TOMBENT LES MASQUES, TOMBENT LES HOMMES
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La fin des années 1940 dans un collège britannique. Dans l'atmosphère surannée d'un appartement confortable un professeur mal-aimé et sur le départ fait face aux trahisons multiples de son entourage. Jean-Pierre BOUVIER livre une prestation remarquable, entouré d'une belle distribution et dans une mise en scène qui laisse éclater les passions.
TOMBENT LES MASQUES
En cette fin des années 1940 au Royaume-Uni, le professeur Croker-Harris a convoqué l'élève Taplow pour une leçon de rattrapage de version grecque qui sera déterminante pour son passage en classe supérieure. Au cours de cette heure c'est une tragédie digne des auteurs grecs qui va se dérouler sous les yeux de l'élève.
Croquignole, comme l'ont surnommé les élèves, n'est guère apprécié. Il incarne toute la rigueur de l'institution. Si Taplow se montre espiègle lorsqu'il singe son professeur devant le professeur Hunter, il fait moins le fier face au redouté enseignant. Malade, Croker-Harris s’apprête à quitter ce poste qu'il occupe depuis de nombreuses années. On comprend vite que derrière l'amertume se cache une blessure profonde qui n'est pas seulement celle due au désenchantement vis-à-vis de son rôle d'enseignant ou sa déception de quitter cette école.
Tout au long de cette fin de journée défilent proches et inconnus qui chacun démolissent un peu plus ce professeur au cœur malade. Comme une lente mise à mort, consciente ou pas, de celui qui aurait pu être un grand professeur et qui voit se succéder et s'empiler les preuves de l'échec de sa vie.
JEAN-PIERRE BOUVIER MAGISTRAL
Jean-Pierre BOUVIER livre une prestation magistrale. Son professeur Crocker-Harris se bat contre cette chute qui semble chaque instant plus inéluctable. Le professeur redouté de tous ses élèves semble s'affaisser physiquement et moralement un peu plus à chaque coup que lui inflige son entourage. La silhouette se recroqueville, semble à la limite de la rupture. Les yeux souvent mi-clos c'est par la voix qu'il transmet toute la force intérieure du personnage, ses ruptures, sa souffrance, ses désillusions.
C'est toute l'hypocrisie de cette société britannique qui est mise à jour. Les masques craquent. Les jalousies et les rancœurs éclatent comme un soir d'orage libérant les tensions trop longtemps retenues. Pour son adaptation Patrice KERBRAT a gardé l'époque dans laquelle Terence RATTIGAN a voulu placer cette comédie humaine. Le dramaturge britannique y démonte les codes d'un univers qu'il a bien connu ayant lui-même étudié au Trinity College d'Oxford. Loin de figer le texte dans le temps ce parti pris permet de donner toute la dimension intemporelle et universelle des tourments et passions éprouvés par ses personnages.
Mme Crocker-Harris (Marie BUNEL) est un monstre de froideur à l'encontre de son mari. Leur couple s'est délité dans le temps, sombrant dans le mensonge, la trahison, le mépris mutuel qui est devenu le ciment de leur relation. Elle sombre dans une romance pathétique avec un professeur Hunter (excellent Benjamin BOYER) lui-même au comble de l'hypocrisie tant vis-à-vis de sa maîtresse que de son collègue et ami. Et on a du mal à croire que le jeune couple qui va leur succéder dans ce logement de fonction puisse connaître une relation plus heureuse. Le reste de la distribution est d'une grande justesse. Thomas SAGOLS est crédible en Taplow, élève à la fois moqueur et admiratif de ce professeur si sévère et si désabusé. Crocker-Harris reconnait-il en son élève l'adolescent qu'il fut lui-même ?
Le décor d'Edouard LAUG, la lumière de Laurent BEAL et les costumes de Caroline MARTEL sont en parfaite harmonie pour créer un atmosphère sombre, intime voire renfermée, et parfois étouffante, comme les liens entre les membres de cette bourgeoisie mortifère. Néanmoins l'espoir finira par l'emporter.
En bref : Une adaptation très réussie de la pièce de Terence Rattigen. Une atmosphère tendue, sombre. Une dénonciation de l'hypocrisie de la bourgeoisie britannique et une illustration des passions, des espoirs et désillusions des hommes et des femmes, porté par la remarquable et émouvante interprétation de Jean-Pierre BOUVIER. Une des réussites de cette rentrée de l'automne 2016.
C'EST OU ? C'EST QUAND ?
75 Boulevard du Montparnasse 75006 PARIS
Du mardi au samdi 21h - dimanche 15h
Crédit photo @Pascal GELY
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