit de Madame Lucienne" mis en scène par le maître des lieux pour une promenade dans un théâtre vide, et une dizaine d'autres propositions théâtrales ou musicales.


Nous irons sur les bases de loisirs d’île de France du 18 juillet au 30 août pour retrouver les Tréteaux de France et l'Ile de France fête le théâtre : un été de spectacle et d'animation pour petits et grands. Au programme du théâtre classique avec "Britanicus", du grand théâtre populaire avec "Faire forêt", et deux spectacles jeune public : "Frissons" (à partir de 4 ans) et Venavi (à partir de 7 ans) . Et en plus c'est GRATUIT !

Nous irons peut-être à Bussang, où le théâtre du Peuple pourrait proposer une petite forme suite à l'annulation historique de son festival d'été.

Et nous irons partout où les scènes ouvertes ou fermées accueillerons un public toujours plus avide de culture.

Bonnes vacances à tous, bel été sous le signe de la culture qui se ré-invente.

Pour que vive le spectacle vivant
Allez au théâtre
et au Cirque

lundi 9 mars 2020

LE QUAI DE OUISTREHAM

LA VOIX DES INVISIBLES
****


Il y a 10 ans Florence Aubenas écrivait le récit de  mois d'immersion dans l'univers des personnels d'entretien. Au théâtre 14 Magali Bonat et Louise Vignaud portes à la scène la parole de ces invisibles. Un spectacle et un live chocs.

2009. Au cœur de la crise la journaliste Florence Aubenas a le sentiment de ne pas comprendre le monde autour d'elle, de perdre pied avec la réalité. Elle décide de partir en province, vivre la vie des victimes de la crise, chercher anonymement un travail.. Elle s'est fixé quelques limites dont celle de terminer l'expérience lorsque lui sera proposé un CDI. Cela arrivera au bout de 6 mois.

Lorsque Louise Vignaud découvre ce texte elle décide de s'en emparer pour lui donner un autre écho politique, sur les planches. C'est Magali Bonat qui sera la voix de ces femmes devenues invisibles qui dès avant l'aube et jusque tard dans la nuit font de nos lieux de travail des espaces propres. C'est en Normandie, autour de Caen, que la journaliste va vivre cette plongée dans un monde du silence. "Ici on ne cherche pas du travail, on cherche des heures". Car sans autre diplôme que le BAC, sans expérience professionnelle, seule, une femme n'a d'autre voie professionnelle possible que celle du nettoyage.

Dans la mise en scène dépouillée de Louise Vignaud, Magali Bonat restitue toute la clarté, la force, la beauté des mots de Florence Aubenas. Seule ne scène pendant un peu plus d'une heure la comédienne restitue ce qui relève plus du documentaire que du texte théâtral. Avec humanité et humour la langue de la journaliste fait la démonstration réaliste d'un monde où la pénibilité n'est pas qu'un mot lâché sur les bancs de l'Assemblée Nationale mais le quotidien de ces femmes dont les corps ploient sous les contraintes d'un travail méprisé et pourtant si nécessaire. Un monde où sans voiture tu ne peux pas travailler, un monde où payer son carburant quelques centimes de plus est une charge insupportable par rapport au salaire horaire payé (sans parler des heures non payées, celles du trajet, de l'attente, ou les heures supplémentaires qui passent à l'as mais qu'elles ne vont pas réclamer pour ne pas perdre ce boulot si mal payé mais si indispensable).

L'émotion est là, sans pathos mais brute et vraie. La plume de Florence Aubenas est précise, prend parfois des accents lyriques. Chaque description de situation, d'environnement, de personnalité est ciselée, et l'interprétation de Magali Bonat est si limpide que Marilou et les autres prennent vie devant nos yeux, avec leurs maigres espoirs et surtout leurs galères quotidiennes pour survivre à défaut de vivre. L'autrice / narratrice se fait parfois spectatrice de cette précarité subie.

Le décor n'est fait que d'un paperboard et d'une chaise. Un décor aussi dépouillé que la vie des invisibles. La mise en scène de Louise Vignaud est fluide, énergique, dynamique. Elle permet à Magali Bonat d'exprimer pleinement la précarité de ces vies, l'univers harassant et contraignant dans lequel ces femmes évoluent quotidiennement, dans le silence et la douleur. "Vous êtes plutôt le fond de la casserole" dira le conseiller de Pôle Emploi.

Créé à Lyon aux Célestins en 2018 "La quai de Ouistreham aura mis 2 ans à arriver à Paris. Merci aux jeunes directeurs du Théâtre 14 d'avoir ouvert leur scène à cette parole nécessaire.

En bref : Magalie Bonat porte avec force et justesse les mots de salariés précaires et invisibles, dans une mise en scène sobre de Louise Vignaud qui restitue avec émotion le récit autobiographique de Florence Aubenas. Un spectacle nécessaire

Le quai de Ouistreham, de Florence Aubenas, mise en scène Louise Vignaud, avec Magali Bonat

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre 14 
20 Avenue Marc Sangnier 75014 Paris
Du 3 au 14 mars 2020

Tournée
8 avril 2020 - Le pied aux planches - Largentière
19-28 mars 2020 - Théâtre de la Croix Rousse, Lyon
31 mars 4 avril - Scène nationale de Sète



Crédit photo @Rémi Blasquez
Vu Mars 2020 - Théâtre 14 - Paris