dimanche 24 juin 2018

LES ONDES MAGNETIQUES

QUAND SOUFFLAIT UN VENT DE LIBERTÉ
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David Lescot nous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Avril 1980. Dans la clandestinité Radio Quoi, une radio pirate, tente d'émettre aussi longtemps que possible sans se faire brouiller ni attraper par les autorités. Quelques semaines plus tard François Mitterrand est élu. Un vent de liberté, d'espoir souffle sur la France. En quelques semaines un grand nombre de mesures sociales et économiques. Les radios pirates deviennent des radios libres. On peut tout dire, tout faire, tout créer. un espace de liberté d'expression comme on a l'impression de n'en avoir jamais connu. D'une région à l'autre les fréquences se multiplient. Toutes les idées, toutes les opinions, toutes les musiques tracent leur voie. Avant de tomber dans une autre forme de normalisation. Les radios libres laissent la place à la bande FM et ses fréquences nationales, les libertaires bricoleurs cèdent face aux grands groupes. 1983 : fin de Carbone 14, l'une des premières radios pirates. La page de liberté semble bien s'être refermée. "1980 - 1983 : vous avez bien vieilli en accéléré"

TOUTE UNE EPOQUE

David Lescot a réussi à recréer dans une fiction qui s'inspire de la réalité de cette évolution des ondes toute l'atmosphère d'une époque. Les premières scènes vibrent de cette activité frénétique, fébrile. Les micros sont montés sur des bouteilles vides. Le matériel est lui aussi du bricolage. Radio Quoi émet depuis la cuisine d'un appartement. Et puis c'est l'euphorie lorsque la Gauche gagne les élections. "La politique de gauche ça ressemble à quoi ? On sait pas, on n'a jamais connu !". Tous fument cigarette sur cigarette. Une autre époque vous dis-je !

Rapidement les oppositions se font au sein du comité qui va mettre en action la révolution des ondes magnétiques. Comment attribuer les fréquences ? Quelles règles de diffusion ? Faut-il accepter la publicité ? Rien que pour Paris il n'y aura que 18 stations pour 200 postulantes.  La cuisine et le bricolage cèdent la place au studio sophistiqué et aux investisseurs qui imposent leur loi. Les nouveaux animateurs naissent. Les radios libres se "normalisent". Tandis qu'une voix off relate les faits marquants des premiers mois de la présidence Mitterrand, nous suivons avec réalisme l'évolution de la société, de la vague d'espoir aux premières sensations de désillusion.

REMARQUABLE TRAVAIL DE RECONSTITUTION


Car c'est le prisme de cette révolution qui sert de prétexte à faire le portrait d'une époque. Trois années qui ont marqué la France à jamais. Tout dans cette création est le parfait reflet de ce début des années 1980. Le travail est remarquable à tous niveaux : les costumes plus vrais que nature (si si on portait bien ce genre de vêtements !) ; le texte qui reflète l'exaltation, la fièvre intellectuelle qui secouait tous les niveaux de la société, l'espoir immense soulevé par l'arrivée de la Gauche au pouvoir ; l'ambiance musicale avec des créations elles aussi plus vraies que ce que nous entendions sur ces nouvelles radios. Grace à un dispositif bi-frontal nous sommes très proches du plateau, comme immergés dans cet élan de liberté.

La troupe de la Comédie Française montre à nouveau toutes ses qualités. Chacun interprète plusieurs personnages. Sylvia Bergé passe de Dolorès la monteuse battante de Radio Quoi à la voix lyrique de Radio Voix, Alexandre Pavloff est Flavius, pionnier de Radio Quoi avant de passer en un temps record de l'Acteur doté d'une voix de droite à un fabuleux dandy décadent. Elsa Lepoivre surfe sur les paradoxes notamment en passant de Léa/Hans, personnage androgyne à  Bérangère de Varengeville, animatrice coincée de Radio Solidaire. Christian Hecq nous fait un triple grand numéro. Nazim Boudjenah joue les reporters iconoclastes. Jennifer Decker alterne elle aussi les rôles contrastés, entre la jeune femme timide qui traîne dans les studios, Lola Moon, version animatrice deCindy Lauper et la chanteuse du groupe Makhnovtchina. Yoann Gasiorowski est l'homme à tout faire mais aussi le batteur du groupe. Enfin Claire de la Rüe de Can est stupéfiante de justesse tant en fugueuse / squatteuse qu'en journaliste.

En bref : Les ondes magnétiques font revivre l'espace de 2h trois années qui sont comme une parenthèse dans l'histoire récente de la France. Il souffle un brin de nostalgie pour une époque de liberté inouïe, où tout semblait permis. David Lescot réussi parfaitement à recréer l'atmosphère si particulière des années 1980 à 1983. Un spectacle qui se savoure comme une madeleine de Proust.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Comédie Française - Théâtre du Vieux Colombier
21 Rue du Vieux Colombier 75006 Paris
Du 23 mai au 1er juillet 2018


Crédit photo @Christophe Raynaud de Lage

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