dimanche 2 octobre 2016

EDMOND

A LA FIN LA MAGIE MICHALIK TOUCHE

*****


Molière 2014 dans les catégories Metteur en scène et Auteur Francophone Vivant Alexis MICHALIK démontre à nouveau avec EDMOND qu'il est un conteur admirable. Cette nouvelle création est une vibrante déclaration d'amour au théâtre qui prend pour prétexte la genèse de la plus grande pièce du répertoire français : CYRANO DE BERGERAC.

DANS LES COULISSES DE LA CRÉATION

1895. Edmond ROSTAND vient de faire un four avec La Princesse Lointaine pourtant interprétée parla grande Sarah BERNHARD. Deux ans plus tard il n'a rien écrit de nouveau. Acculé par les dettes il propose au grand Constant COQUELIN une nouvelle pièce. L'époque est au vaudeville et à la prose, sa pièce sera en alexandrin. On lui demande une comédie courte pour un public qui en a marre de Strindberg et d'Ibsen, ce sera une tragédie épique en 5 actes. Coquelin s'emballe, les producteurs corses signent un blanc-seing mais imposent leur comédienne, la troupe est prête à répéter pour jouer dans trois semaines. Un seul (léger) problème : Edmond n'a pas encore écrit une seule ligne. Il a tout juste un titre : CYRANO DE BERGERAC.

Comme dans ses précédents spectacles Alexis MICHALIK nous entraîne dans une folle aventure : celle de la création de l'un des plus célèbres textes du répertoire français. Quelle est la part du vrai, qu'est-ce qui est du domaine du romanesque dans cette bouillonnante évocation ? Est-ce vraiment important. Edmond ROSTAND avait depuis longtemps un intérêt pour Savinien de Cyrano de Bergerac, écrivain du 17ème siècle. Mais c'est en aidant un de ses amis à trouver les phrases qui sauraient séduire une femme désirée qu'il eut l'idée de créer son personnage romanesque. Il y a là tous les éléments pour imaginer une gestation fiévreuse et chaotique pour ce qui est aujourd'hui l'un des textes français les plus joués dans le monde et le rôle que tous les acteurs rêvent d'interpréter.

LA TOUCHE MICHALIK

On retrouve de nombreux éléments qui constituent la touche MICHALIK, 12 comédiens qui recréent un esprit de troupe, un mouvement ininterrompu qui fait évoluer une multitude de personnages, des changements de décors à vue qui s'enchaînent sans temps mort, un tourbillon qui nous emporte pendant près de 2h pour nous laisser le regard émerveillé et le cœur en joie devant ce spectacle brillant. Avec talent et virtuosité l'auteur nous plonge au cœur d'une époque faisant revivre sous nos yeux émerveillés la grande Sarah Bernhardt, le comique de situation des vaudevilles de Feydeau, les questionnements d'un monde du théâtre en pleine évolution qui voit émerger la concurrence du cinéma de Méliès et des Frères Lumières, les mœurs d'une société bourgeoise, la frénésie d'une création artistique.

Toute la troupe est d'une parfaite justesse de jeu. Guillaume SENTOU est le génial Edmond, auteur en proie au doute puis emporté par l'enthousiasme de la création grâce à l'inspiration de sa muse (Stéphanie CAILLOL - romantique Jeanne), mais fidèle à sa douce Rosemonde (Anna MIHALCEA) et à son ami Léo (Kévin GARNICHAT), l'amoureux maladroit. Christine BONNARD campe une Maria Legault caricature de l'actrice gouailleuse et diva, protégée des producteurs et proxénètes corses magistralement interprétés par Christian MULOT et Pierre BENEZIT. Jean-Michel MARTIAL est la dignité personnifiée dans le rôle d'Honoré. Pierre FOREST est un Coquelin touchant et un Cyrano très convaincant. Nicolas LUMBRERAS dévoile, entre autres rôles, un Feydeau provocateur, hautain et comique. Valérie VOGT est une irrésistible Sarah BERNHARDT. Enfin Régis VALLEE se surpasse entre le sérieux Courteline et le niais Jean Coquelin. Sans oublier le travail de toute la technique, de la scénographie aux lumières en passant par la musique et les costumes. Pas une fausse touche dans cette évocation du Paris de la fin du 19ème siècle. Et si par moments le rythme semble s'emballer ce n'est que pour mieux refléter l'urgence de la création, son bouillonnement, ses avancées par à-coups.

Une évocation historique avec de truculents anachronismes comme les notes du boléro de Ravel qui surgissent de façon incongrue, comme pour souligner que tout ceci n'est qu'une comédie qui ne se prend pas au sérieux tout en étant d'un grand professionnalisme. Et lorsque Pierre FOREST déclame les mots d'Edmond ROSTAND et que Cyrano meurt sur scène on ne sait plus si nous sommes en 2016 ou à la première en 1897.


En bref : Le génial conteur qu'est Alexis MICHALIK réussi le tour de force de nous emporter à nouveau dans un tourbillon de rire et d'émotions. Avec EDMOND il ne rend pas seulement hommage au génial auteur de CYRANO DE BERGERAC. Il adresse une émouvante et brillante déclaration d'amour au théâtre. Un spectacle bonheur dont on sort les yeux émerveillés et le cœur en joie, avec l'envie de revenir encore et encore au théâtre. Une troupe à l'unisson avec une mention spéciale pour Guillaume SENTOU qui s'empare avec justesse et énergie du trublion Edmond, clé de voûte de cette double aventure.



C'EST OU ? C'EST QUAND ?
38 Rue Montpensier 75001 Paris
Du mardi au samedi 21h - Dimanche 16h30




Vu septembre 2016 - Théâtre du Palais Royal
Crédit photo @Alejandro Guerrero

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire