dimanche 26 mars 2017

REVERSIBLE

VIRTUOSE VOYAGE DANS LA MÉMOIRE

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Cela fait plusieurs années que la Compagnie Les 7 doigts de la main distille de par le monde son univers lunaire et poétique en nous réjouissant de numéros circassiens virtuoses. Après TRACES c'est au Bataclan que nous les retrouvons pour REVERSIBLE, un voyage explorant la mémoire et la transmission entre générations. Brillant

D'UNE GÉNÉRATION L'AUTRE

C'est la metteuse en scène Gypsy SNIDER qui est aux commandes de ce nouveau spectacle. Pour la création elle a demandé aux membres de la troupe de se plonger dans leurs souvenirs de famille, sur trois générations. Ces histoires sont devenues la trame de RÉVERSIBLEJe vous l'accorde, même en ayant lu le pitch ce n'est pas forcément évident, mais franchement ce n'est nullement un frein pour apprécier le travail de ces artistes fabuleux.

Le spectacle s'ouvre sur un décor en avant-scène alignant des façades de maisons. Portes et fenêtres sont autant d'entrées et de sorties prétextes à acrobaties et farces. Puis les pans de murs n'arrêteront pas de bouger, côté pile, côté face, comme des permutations et d'aller-retour entre les générations, au fil des numéros, jusqu'au final éblouissant de poésie que je vous laisse le plaisir de découvrir.

UNE ENERGIE INCROYABLE

Pendant plus de 90 mn les numéros s'enchaînent portés par l'énergie incroyable des 8 circassien.nes qui ne quittent pas la scène. Entre virtuosité et poésie les huit artistes rivalisent d'inventivité. Quelles impressionnantes performances à la planche coréenne, au mat chinois, au tissu. Et quel beau moment de jonglage avec des casquettes. Impossible de citer tous les numéros qui se suivent comme un ballet, enchaînant les chorégraphies. Tous sont continuellement en mouvement.


Si l'ensemble peut paraître moins cohérent que CUISINES ET CONFESSIONS ou TRACES, ou plus ésotérique, ce nouvel opus reste un excellent moment et une très belle occasion de (re) découvrir le cirque contemporain québécois. Une énergie positive que l'on emporte avec soi en sortant de la salle. Des artistes qui innovent, semblant sans arrêt repousser les limites des difficultés. Le souci d'esthétisme est constamment présent, dans les décors, les costumes, la bande son recherchée.

Un dernier mot sur le lieu. Comme probablement beaucoup de personnes, l'idée de revenir au Bataclan n'était pas sans soulever une grande émotion. Impossible de ne pas penser au 13 novembre et aux victimes. Mais Le Bataclan doit vivre, c'est le meilleur moyen de répondre c'est de continuer à être dans la salle.

En bref : les virtuoses artistes et acrobates des 7 Doigts de la Main nous emportent à nouveau dans leur univers magique et poétique. Un opus plus conceptuel que les précédents mais toujours la même énergie et le même esprit positif. Du vrai spectacle vivant, multidisciplinaire, entre émotion et humour. A ne pas manquer.

Réversible, de Gypsy Snider par les 7 Doigts de la Main. Avec Mria del Mar Reyez Saez, Vincent Jutras, Jérémi Lêvesque, Natasha Patterson, Hugo Ragetly, Emilie Silliau, Julien Silliau et Emi Vauthey


C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Bataclan
50 Boulevard Voltaire 75011 Paris
Du 28 février au 1er avril 2017 - 20h30


jeudi 23 mars 2017

MICHAEL HIRSCH - INTERVIEW

RENCONTRE AVEC UN ÉTERNEL ENFANT 


Depuis trois ans il vit une aventure incroyable avec son spectacle POURQUOI ? Après deux saisons à Avignon, au Studio Hébertot puis au Lucernaire à Paris et en tournée en France, Michaël Hirsch a un planning bien chargé pour 2017 puisque nous le retrouverons à Avignon cet été (à 17h45 au Roi René) avant qu'il ne reparte compléter son tour de France. Enfant de son siècle il maîtrise parfaitement les réseaux sociaux : twitter, facebook, mais aussi sa chaîne Youtube sur laquelle il diffuse chaque mardi à 17h une nouvelle "Lettre ou ne pas lettre". Le  lundi 27 mars il sera le maître de cérémonie d'une soirée consacrée à la liberté de la presse et de l'expression à l'Unesco dans le cadre de la semaine de la Francophonie. 

Cet amoureux des mots, d'une extraordinaire gentillesse et générosité sur scène et dans la vie, m'a accordé quelques minutes de son temps pour une interview. C'est dans le restaurant du Lucernaire où il se produit depuis le 18 janvier 2017, que nous nous sommes retrouvés. Un entretien riche que j'ai plaisir à partager avec vous. J'aurais voulu que toutes mes questions commencent par "Pourquoi" mais je n'ai pas son talent pour jouer avec les mots.

Théâtre Côté Coeur : Bonjour Michael. Merci d'avoir accepté cet entretien. Pour commencer : pourquoi un spectacle qui s'appelle "POURQUOI ?"

Michael Hirsh : Parce que je ne suis toujours pas sorti de l'âge du "Pourquoi". J'essaie de rester un grand enfant, pour garder ce regard un peu naïf sur le monde et me donner envie en permanence de ne pas être trop sérieux même si tout nous pousse à l'être. Quand j'ai commencé à écrire les textes je n'avais pas imaginé la vie de cet homme-là. Mais je me suis rendu compte que ce qui reliait tous ces textes c'est leur questionnement sur le monde. Parmi toutes les questions celle qui correspond le plus à ce personnage et à ce que je suis c'est le "POURQUOI ? ".C'est une porte ouverte merveilleuse à la fois sur la fiction et pour parler de l'absurdité du monde.  j'avais envie d'emmener les gens dans un univers autre que le quotidien, parce que les plus belles émotions que j'ai vécu au théâtre c'est parce qu'on m'emmenait ailleurs. Le personnage est à la quête du sens de la vie en général et le "POURQUOI" est son élément.

Que ressens-tu lorsque l'on te compare à Raymond Devos ou à Pierre Desproges ?

Mon ressenti a évolué. Au tout début je n'y ai pas cru. Je me suis dit que c'était de la flatterie. Et puis après j'y ai trop cru, j'étais vraiment flatté. Ce sont des gens pour lesquels j'ai une estime immense. Je les ai tellement regardés, écoutés. Ils ont eu une influence considérable sur ma vie. J'ai un peu un caractère d'éponge. Ils font partie de moi.Il y a eu une période où c'était un poids que d'être comparé à eux pour un premier spectacle d'humour. Pour moi aujourd'hui c'est une grande chance et un honneur. Un honneur au sens médiéval du terme. Certains viennent voir le spectacle parce que des journalistes ont fait ces comparaisons. Dans la catégorie d'humour que je défends nous ne sommes pas nombreux et c'est bien qu'il y ait eu ces gens-là avant moi. En même temps c'est aussi un peu une responsabilité et quand je monte sur scène j'ai comme un honneur à défendre [en portant ces deux grands humoristes comme références]. Tu sais c'est Lopé de Vega qui appelait les comédiens "les chevaliers du miracle" car à l'époque du théâtre de tréteaux chaque soir ils créaient un miracle avec rien.

C'est ce qui se créé aussi avec POURQUOI ? Il y a de plus en plus d'interaction avec le public.

La semaine du 7 mars on va fêter la 200ème du spectacle. Créer cette interaction avec le public crée un vent nouveau pour moi. Avant de monter sur scène je me sens comme un funambule. Je dois être très concentré. J'ai ma trajectoire, je sais que le bout du fil est là-bas, et par moments, au milieu du fil, je vais avoir envie de jouer un peu avec l'équilibre. Quand je me permets cette petite phrase en plus, ce petit jeu en plus, le résultat est bon, car la tension galvanise.

"Avant de monter sur scène je me sens comme un funambule"

En quoi l'expérience d'Avignon a-t-elle été formatrice ?

Pour le fait de jouer tous les jours et d'être dans une énergie puissante. Quand il m'arrive d'être fatigué je repose à Avignon, à la puissance de beaucoup donner et de recevoir énormément, tout le temps. Dans la rue tu distribues un flyer et hop tu as repris un peu d'énergie. Le contact avec les gens, cette énergie, ça m'a appris à être plus généreux. Les jours où je sens que j'ai le pied sur le frein je lâche et c'est là que j'ai les meilleurs retours. Je fais le spectacle sur l'énergie du public. Et c'est merveilleux de recevoir autant.

Dirais-tu que faire Avignon (le Off) est indispensable pour un spectacle aujourd'hui?

Ça dépend du spectacle. Avignon est un lieu particulier. Tous les spectacles ne marchent pas et si un spectacle ne marche pas à Avignon ça ne veut pas dire qu'il ne marchera pas ailleurs. Inversement ce qui marche à Paris peut ne pas y plaire. Avignon c'est un public de connaisseur, de gens qui aiment profondément le théâtre et qui ont aussi un esprit de découverte. Le côté merveilleux d'Avignon c'est que pendant 3 semaines il y a tout le monde, toute la profession et que les barrières tombent. Dans la rue je peux aller voir Alex Lutz ou des grands comédiens, metteurs en scène que j'estime et leur dire "merci pour ce que vous faites". Et puis Avignon m'a permis de décoller parce que tout le métier était là, parce que ça a tout de suite été un succès public, parce que j'ai pu partir en tournée. Grâce à mes deux Avignon j'ai fait le tour de France. La vie de "Pourquoi" n'est pas terminée, il y a à nouveau Avignon cet été et une tournée jusqu'à décembre. C'est rare pour un premier spectacle. Je me rends compte de la chance que j'ai, des responsabilités aussi. Comme disent les super héros américains "pas de grand pouvoir sans grandes responsabilités". A la fin de l'année on arrivera à la 300ème.

Je me rends compte de la chance que j'ai, des responsabilités aussi"

D'où te viens cet humour littéraire ?

De la découverte de Raymond Devos. Une révélation. J'ai été pris du virus du jeu de mots alors que j'étais très mauvais en français. Aujourd'hui mes parents n'en reviennent pas de voir tous ces livres dans mon appartement. La langue française ce n'est pas que des règles de grammaire. C'est un formidable terrain de jeu. C'est important de donner envie de bien parler le français car mieux on connaît la langue plus on s'amuse et plus on a de chances de bien se comprendre les uns les autres.

Comment est né "Lettre ou ne pas Lettre" ?

De l'envie de me frotter au métier de chroniqueur. Ce qui est formidable avec le seul-en-scène c'est le sens du danger tous les soirs devant les spectateurs, mais pas dans l'écriture. Le spectacle est écrit, peut bouger un peu mais je n'écris pas de grandes choses. J'avais besoin de parler d'autres choses, de choses qui me touchent. En cherchant un concept je trouvais rigolo de se dire on va faire une correspondance 2.0, des lettres sur Youtube, réseau qui peut être soit un journal intime, soit un cours. Ce qui m'amuse c'est de faire des lettres à l'heure des SMS Je trouve aujourd'hui ce que j'étais venu chercher au départ : un besoin de créer et une mise en danger permanente. Je tiens à ce rendez-vous du mardi. Quelque chose de très fort est en train de se créer. Je ne percevais pas ce que pouvait être la relation avec une communauté en ligne, avec ce rendez-vous en ligne, qui me manque aussi si je ne peux pas le tenir.

Celle d'hier, 7  mars, veille de la  journée des droits des femmes, était adressée à Simone Veil

C'est vraiment une lettre particulière. C'est la première fois que "Lettre ou ne pas lettre" est un hommage. C'est un personnage qui me bouleverse de courage, d'abnégation, de dignité. Pour la première fois je n'ai pas cherché à être drôle. Je vais parler de sa vie, de l'avortement. Je voulais donc écrire quelque chose de touchant pour dire autour de moi que c'est une femme importante. C'est un pan de mon travail sur internet que je vais développer, parler avec les gens des gens que j'aime bien. Nous sommes dans un pays où on parle rarement des gens qu'on admire sans être pris pour quelqu'un qui fait de la lèche. J'ai envie de parler des gens que j'admire plutôt que de faire des blagues sur nos hommes politiques qui sont tout sauf des modèles, pour la plupart. Jean-Laurent Cochet chez qui j'ai été élève pendant longtemps disait "Dans le monde dans lequel on est il faut savoir se créer des oasis", de petits lieux de douceur, où on se retrouve soi-même. C'est pour cela qu'on a besoin de modèle. Il y a des gens dont on parle très peu, comme Jules Renard

"Dans le monde dans lequel on est il faut savoir se créer des oasis" 

Jules Renard, un auteur tombé en désuétude

Alors que c'est prodigieux Jules Renard. Son journal est une merveille à avoir sur sa table de chevet pour en lire 3 lignes chaque matin et chaque soir. C'est une source intarissable de bonheur. Quand on a ça à portée de la main et qu'on s'en prive.

Quand tu étais enfant est-ce que tu saoulais tes parents avec des "Pourquoi" ?

Je crois que oui. J'ai toujours été hyper curieux

Y'a-t-il un "Pourquoi" resté sans réponse ?

Il y en a plein, mais ce ne sont pas des pourquoi d'enfant. Ce sont des pourquoi d'adulte. Par exemple "Pourquoi on s'impose des mauvaises nouvelles à longueur de journée". Nous nous jetons sur nos smartphones. Mais est-ce vraiment important de s'infliger ces mauvaises nouvelles qui de plus nous rendent impuissants. On se sent coupable de ne pas faire grand-chose mais c'est plus fort que nous on a besoin de se faire mal.

Quelque chose de plus joyeux : ton premier souvenir de théâtre ou de spectacle vivant ?

"La Vie de Galilée" avec Nicolas Bouchaud, mis en scène par Jean-François Sivadier, à Thionville. Là je me suis dit j'aime le théâtre, ce lieu où on peut nous emmener ailleurs et être ensemble, cela me fait un bien fou. C'était une expérience très forte. Après il y a eu des humoristes comme Gad Elmaleh. Je me suis dit "quel pouvoir, quelle force"

Et tu as quand même fait une école de commerce

J'avais une sensibilité créative. J'ai toujours créé des choses, mais à 18 ans je n'avais pas le courage de me lancer dans une carrière artistique. Ça me paraissait trop aléatoire. Je viens d'une famille où mes parents on des parcours classiques et je n'étais pas prêt à cela. Mais aujourd'hui je ne le suis toujours pas. C'est plein d'inconscience. Tout ce qui se passe là dans ma vie c'est vraiment des moment d'inconscience profonds entrecoupés de quelques moments de lucidité. A un moment je vois ma bonne étoile dans le ciel et je rebaisse la tête et j'avance. C'est plein d'insouciance et d'inconscience.

J'envie cette inconscience et cette insouciance

En même temps c'est ce qui me permet de tenir. Parce que ce métier est très in-sécurisant. Dans un monde où tout se programme à l'avance les métiers artistiques imposent une relation au temps très différente du reste de la société. Ma manière de ne pas avoir peur du lendemain c'est de ne pas y penser.

Quel est ton mot préféré ?

En ce moment c'est "POURQUOI?".

Le mot que tu ne pourrais pas prononcer sur scène ?

[longue réflexion] Concupiscent. Pourtant il y aurait un paquet de jeux de mots à faire avec. Après je ne sais pas s'il y a des mots que je n'aimerais pas dire sur scène. Les mots existent pour une bonne raison et dans la bouche d'un personnage, si c'est justifié, cela peut avoir un sens. Si c'est dire "putain" pour dire "putain ça n'a pas de sens. Si c'est pour le personnage le fait de dire "putain" tout le temps révèle quelque chose de lui, pourquoi pas.

Tu n'as pas beaucoup de temps pour voir des spectacles. Y'en a-t-il un que tu recommanderai en ce moment ?

LA PEUR au Théâtre Michel. Je l'ai vu à Avignon et ça a été une grosse claque. J'adore quand le théâtre nous transporte. Cette pièce a un pouvoir merveilleux. Belle interprétation, belle mise en scène. J'étais pris dans cette histoire, tiraillé, et je trouve que cette fin est éblouissante.

"J'adore quand le théâtre nous transporte"

Ton prochain challenge ?

Le challenge est permanent, le fait de jouer 5 soirs par semaine, de faire "Lettre ou ne pas Lettre".

Ton challenge c'est de tenir

Exactement. Mais j'ai aussi des envies, D'écrire plein d'histoire, de la fiction. Peut-être aussi un autre programme sur ma chaîne Youtube, en parallèle. "Lettre ou ne pas lettre" la difficulté c'est que ça demande beaucoup de temps pour l'écriture jusqu'à ce que j'arrive à un niveau de satisfaction.

Dernière question : le génie de la lampe t'accorde un vœu, un seul. Lequel ?

D'être heureux chaque jour

Ce que tu es aujourd'hui ?

Oui. C'est amusant, c'est arrivé totalement fortuitement mais chaque soir j'ai l'impression d'avoir une rencontre avec moi-même. Au moment où les spectateurs applaudissent et où la pression redescend, je me dis "qu'est-ce que je suis heureux"

Et je te souhaite qu'elle dure encore longtemps. Merci Michaël

INFORMATIONS PRATIQUES


Michaël Hirsch est à l'affiche au
53  Rue Notre Dame des Champs Paris
Jusqu'au 2 avril 2017 - du mercredi au samedi à 21h30 - dimanche 20h

Retrouvez toutes ses dates de tournées en cliquant ICI

Rendez-vous également à Avignon dans le Off 2017, tous les jours du 8 au 30 juillet à 17h45 au Théâtre du Roi René

(Re)découvrez les "Lettres ou ne pas lettres" sur la chaine Youtube de Michaël en cliquant ICI

Retrouvez ma chronique sur LA PEUR à l'affiche du Théâtre Michel en cliquant ICI



Entretien réalisé le 8 mars 2017 au restaurant Le Lucernaire
Crédit Photo @Fabienne Rappeneau

CONCOURS - VOYAGE DANS LES MÉMOIRES D'UN FOU

GAGNEZ DES PLACES POUR UN VOYAGE POÉTIQUE



En partenariat avec PSK Productions, j'ai le plaisir de vous proposer un concours vous permettant de gagner des places pour découvrir le spectacle de Lionel CECILIO "Voyage dans les mémoires d'un fou".

J'ai pu le voir moi-même au cours de l'été 2016 dans le cadre du Festival OFF à Avignon.

"VOYAGE DANS LES MÉMOIRES D'UN FOU" c'est l'histoire d'un jeune homme qui, apprenant qu'il est atteint d'un mal incurable, va confier ses mémoires à un lecteur imaginaire. Avec poésie, jonglant avec les mots et avec les émotions, s'appuyant sur un texte d'une grande finesse, Lionel CECILIO délivre un performance étonnante et très physique.

Laissez-vous porter par cette initiation au voyage, pleine d'émotions et tentez votre chance pour vivre un moment de théâtre rare !

Pour gagner 2 places pour le soir de votre choix pour l'une des dates ci-dessous, envoyez moi un mail à christine.eouzan@gmail.com en répondant à la question suivante :

Quel écrivain français a inspiré à Lionel Cécilio "Voyage dans les mémoires d'un fou" ? 


N'oubliez pas de m'indiquer vos noms et prénom ainsi que la date choisie

C'est quand ?

Vendredi 24 mars 2017 - 19h
Samedi 25 mars 2017 - 19 h
Jeudi 30 mars 2017 - 19h
Vendredi 31 mars - 19 h
Samedi 1er avril - 19h

C'est où ?
17 Boulevard de Strasbourg
75010 Paris

Et pour en savoir plus, retrouvez ma chronique de juillet 2016 en cliquant ICI

mardi 21 mars 2017

QUELQUE CHOSE

PARLER POUR ETRE ENTENDUES
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Alors qu'elle continue à triompher avec LE CHATOUILLES, Andréa BESCOND met en scène au Ciné 13 Théâtre "la petite sœur" de son propre spectacle. QUELQUE CHOSE de et avec Capucine MAILLARD aborde avec sensibilité le difficile sujet de l'inceste. 4 jeunes femmes sur la voie de la résilience. Poignant


4 FILLES DANS LE VENT

Vic, Chléo, Lucy et Michèle se sont rencontrées dans un groupe de parole. Ne trouvant pas complètement leur compte dans ces réunions elles décident de profiter de la fête de la musique pour se retrouver, passer un bon moment ensemble. Elles ont un point commun : un traumatisme qu'elles essaient de surmonter. Elles essaient. Chaque jour. Avec plus ou moins de succès. D'avancer, De "remettre les choses à leur place".

Chacune a construit sa barrière, son refuge, son système de protection. Chléo(patre) utilise la littérature et les citations pour dire les mots et les sentiments qu'elle ne peut exprimer, Vic(toria) arpente le monde à la recherche inconsciente de son moi profond, Lucy prend des amants et envisage de quitter son foyer pour trouver enfin son bien-être et Michèle noie son mal-être dans un tourbillon d'énergie, de danse et de liberté illusoire.


Au cours de cette fête de la musique unique ces "survivantes" vont trouver les mots pour exprimer le traumatisme vécu dans l'enfance ou l'adolescence, cet inceste dont elles ont été victimes, qu'elles portent au fond de leur cœur, de leur corps. "On ne pourra jamais vider le hangar à chagrin". Elles expriment cette douleur toujours présente, la culpabilité, le silence des autres, l'incompréhension, le manque d'écoute, l'absence de reconnaissance de leur statut de victime, le délai de prescription. "Nous sommes mortes, souillées à jamais".


Par petites touches, Capucine MAILLARD aborde avec justesse, légèreté et sensibilité le sujet grave et délicat de l'inceste. Né de la rencontre avec ces femmes ayant subi cette agression, QUELQUE CHOSE retranscrit au travers 4 parcours de femmes, la longue route vers la résilience. 

La mise en scène est épurée. 3 bidons servent d'élément de décor. Les jeux de lumières nous transportent dans différents lieux réels ou imaginaires. Le jeu des comédiennes peut librement s'exprimer et le texte être entendu. La musique et la danse rythment le spectacle. On retrouve bien la patte d'Andrea BESCOND qui signe là une belle première mise en scène

Les 4 jeunes femmes sont vives, énergiques, et n'ont qu'une envie : vivre. Dans l'énergie de la fête ou dans l'intimité d'un bar fermé elles laissent exploser leurs rires libérateurs. La confiance s'installe et les confidences se font plus intimes, permettant à certaines d'enfin exprimer ce qu'elles n'ont jamais pu dire. Les situations crues, les douleurs à vif. Elles nous transmettent leur énergie et nous faisons notre leur colère et leur combat et assistons à leur résilience, les quittant sur un formidable message d'espoir.

RENCONTRES

Capucine MAILLARD et la Compagnie Aziadé ont monté une première version du spectacle en 2015, présenté notamment au Théâtre de Verre, à l'Espace Jemmapes et au Théâtre de Belleville. Andréa BESCOND le découvre en septembre 2016 lorsqu'il est sélectionné par l'association France Victimes pour un événement célébrant leur 30ème anniversaire. Andréa et Capucine se rencontrent. La première a des idées, des envies, et propose une forme nouvelle. De cette collaboration naîtra un spectacle plus élaboré artistiquement.

A SAVOIR

1 enfant sur 5 serait victime de violences sexuelles. En France ce chiffre se rapporterait à 2 millions de victimes (statistiques de l'Unicel, l'OIT et l'OMS). Le 1er mai 2015, l'inscription dans le Code Pénal de l'inceste commis sur les mineurs est adopté par l'Assemblée Nationale. Le 12 12 janvier 2017 l'Assemblée Nationale a voté CONTRE l'allongement du délai de prescription. Il reste encore beaucoup à faire. Un petit pas après l'autre...

QUELQUE CHOSE, de Capucine Maillard, mis en scène par Andréa Bescondn avec Jade Phan-Gia, Carole Sauret, Claire Gaullaumaud, Luc Alenvers et Capucine Maillard


En bref : Andréa BESCOND, remarquée pour son Molière du Seule en Scène avec Les Chatouilles ou la danse de la Colère, réussi une belle première mise en scène. Elle donne énergie et rythme au texte poignant de Capucine MAILLARD. Avec ses comédien.ne.s de la Compagnie Aziadé elles nous offrent un spectacle sensible qui aborde avec légèreté le douloureux et grave sujet de l'inceste. L'émotion et l'espoir sont au rendez-vous.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Ciné 13 Théâtre
1 Avenue Junot 75018 Paris
Jusqu'au 26 mars 2017 - 19h - 20h ou 21h




Crédit ¨Photo @ Philippe DENIS

dimanche 12 mars 2017

ABIGAIL'S PARTY

FIN DE PARTIE CHEZ BEVERLY
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UN SAMEDI SOIR DANS UNE BANLIEUE DE LONDRES

En ce samedi soir il y a de l'animation dans cette rue de la banlieue de Londres. Abigail organise une "Party" et Berveley reçoit ses nouveaux voisins. Peter n'est pas aussi enthousiaste que son épouse et Suzanne, la mère d'Abigail, fait bonne figure. Quand à Tony et Angela, le jeune couple objet des attentions de Beverley, ils ont à cœur de s'intégrer dans leur nouvelle communauté.

Nous sommes dans l'Angleterre des années 1970. La crise du pétrole n'a pas encore sévi. La classe moyenne est en pleine expansion. Elle gagne de l'argent, accède à un confort bourgeois. L'ère du paraître est là. Beverley n'a de cesse de vanter la situation professionnelle de son mari. Angela et Tony sont prêts à faire semblant de ne pas voir les impolitesses de leur hôte pour être acceptés dans cette classe supérieure. Quant à Suzanne et Peter, on ne saurait lequel est le plus gêné par la consommation excessive d'alcool de la maîtresse de maison.

Si on entend la musique de la party donnée par Abigail il n'est pas certain que ce soit chez les ados que le risque de dérapage soit le plus fort. Sous les verres d'alcool avalés en accéléré le vernis des conventions et de la bienséance ne va pas tarder à craqueler. L'entente entre Beverley et Peter n'est pas au zénith. 3 ans de mariage et l'enlisement dans l'ennui est là de même que les frustrations et insatisfactions grandissantes. Il n'est pas très loin non plus chez le jeune couple Tony / Angela. Les inhibitions tombent chez les deux jeunes femmes. Les questions se font intimes, dérangeantes. Les maris sont mal à l'aise. Suzanne aussi.

RÉALISME DE L'AMBIANCE

Thierry HARCOURT a choisi une mise en scène réaliste. Le décor nous plonge dans l'ambiance des années 1970 : un intérieur bourgeois au mobilier bien marqué. Les costumes et les coiffures sont particulièrement soignés. L'atmosphère est un peu étrange. On sent rapidement qu'il va y avoir des éclats. On ne peut s'empêcher de penser à "Qui à peur de Virginia Wolf". Mais l'intensité n'est pas au rendez-vous, laissant le spectateur sur sa faim.

Lara SUYEUX pourrait donner à Beverly une personnalité complexe. Elle est à peine ébauchée sur une scène furtive qui tombe comme un cheveu sur la soupe. Son jeu excessif peine à nous mettre en empathie avec ses désenchantements. Cet excès qui a du mal à séduire chez l'une est à l'opposé tout à fait juste chez Alexis RIBES, provocante Angela à la plastique impeccable, faussement nunuche pour mieux séduire ses nouveaux voisins. Les maris Cédric CARLIER et Dimitri RATAUD sont crédibles en conjoints tentant de limiter les dégâts. Quant à Séverine VINCENT elle excelle à contenir son agacement derrière des sourires complaisants.

En bref : Malgré l'application des comédiens on peine à suivre cette soirée qui ne semble mener nulle part. La fête se termine et nous n'avons pas assisté à l'explosion attendue. Dommage.

Abigail's Party, de Mike Leigh, adaptation de Gérald Sibleyras, mise en scène de Thierry Harcourt, avec Cédric Carlier, Dimitri Rataud, Alexis Ribes, Lara Suyeux, Séverine Vincent

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
74 Boulevard du Montparnasse 75006 Paris
Du mardi au samedi 21h - Dimanche 15h


Crédit photo @Fabien Dumas

FESTIVAL ÉCARTS 2017

UN FESTIVAL POUR LES COMPAGNIES ÉTUDIANTES
30 Mars - 1er Avril 2017
Théâtre de la Cité Internationale



15 ANS AU SERVICE DE LA CRÉATION

C'est en 2001 qu'à l'initiative du Bureau des Arts de Sciences Po naît le Festival de théâtre Rideau Rouge. Pour ce nouvel opus il évolue et devient en cette année 2017 LE FESTIVAL ÉCARTS. Un nouvel essor pour une équipe qui bénéficie des 15 années d'expérience passées.

Un seul objectif : permettre à des compagnies étudiantes de développer et de travailler avec des conditions proches de celles des compagnies professionnelles. Pour les compagnies sélectionnées c'est la possibilité de bénéficier d'un tremplin pour travailler, faire connaître leur production, créer des contacts, évoluer vers une pratique professionnelle. L'investissement des troupes et des professionnels déborde les 3 jours de festival. Rencontres, échanges, séances de travail sont organisés en amont pour aider les troupes à développer leur projet, de même qu'une journée de discussion suivra le festival pour permettre un retour d'expérience.

L'appel à projet lancé début septembre a permis de sélectionner 5 projets parmi 35 propositions qui ont donné lieu à 30 auditions . Ouvert uniquement aux compagnies universitaires ou aux élèves de conservatoires s'ils mènent en parallèle un cursus universitaire le festival a pour ambition d'offrir des conditions de travail proches de celles des professionnels afin de présenter des projets maturés à un public amateur et professionnel.

Outre des conseils, les professionnels présents au Festival remettront des mentions pour mettre en valeur tel ou tel aspect d'un travail. Deux prix seront également décernés, l'un par un Jury Etudiant, l'autre par un Jury de Blogueurs passionnés auquel le bureau organisateur me fait l'honneur de participer.


LES PROJETS CONCURRENTS





Compagnie Homère & Pogona
Mise en scène d'Ariane Laget 
Avec Samuel Leuchter, Noé Menuau, Solène Niess, Dana Simah

Deux clowns et deux comédiens se répondent, s'appuyant sur 10 auteurs classiques. Amour, destin, fatalité : quatre jeunes gens se réapproprient le sens du théâtre classique pour illustrer 10 époques de la vie d'un couple.

Jeudi 30 mars à 20h30 - Durée : 1h15



Texte de Peter Handke
Mise en scène Gabriel Pierson 
Avec Garance Robert de Massy, Santiago Montequin
Son Quentin Charpin


Un couple, un décor minimaliste. Une lutte par la parole contre la détresse qui paralyse. Un travail sur le texte, mis en scène par un ex-étudiant en école de commerce et de philosophie qui a tout lâché pour la mise en scène. Une création musicale en live.

Vendredi 31 mars à 19h00 - Durée : 1h30


Compagnie La Faim du Soir Tard
Création collective sous la direction de Juliette Allemand
Avec Agathe de Wispelaere, Jean Hostache, Loup-Franck Poblete, Juliet Doucet, Louise Buléon Kayser, Garance Silve

Ils sont danseurs, chanteurs, comédiens. Ils nous convient à un voyage dans un espace de non-sens. Un travail de plateau et une écriture collectives basés sur l'improvisation. Une soirée ratée pour des "personnages-casseroles" et des histoires singulières "de ceux qui doivent changer, ceux qui doivent abandonner leur vieille peau pour accéder au petit matin de leur existence". Un travail sur le rythme et la musique

Vendredi 31 mars 21 - Durée : 1h30

Texte d'Hélène Ollivier par la Compagnie le Quintuplex
Avec Laetitia Basselier, Louise Benkimoun, Hélène Ollivier, Noé Tebou, Luca Terray
Lumières Nicolas Garrel - Son Pablo Rauzy


Une comédie sur le travail et la gestion du management en entreprise. Le Quinteplex interroge avec humour les enjeux qui se cachent derrière le bien-être, le "personal development" ou l'utilisation de l'art à des fins commerciales.

Samedi 1er Avril à 18h - Durée : 1h20



Compagnie le Mot Nu Ment
Création collective sous la direction d'Ines Benkhicham
Avec Margot de Kerangat, Thibaut Madani, Sarah Marchais, Camille Danveau


Une création originale : spectacle olfactif sous la coupole de la Cité Universitaire. Pluridisciplinaire, mêlant danse, performance et théâtre. Une réflexion sur l'odorat, peut-être le plus intime des 5 sens. Qui sommes-nous, nous qui tous ensemble ne sentons et ressentons pas la même chose ?

Samedi 1er avril - 20h30 - Durée 1h15
Attention : jauge limitée à 80 personnes. Réservation conseillée


ET APRES ?

Parmi les compagnies qui ont fait le Festival on peut citer :


Collectif JOKLE avec Bittersweet et qui a depuis présenté Guerre au Théâtre de Ménilmontant

Collectif Rêves Concret pour l'adaptation du roman de Philippe Tesson "Un garçon d'Italie" 

Compagnie Desirades qui sera au Théâtre de l'Opprimé le 14 mars pour "Éclipses"

L'entracte-CELSA qui continue sa route avec "Adèle ou la marguerite"


C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Festival Ecarts
17 Boulevard Jourdan 75014 PARIS
Arrêt Cité Universitaire (Rer B - T3 - Bus 21/67/88)
Du 31 mars au 1er avril 2017

Tarif : 5,50€ par spectacle pour frais de participation au festival
Réservations sur le site du Festival

LE VIDE, ESSAI DE CIRQUE

ÉTONNANTE ET HALLUCINANTE PERFORMANCE
*****



Ce soir-là au théâtre de Saint Quentin en Yvelines le spectacle, l'expérience, la performance, commencent par un parcours fléché énigmatique et humoristique dans les entrailles du lieu pour arriver sur la scène transformée en une piste de cirque.  Au détour d'un couloir on croise des livres suspendus : "Le mythe de Sisyphe" d'Albert Camus. Et un rappel : c'est l'histoire d'un homme qui pousse un rocher en haut d'une montagne. Quand il arrive en haut, le rocher retombe. Sisyphe est alors condamné à inlassablement recommencer son geste. Une quête de sens. Un voyage au pays de l'absurde. Pour la mythologie grecque, une punition infligée à celui qui a osé se moquer des dieux. Pour Camus un destin qui permet la rébellion et l'accomplissement.

Au sol un assemblage de matelas, de tranches de mousse, des tables de tréteaux. Du plafond pendent des cordes. La suite est indescriptible. Parce que atypique et parce qu'il faut vivre cette performance pour l'apprécier pleinement.

"Ceci est un essai, de plus" lit-on sur les petits papiers disposés sur les sièges. Un essai pour donner une interprétation physique au mythe se Sisyphe. Un essai pour transformer une scène de théâtre, chaque fois différente, en une piste de cirque. Un essai pour confronter l'artiste au vide sous lui, confronter les spectateurs au vide entre deux notes de musique. Rencontre entre deux univers complémentaires, indissociables.

Fragan GEHLKER est cordeliste. Pendant une heure, ou plus selon les représentations, il joue avec nos nerfs dans ses essais sans cesse renouvelés de grimper sur une corde tandis que Alexis AUFFRAY multiplie les essais de sonorisation, tantôt au violon, tantôt via un radiocassette. L'acrobate grimpe, rencontre une première difficulté, recommence, encore et encore. A chaque fois il trouve une nouvelle possibilité pour poursuivre son but, explorant tout l'espace horizontal et vertical qui abrite sa performance, faisant preuve d'une technique et d'une force incroyables qui nous laissent bouche bée, le souffle suspendu, le corps sursautant à chaque mise en danger.

Performance physique hallucinante, hypnotique, effrayante, souvent drôle. Le duo, sur la surprenante dramaturgie de Maroussia DIAZ VERBEKE, nous entraîne au cœur de l'absurde. Tout comme Sisyphe qui pousse sans relâche son rocher, l'acrobate monte et redescend le long des ces cordes, de cet espace, le musicien cherche la bonne note, le spectateur fasciné ne peut détacher ses yeux de l'artiste condamné à essayer encore et encore. Jusqu'où est-il / sommes-nous prêt(s) à aller pour réussir ? Quel sens faut-il donner à cette obstination ? A cette volonté de ne jamais abandonner ?

"Il faut imaginer Sisyphe heureux" disait Camus. Car en prenant conscience de son destin il en devient le maître. De l'artiste ou du spectateur, qui est le maître du temps ?

En bref : un spectacle étonnant. Une performance physique impressionnante et un questionnement métaphysique. Un moment de cirque à nul autre pareil qui derrière le rire de l'absurde nous interpelle. Incroyable. Indescriptible. Bluffant.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre Gérard Philippe - TGP
DERNIERES REPRESENTATIONS MONDIALES
Di 10 nov 2019 17h
Je 14 et Ve 15 nov 2019 - 19h30

Toutes les dates de tournée sur le site du spectacle : levide-insitu.blogspot.fr


Vu Mars 2017 - Théâtre de Saint Quentin en Yvelines
Mise à jour du 24/10/2019
Crédit photo @Alan Guichaoua

samedi 11 mars 2017

LE CAS SNEIJDER

PIERRE ARDITI TOUCHANT HOMME BRISE
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Au Théâtre de l'Atelier Didier BEZACE adapte LE CAS SNEIJDER. La descente dans la folie d'un homme brisé par un accident d'ascenseur. 1er prix Toja du théâtre pour cette réflexion sur le sens de la vie. Pierre ARDITI dans un rôle sensible, touchant, subtil, entre gravité et humour noir.

SURVIVRE. POURQUOI ? COMMENT ?

Paul est un survivant. Un rescapé. Le seul d'un accident d'ascenseur dans lequel il a perdu sa fille. Depuis il traîne sa carcasse cabossée comme son esprit. Sa femme Anna lui reproche constamment son attitude. Ses jumeaux de fils la soutiennent. Alors il trouve un travail : promeneur de chiens. Et personne ne comprend cette décision qui semble tellement irrationnelle. Jusqu'où le conduira cette chute vertigineuse entamée dans cet ascenseur de malheur ?

Sur la scène trois pans de mur délimitent l'espace. Tableaux noirs sur lesquels Paul dessine avec rage des mécanismes d'ascenseur. Par-ci par-là des citations de Confucius, Spinoza, Nietzsche, sur le hasard, le travail, la liberté. Au centre une porte coulissante s'ouvre sur le salon ou la chambre de l'appartement de Paul, le bureau de son employeur, la rue.

Pour sortir de sa solitude, incapable d'être en contact avec les hommes dans ce qu'il appelle cette société verticale construite autour des ascenseurs, Paul démissionne du poste que sa femme lui avait permis d'obtenir et choisit un travail qui étonne son entourage : il promène des chiens. Un surtout, Charlie, avec lequel naît une grande complicité. Mais ni sa femme ni ses fils ne comprennent les choix de Paul, ses besoins, ses colères, sa douleur. Alors Paul devient "un cas", un individu unique, complexe, attachant.

ADAPTATION NOIRE ET FIDÈLE

En adaptant le livre de Jean-Paul DUBOIS, Didier BEZACE nous plonge dans l'esprit d'un homme fragilisé par un drame. Comment Paul peut-il comprendre et accepter d'être le seul survivant d'un accident d'ascenseur, lui qui a 61 ans, alors que sa fille figure parmi les 4 victimes. Il nous propose plusieurs niveaux de lecture, de notre relation à la machine, au malheur des autres, au travail, à notre place dans la société. Une adaptation sombre tant par l'humour noir que par l'univers étrange, onirique renforcé par la scénographie, les fumées qui envahissent le plateau, les déclenchements intempestifs d'une alarme qui a fait défaut lors de l'accident.

Confronté à une femme tyrannique, insensible, égocentrique, froide (Sylvie DEBRUN, agaçante d'égoïsme et de détachement), Paul lutte contre sa culpabilité, ses doutes, ses cauchemars, s'interroge sur le sens de sa vie, sur la verticalité de la société, l'emprise des machines, l'impossibilité de la transmission, la filiation, l'amour, le rapport aux autres. La scénographie imaginée par Didier BESACE et Jean HAAS reflète l'enfermement intérieur de Paul, ses délires tragi-comiques. Tel un funambule Pierre ARDITI semble constamment à la limite de l'équilibre. Sommes-nous dans le monde réel ? Paul a-t-il déjà sombré dans la folie?


ARDITI SUBTIL ET ATTACHANT

Pierre ARDITI interprète un Paul subtil, fragile, confus, empreint d'autodérision face à l'infidélité de sa femme, de cynisme face à ses fils jumeaux qui le méprisent et multiplient les occasions de créer la confusion (mais qui crée cette confusion ?). Il jette un regard désabusé sur la vie. Avec humour, gravité, justesse il crée un personnage attachant, tant par sa présence physique que par sa voix off qui nous enveloppe.

Le reste de la distribution est de la même justesse. Didier BEZACE est parfait dans le rôle de l'avocat de la compagnie d'ascenseur tout aussi ambiguë (ou peut-être pas) que Paul. Thierry GIBAULT, empathique propriétaire de DogDogWalk, est le moteur qui fait bouger le rescapé. Morgane FOURCAULT est un magnifique fantôme. Quant à Charlie, superbe border Collie, il apporte une touche de poésie, de calme et de sérénité dans l'univers de Paul.

Le cas Sneijder est lauréat du 1er prix Toja de la Fondation Jacques Toja pour le Théâtre

En bref : Didier BEZACE réalise une fidèle et belle adaptation du livre de Jean-Paul DUBOIS. Entre onirisme et réalité Pierre ARDITI interprète brillamment un homme en rupture avec la société, refusant de se plier à une vie étriquée, préférant la solitude et la liberté. Une interprétation juste, subtile. Une réflexion qui ne laisse pas indifférent. Une des réussites de la saison théâtrale 2016/2017.

"Un accident servait aussi à ça. A comprendre l'origine du malheur. A démonter la machine et à la remonter"

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
1 Place Charles Dullin 75018 PARIS
Depuis le 21 février 2017
Du mardi au samedi à 21h - Matinées samedi à 18h - Dimanche à 15h



Le cas Sneijderadaptation et mise en scène de Didier Bezace, avec Pierre Arditi, Sylvie Debrun, Didier Bezace, Thierry Gibault, Morgane Fourcault et Charlie.


Crédit photo @ Hervieux