SUIVONS L'ENVOL DE L'OISEAU VERT
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Il y a un an à peu près je lisais une critique enflammée de la nouvelle création de Laurent Pelly. Me souvenant de son Macbeth vu aux Amandiers à Nanterre je n'avais qu'une hâte : voir ce spectacle à Paris. Oui mais voilà, pas de programmation rapide en vue sur les scènes publiques. Heureusement il y a le Théâtre de la Porte Saint Martin qui, à l'image de quelques autres scènes, a choisi d'appliquer la célèbre maxime de Laurent Terzieff : "le théâtre n'est pas ceci ou cela mais ceci et cela" et donc de briser cette ligne invisible mais tenace qui tend à séparer le théâtre public du théâtre privé, et qui a donc eu la bonne, l'excellente idée de programmer l'Oiseau vert en cette fin de saison.
Et quel bonheur. L'attente fut longue mais cela en valait la peine. Laurent Pelly nous fait cadeau d'une revigorante fable écrite par Carlo Gozzi en 1765. Ce contemporain de Goldoni nous entraîne dans une cité imaginaire où au retour d'une longue campagne un roi a perdu trace de sa famille. Il ne sait pas que sa femme a été enterrée vive par la reine mère, laquelle a jeté les deux enfants royaux dans la rivière. Seul avec la marâtre il pleure la perte de ces êtres chers. Pendant de temps dans la ville un couple de bouchers se plaint de l'ingratitude de ses deux enfants qu'ils ont jadis sauvés de la noyade.
Voila posées les bases d'un imbroglio familial qui réserve moult surprises et rebondissements sous la protection et la direction d'un mystérieux oiseau vert. Dans une scénographie étonnante vont se croiser cadres, statues géantes et parlantes, philosophes et sorcières, chœur de pommes etc.
Le décor imaginé par Laurent Pelly est composé d'un long plateau qui monte vers le fond de la scène en ondulant, bordé de lampes. Des cintres descendent les façades de la ville comme dans un jeu d'ombre chinoise, les cadres qui figurent les ors et la royauté, des statues translucides, etc. Un univers poétique, étrange, d'une très grande richesse esthétique. Jusqu'à l'égout dans lequel la reine survit depuis des années sous la protection de l'oiseau vert. Quant aux costumes ils sont d'une créativité réjouissante, entre cartoon et théâtre, entre drame et burlesque, hauts en couleur comme les personnages qu'ils habillent.
On nage dans le bonheur devant le foisonnement du texte (parfois bavard), la beauté de la scénographie, l'habileté du jeu des comédiens, la force comique des situations, de mots et de la mise en scène. Sous la direction de Laurent Pelly la troupe virevolte, danse, roule, s'amuse dans cet univers protéiforme. Au sein de cette troupe qui respire la liberté on retient notamment la truculente composition de Marilù Marini, hilarante sorcière, mante religieuse, reine mère aux grimaces irrésistibles.
En bref : Laurent Pelly nous offre avec l'Oiseau vert une fable poétique d'une extrême beauté. Une farce burlesque et onirique portée par une troupe qui excelle dans l'humour. Un rêve éveillé.
L'oiseau vert, de Carlo Gozzi, traduction Agathe Mélinand, mise en scène, décor et costumes Laurent Pelly, avec Pierre Aussedat, Georges Bigot, Sabine Zovighian, Emmanuel Daumas, Nanou Garcia, Eddy Letexier, Régis Lux, Olivier Augrond, Marilù Marine, Jeanne Piponnier, Antoine Raffalli, Fabienne Rocaboy.
C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre de la Porte Saint Martin
18 boulevard Saint Martin 75010 Paris
Jusqu'au 23 juin 2018
Crédit photo @Les trois coups & Polo Garat
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