jeudi 23 juillet 2015

RETOUR A BERRATHAM

DANS L'ENFER DE L'APRES-GUERRE

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Au programme de ce festival la rencontre d'un auteur et d'un chorégraphe. Délicat mariage de l'écriture et de la danse. 

Ce n'est pas la première fois que Angelin PRELJOCAJ se risque / prête à l'exercice. En cette saison qui marquera les 30 ans de sa compagnie le chorégraphe a demandé à Laurent MAUVIGNIER de lui écrire une pièce sur le thème de la violence, pensant à  celle faite au corps des danseurs. C'est la violence de la guerre ou plutôt l'empreinte qu'elle laisse après son passage qu'à choisi l'écrivain.

La scénographie s'ouvre sur une image de désolation : carcasse de voiture, tas de détritus, un espace fermé par des grandes grilles. L’atmosphère lourde et pesante de cette ville portant les stigmates de la guerre. Sommes-nous dans les Balkans ? Au Monténégro ? En Syrie ou au Liban ? En Amérique du Sud ou en Afrique ? Sommes-nous en 2015 ou en 1945 ? Même si les nom évoquent l'Europe et l'ex-Yougoslavie l'action pourrait se passer dans n'importe quel pays ravagé par une guerre civile ou étrangère. 

Un jeune homme débarque dans cette ville où il jouait jadis avec son frère. La guerre est passée. Beaucoup sont morts. Ceux qui sont encore là ont changé de manière irréversible. Les personnalités se sont révélées. Si la paix est revenue la violence de la guerre est plus que jamais présente, dans la douleur et les tourments des survivants. Certains ont assimilé cette violence, l'on intégrée à leur mode de vie. D'autres continuent à la vivre dans leur chair, dans leur âme.Le jeune homme cherche Katja, la femme à qui il doit ses seuls moments de bonheur, avant d'avoir dû partir pour le nord, avec l'espoir de revenir offrir aux siens un avenir meilleur.

La violence est d'abord portée par le magnifique texte de Laurent MAUVIGNIER. Violence des mots crus délivré par un trio mixte. Deux hommes (à la personnalité imprécise) et une femme (la mère de Katjia) qui, tel un chœur antique, psalmodient un texte exigeant et précis, brut. Ils surplombent la scène et les danseurs, se fondent parmi eux, les survolent tels des rapaces impatients de fondre sur leur proie.

La danse se fait accompagnement du texte. On aimerait qu'elle se fasse encore plus présente mais un équilibre s'établi. De très beaux moments de fulgurance émaillent le spectacle, comme l'arrivée du jeune homme ou la scène du mariage de Katjia. Elle transforme en beauté la laideur de la situation, prend le contre pied de la tradition décrite. Progressivement dépouillée de cette lourde robe noire dont les morceaux se font veste pour habiller les danseurs, figure fragile d'oiseau enfermé dans sa cage, sa libération par la nudité laisse éclater toute la colère du personnage. Intense moment aussi que celui de la scène de violence conjugale, rendue encore plus forte par sa démultiplication. Sans oublier la beauté aérienne de la scène finale en contrepoint de la narration.

Oui j'aurai aimé un peu plus de chorégraphie et peut-être un peu moins de texte et moins de description. Mais l'émotion était présente pour cette rencontre d'une plume et d'une sensibilité artistique. J'ai découvert les deux séparément il y a quelques mois et suis tombée sous le charme de l'un et de l'autre. Contrairement aux huées de bon ton entendues à la fin du spectacle (de bon ton car c'est à se demander si détester et démonter un spectacle avant même de l'avoir vu n'est pas la première loi du spectateur du In - pardon Du Festival d'Avignon - qui veut être dans le ton du moment), je n'ai pas été déçue par la proposition faite dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes, ayant retrouvé la beauté de l'écriture de Laurent MAUVIGNIER et l'émotion ressentie à sa lecture, ainsi que la technique et précision d'Angelin PRELJOCAJ.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Festival d'Avignon
Cour d'Honneur du Palais des Papes
17 / 18 / 19 / 20 / 22 / 23 / 24 / 25 juillet 2015 à 22h

En tournée en France saison 2015/2016 - Toutes les dates en cliquant ICI


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