Le maître de l'absurdité du monde moderne nous entraîne dans une comédie de mœurs qui frôle le thriller psychologique. Au Théâtre de Paris Thierry Harcourt dirige avec délicatesse un quatuor étonnant. Un Pinter pur jus.
COUPLES DANS LE DOUTE
Ce qui marque lorsque l'on entre dans la salle c'est le magnifique décor de Marius Strasser. Sur les murs des traits en pointillés, des dessins qui font penser au monde de la couture. Astucieusement disposé il illustre les deux appartements de l'action, se superposant partiellement sans gêner la compréhension de l'histoire.
Celle-ci commence par un appel téléphonique passé par un homme depuis la cabine rouge qui se trouve en contrebas de la scène. Destiné à Bill c'est Harry qui l'intercepte. Commence alors un chassé croisé entre deux couples au sein desquels le doute va glisser son venin. Que s'est-il passé lors de ce voyage que fit Bill, dessinateur de mode, pour découvrir une collection ? Qui de lui et de Stella dit la vérité ? Comment la jalousie de James, mari de Stella, peut-elle affecter la relation de Bill et Harry?
THRILLER PSYCHOLOGIQUE
Quand Harold Pinter parle de crise de couple il n'y a pas de portes qui claquent. Avec "La collection" il dresse le portrait de deux couples bien dans son style : des situations qui frisent l'absurde. James, jaloux maladif, veut en découdre avec Bill dont il pense qu'il a eu une aventure avec Stella. Entre la jeune femme qui prend plaisir à torturer son mari pour tester leur lien, Harry, le gentleman protecteur et Bill le jeune homme sorti des bas-fonds, James est ballotté dans les récits et les affres de ses doutes.
Dans cette écriture au scalpel c'est toute la complexité des relations de couple qui est mise en lumière. Sara Martens est lumineuse. Si son rôle est le moins exploité sa présence souvent silencieuse est l'ombre qui plane sur les liens de ce quatuor. Le personnage de James interprété par Nicolas Vaude, dénote par son agitation au sein de ces univers très policés, de ces appartements où rien ne dépasse. Maître de l'absurde il sème le doute dans l'esprit de tous, diffusant son malaise, se heurtant au non-sens des situations, instillant son regard inquiétant. Thierry Godard est magnifique de retenue dans le rôle d'Harry, gentleman à l'élégance de l'âme et de la tenue. Davy Sardou termine ce quatuor complémentaire et équilibré. Son jeu fin compose un personnage subtil, jeune et espiègle, qui n'a rien pas oublié ses origines mais qui sait qui il est et se sert de sa jeunesse pour défier le mari jaloux tout en gardant son mystère.
La mise en scène de Thierry Harcourt donne tout le sel et toute la finesse de l'écriture de Pinter qui multiplie non-dit et sous-entendus, suggère plus qu'elle n'exprime avec les mots. Le rythme est posé, très british, l'action cédant la place à la démonstration de la psychologie humaine. Une direction d'acteur toute en subtilité.
En bref : Quand Harold Pinter met un mari jaloux face à l'amant supposé son art de l'absurde transforme le vaudeville en thriller psychologique. Thierry Harcourt dirige avec subtilité un quatuor de comédiens qui transcrit toute la finesse du texte. Du grand Pinter
La collection, de Harold Pinter, mise en scène Thierry Harcourt, avec Sara Martens, Davy Sardou, Nicolas Vaude, Thierry Godard.
C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre de Paris
15 rue Blanche 75009 Paris
Du mardi au samedi a 19h - dimanche 17h
une pièce qui me plairait sans doute!
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