PAROLES D'ADOLESCENTS
Alors que le public s'installe 6 adolescents sont sur scène, installés dans un salon, lisant, écoutant de la musique, jouant aux cartes. Ils semblent calmes, tranquilles, se chamaillant dans la bonne humeur. L'adolescence : le bel âge ? Quels souvenirs gardez-vous de cette période de transition, où le corps se transforme, où chacun cherche qui il est ? Nous sommes dans un centre pour adolescents en difficultés. Une nouvelle arrive : Emilie. Elle a dix-sept ans, est lumineuse et a des cheveux magnifiques. On devine tout de suite que ce ne sera que tardivement que l'on saura pourquoi elle intègre ce centre, elle qui semble si solaire et si bien dans sa peau.
Car comme pour les autres, les apparences sont trompeuses. Nathaelle (Gabrielle Gay) , l'éduc-spé qui anime le centre le sait bien : il suffit d'une étincelle, d'un mot, d'un geste pour que ce semblant de sérénité vole en éclat, que ces jeunes déjà abîmés par la vie laissent éclater la violence qui bouillonne en eux. Entre séances de paroles collectives, ateliers d'expression et d'écoute, rencontres avec le psy, ces 7 adolescents devraient apprendre à respecter les règles du centre, à être bienveillant les uns envers les autres, à apprivoiser leur douleur, à gérer leurs sentiments, à s'accepter, à accepter l'amour des autres.
Le propos de Gabrielle Gay est louable et la bienveillance de l'auteur est palpable. Mais elle est confrontée à un écueil : l'accumulation. Loin du silence les personnages vont presque tous livrer aux autres, au public, la raison de leur présence, donnant l'impression d'un catalogue de la souffrance adolescence (anorexie, abandon par le père, manque d'affection de la mère, inceste, violences sexuelles ou physiques, dépression). Les noirs un petit peu trop longs entre les scènes cassent le rythme. Celles-ci s'enchaînent avec un manque de liant. Quant aux silences qui disent beaucoup, ils ne sont pas assez marqués, sauf à ce que le spectateur soit très attentif en ne se concentrant pas sur celui ou celle qui parle.
Autour de Gabrielle Gay, sensible éducatrice concernée par le devenir de ces jeunes, sept jeunes comédiens et comédiennes très justes sont réunis. Il y a Léa (Eloïse Blomme), qui a si peu d'estime d'elle qu'elle a commis plusieurs tentatives de suicide. Julien (Zach Naranjo) est l'image d'un futur possible. Vivant dans le centre depuis cinq ans il va enfin avoir un appartement et un travail, en lien avec les jeunes en difficulté. Une personnalité extravertie tout en contraste avec Alexis (Vincent Gaudin), gamin ultra sensible qui fuit son histoire et se réfugie dans la musique et la danse. Un calme lui aussi en opposition avec Soella (Ophélie Cazonis), l'adolescente en colère permanente contre le monde entier. Quant à Valentin le cleptomane (Grégoire Gougeon), il tente de combler le vide affectif de sa vie en remplissant son matelas avec les biens qu'il chipe aux autres. Amélie (Emilie Waïche) ne supporte pas qu'on la touche, et Emilie (magnifique Camille Delpech) finira par exploser elle aussi et ainsi livrer les raisons de sa présence dans ce centre.
On pardonnera les petites imperfections pour retenir un spectacle de très belle facture, porté par une troupe soudée, au jeu de qualité. Un spectacle qui ne laisse pas insensible, et qui aura notamment beaucoup touché le jury des collégiens de cette 30e édition du festival.
A noter que la compagnie Les Mauvais Joeurs (qui porte mal son nom) a remplacé à une semaine du début du festival, un autre spectacle qui a du se désister, et que le rôle d'Amélie a été repris le jour même par une comédienne suite à un imprévu (et si cela ne nous avait pas été dévoilé lors du café-critique qui a suivi le spectacle, nul ne l'aurait deviné). *
Ce spectacle a obtenu le Prix des Collégiens au 30e Festival de Maisons Laffitte
Le point de vue de Véro du blog Théâtr'elle, en cliquant ICI
Ecoutez leur silence, de Gabrielle Gay, avec Gabrielle Gay, Eloïse Blomme, Ophélie Cazonis, Camille Delpech, Vincent Gaudin, Grégoire Gougeon, Zach Naranjo et Emilie Waïche
Vu le 27/05/2022 - Salle Malesherbes - Maisons Laffitte
POUR UN THEÂTRE SOLIDAIRE
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