PIERRE ARDITI TOUCHANT HOMME BRISE
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Au Théâtre de l'Atelier Didier BEZACE adapte LE CAS SNEIJDER. La descente dans la folie d'un homme brisé par un accident d'ascenseur. 1er prix Toja du théâtre pour cette réflexion sur le sens de la vie. Pierre ARDITI dans un rôle sensible, touchant, subtil, entre gravité et humour noir.
SURVIVRE. POURQUOI ? COMMENT ?
Paul est un survivant. Un rescapé. Le seul d'un accident d'ascenseur dans lequel il a perdu sa fille. Depuis il traîne sa carcasse cabossée comme son esprit. Sa femme Anna lui reproche constamment son attitude. Ses jumeaux de fils la soutiennent. Alors il trouve un travail : promeneur de chiens. Et personne ne comprend cette décision qui semble tellement irrationnelle. Jusqu'où le conduira cette chute vertigineuse entamée dans cet ascenseur de malheur ?
Sur la scène trois pans de mur délimitent l'espace. Tableaux noirs sur lesquels Paul dessine avec rage des mécanismes d'ascenseur. Par-ci par-là des citations de Confucius, Spinoza, Nietzsche, sur le hasard, le travail, la liberté. Au centre une porte coulissante s'ouvre sur le salon ou la chambre de l'appartement de Paul, le bureau de son employeur, la rue.
Pour sortir de sa solitude, incapable d'être en contact avec les hommes dans ce qu'il appelle cette société verticale construite autour des ascenseurs, Paul démissionne du poste que sa femme lui avait permis d'obtenir et choisit un travail qui étonne son entourage : il promène des chiens. Un surtout, Charlie, avec lequel naît une grande complicité. Mais ni sa femme ni ses fils ne comprennent les choix de Paul, ses besoins, ses colères, sa douleur. Alors Paul devient "un cas", un individu unique, complexe, attachant.
ADAPTATION NOIRE ET FIDÈLE
En adaptant le livre de Jean-Paul DUBOIS, Didier BEZACE nous plonge dans l'esprit d'un homme fragilisé par un drame. Comment Paul peut-il comprendre et accepter d'être le seul survivant d'un accident d'ascenseur, lui qui a 61 ans, alors que sa fille figure parmi les 4 victimes. Il nous propose plusieurs niveaux de lecture, de notre relation à la machine, au malheur des autres, au travail, à notre place dans la société. Une adaptation sombre tant par l'humour noir que par l'univers étrange, onirique renforcé par la scénographie, les fumées qui envahissent le plateau, les déclenchements intempestifs d'une alarme qui a fait défaut lors de l'accident.
Confronté à une femme tyrannique, insensible, égocentrique, froide (Sylvie DEBRUN, agaçante d'égoïsme et de détachement), Paul lutte contre sa culpabilité, ses doutes, ses cauchemars, s'interroge sur le sens de sa vie, sur la verticalité de la société, l'emprise des machines, l'impossibilité de la transmission, la filiation, l'amour, le rapport aux autres. La scénographie imaginée par Didier BESACE et Jean HAAS reflète l'enfermement intérieur de Paul, ses délires tragi-comiques. Tel un funambule Pierre ARDITI semble constamment à la limite de l'équilibre. Sommes-nous dans le monde réel ? Paul a-t-il déjà sombré dans la folie?
ARDITI SUBTIL ET ATTACHANT
Pierre ARDITI interprète un Paul subtil, fragile, confus, empreint d'autodérision face à l'infidélité de sa femme, de cynisme face à ses fils jumeaux qui le méprisent et multiplient les occasions de créer la confusion (mais qui crée cette confusion ?). Il jette un regard désabusé sur la vie. Avec humour, gravité, justesse il crée un personnage attachant, tant par sa présence physique que par sa voix off qui nous enveloppe.
Le reste de la distribution est de la même justesse. Didier BEZACE est parfait dans le rôle de l'avocat de la compagnie d'ascenseur tout aussi ambiguë (ou peut-être pas) que Paul. Thierry GIBAULT, empathique propriétaire de DogDogWalk, est le moteur qui fait bouger le rescapé. Morgane FOURCAULT est un magnifique fantôme. Quant à Charlie, superbe border Collie, il apporte une touche de poésie, de calme et de sérénité dans l'univers de Paul.
Le cas Sneijder est lauréat du 1er prix Toja de la Fondation Jacques Toja pour le Théâtre
En bref : Didier BEZACE réalise une fidèle et belle adaptation du livre de Jean-Paul DUBOIS. Entre onirisme et réalité Pierre ARDITI interprète brillamment un homme en rupture avec la société, refusant de se plier à une vie étriquée, préférant la solitude et la liberté. Une interprétation juste, subtile. Une réflexion qui ne laisse pas indifférent. Une des réussites de la saison théâtrale 2016/2017.
"Un accident servait aussi à ça. A comprendre l'origine du malheur. A démonter la machine et à la remonter"
C'EST OU ? C'EST QUAND ?
1 Place Charles Dullin 75018 PARIS
Depuis le 21 février 2017
Du mardi au samedi à 21h - Matinées samedi à 18h - Dimanche à 15h
Le cas Sneijder, adaptation et mise en scène de Didier Bezace, avec Pierre Arditi, Sylvie Debrun, Didier Bezace, Thierry Gibault, Morgane Fourcault et Charlie.
Crédit photo @ Hervieux
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