ATTALI NOUS PERD DANS SES UNIVERS PARALLÈLES
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ET S'IL AVAIT VAINCU !
Les croix gammées qui ornent discrètement les murs de la salle de la Reine Blanche et la musique qui remplit l'espace sèment le doute : sommes-nous bien en 2016 ? Oui, mais dans un aujourd'hui dans lequel les nazis ont gagné la guerre en 1944, sont toujours au pouvoir dans toute l'Europe et imposent leur politique et leur censure. Un aujourd'hui où Jean Cocteau est un auteur oublié, où le progrès semble s'être figé 72 ans plus tôt, où le théâtre ne sert qu'à présenter les classiques ou du vaudeville parce que "les gens veulent voir des histoires simples pas de la politique-fiction" dit un personnage.

MISE EN ABYME DE MISE EN ABYME
Dans cette mise en abyme en forme de matriochka Jacques ATTALI enchaîne les poncifs. "Que reste-t-il du rêve d'une Europe unie" se demande-t-il sans apporter le moindre début de réponse. Ce présent qui aurait pu être manque totalement d'imagination et de crédibilité. Ce labyrinthe dans le temps tourne en rond sans aucune issue. L'ambition est de nous interpeller sur ... sur quoi ? L'histoire n'est que le prétexte à une succession de réflexions banales sur les relations entre les hommes et les femmes, la censure, le théâtre et ses spectateurs. On y dénonce une élite intellectuelle collabo mais ce n'est plus un secret pour personne. La peur domine les deux mondes décrits : peur du pouvoir, peur de l'opinion publique, peur d'affirmer ses convictions, peur de la censure politique ou morale. Une peur qui paralyse, qui tue la créativité, qui fige hommes et idées dans la médiocrité et la facilité. On attendait mieux de la part de celui qui fut le conseiller de François Mitterrand. Plus d'originalité, plus de profondeur, plus de vision.
Ce voyage dans le temps voulu en boucle tourne à vide. "Il faut, du chaos originel de la pièce à la surprise finale, assurer la continuité de la compréhension malgré les coups de théâtre - ou grâce à eux" lit-on dans la note d'intention. Hélas la construction et le texte ne permettent pas de gagner ce pari, l'auteur ayant éprouvé le besoin de mettre dans les dialogues les explications de texte, comme si finalement le spectateur est réellement incapable de dépasser le premier degré et n'attend vraiment du théâtre que des histoires simples et que intuition ne lui permet pas de décoder la volonté de l'auteur.
UN REMARQUABLE TRIO DE COMEDIENS
La mise en scène de Christophe BARBIER manque également de subtilité et plonge parfois dans la caricature (l'échange de SMS, le couple de comédiens homosexuels si caricatural qu'il en devient insultant, le subterfuge des "coups de théâtre"). La scénographie de Pascal CROSNIER qui s'annonçait intéressante en dépassant le 4ème mur est finalement décevante avec son panneau recto verso censé représenter la passerelle entre les époques et sa rangée de sièges. L'ensemble ne m'a pas permis de "passer du cerveau à l'esprit, de l'intelligence à l'intuition" (note d'intention du metteur en scène), et ressemble plus à un vaudeville qu'à un texte avant-gardiste.

Hélas, à force de mise en abîme de mises en abîme on finit par toucher le fond. Et pour avoir une idée de ce que pourraient être les mondes parallèles, mon conseil est de lire ou relire "A la croisée des mondes" de Philip Pulman.
C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre de la Reine Blanche
2Bis passage Ruelle 75018 Paris
Métro La Chappelle ou Marx Dormoy
Du 7 septembre au 3 novembre 2016
Du mardi au samedi à 20h45
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