lundi 7 mai 2018

A LA TRACE - Théâtre de la Colline

ETRE MÈRE. ETRE FILLE. ETRE SOI
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DE LA QUÊTE DES ORIGINES

Clara a 25 ans quand elle découvre dans les papiers de son père décédé la carte d'électeur d'une dénommée Anna Girardin. Qui était cette femme ? Quel rôle a-t-elle tenu dans la vie de son père ? Pourquoi n'en a-t-il jamais parlé ? Clara se lance sur la trace de cette inconnue. Que cherche-t-elle ? Qui cherche-t-elle ? Pourquoi ? Se trouvera-t-elle au terme de cette quête ?

"A la trace" est né de la rencontre entre Anne Théron et Alexandra Badea. Après avoir lu le premier roman d'Alexandra Badea, Zone d'amour prioritaire, la metteur en  scène a proposé à l'auteure de créer un spectacle sur la relation mère-fille. Un challenge pour cette dernière que de travailler sur l'intime.

Au travers du parcours de Clara c'est la difficulté d'être qui est questionnée. Etre mère. Etre fille. Etre femme. Etre soi. Alexandra Badéa nous parle de filiation, de transmission. Clara a vécu 25 ans dans un certain environnement, plutôt tranquille. Un petit papier va remettre en cause ses certitudes. Sans trop savoir pourquoi elle lâche tout pour se lancer dans une quête vers l'inconnu. On comprend rapidement que sa route est liée à celle de cette femme qui parcourt le monde pour son travail, se raconte sans vraiment le faire à ces hommes sur internet. Pourquoi refuse-t-elle toute sorte d'attachement ? Cherche-t-elle à se punir ou à se protéger ?

Avant d'arriver à la rencontre qui apportera un certain nombre de réponses, d'autres routes vont se croiser. Clara (sensible et fragile Liza Blanchard) sera confrontée à 4 autres Anna (très joliment portées par Judith Henri), d'autres histoires de femmes, d'autres histoires d'amour, d'autres solitudes. Tout comme la Anna Girardin de la carte d'électeur (Nathalie Richard) qui a choisi la fuite, l'itinérance, qui refuse toute forme d'enracinement, dans une suite de rencontres avec 4 hommes.


MARIAGE RÉUSSI DE LA VIDÉO ET DU THÉÂTRE

Si les femmes sont présentes sur scène, dans une très belle scénographie de Barbara Kraft et un décor constitué de 9 blocs répartis sur trois niveaux, les hommes ne sont représentés que par des vidéos, accentuant la dramaturgie du quatuor féminin. Une prouesse en terme de jeu puisque Nathalie Richard donne en direct la réplique à ses partenaires masculins préalablement filmés et projetés en grand format sur les parois de cette maison cubique.

Un décor sur trois niveaux, comme une maison de poupée, comme les trois générations de femmes qui se racontent, finissent par se retrouver quand apparaît Margaux (Maryvonne Schiltz), très terrienne, très ancrée dans le réalisme et une certaine sagesse. Les souvenirs sont entremêlés de réflexions intérieures des personnages. L'ensemble baigne dans une certaine nostalgie. Le texte est dense, parfois un peu trop, mais d'une grande beauté. Néanmoins, malgré la qualité de la mise en scène d'Anne Théron et la richesse et la musicalité des mots justes d'Alexandra Badéa, malgré la justesse de l'interprétation, le spectacle souffre de quelques longueurs. L'utilisation des micros s'il ressert l'intime crée également une distanciation qui met un frein à l'empathie que l'on pourrait ressentir pour ces destins de femme.

Au final trois générations se sont manquées. Par peur de ne pas réussir. La quête parallèle de ces deux êtres blessés que sont Clara et Anna est une quête sur le sens à donner à sa vie. Leurs retrouvailles permettront-elles de guérir les plaies du passé pour mieux construire l'avenir ? Lorsque la trace est remontée, que la traque s'achève une nouvelle route se dessine. Celle-là restera du domaine de l'intime. Au spectateur de choisir comment cet avenir prendra forme.

"On ne peut pas sauver nos mères. Elles ne se laissent pas sauver par leur enfant. C'est le dernier parti qui leur reste"

En bref : Anne Théron et Alexandra Badéa tissent une toile serrée sur l'intime, le lien mère-fille, la filiation, la transmission, la difficulté d'être, d'exister pour soi, et s'entoure d'une belle distribution. Une mise en scène brillante. Une histoire qui trouve en chacun.e un écho différent, plus ou moins intense selon son vécu personnel. 

A la trace, de Alexandra Badea, mise ne scène Anne Théron, avec Liza Blanchard, Judith Henry, Nathalie Richard, Maryvonne Schiltz et à l'image Yannick Choirat, Alex Descas, Wajdi Mouawad et Laurent Poitrenaux, scénographie et costumes Barbara Kraft, lumières Benoit Théron, son Sophie Berger.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre de la Colline
13 Rue Malte-Brun 75020 Paris
Du 2 au 26 mai2018
mardi 19h30 - du mercredi au samedi 20h30 - Dimanche 15h30


Crédit photo @Jean-Louis Fernandez
Vu mai 2018 - La Colline - Paris

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