mercredi 24 juin 2015

UN OBUS DANS LE COEUR

BOULEVERSANT ADIEU A LA MÈRE

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"Un jour, ma mère s'est mise à avoir un visage autre. C'est peut-être le début de mon histoire". En pleine nuit Wahab reçoit l'appel qu'il redoute et attend depuis de longs jours : sa mère se meurt d'un cancer. Le moment est venu pour lui de se rendre à l’hôpital.



Le temps de se rendre de son appartement à l'hôpital Wahab va passer par toutes les phases du deuil et se confronter à nouveau à la mort. A nouveau car l'annonce du futur décès de sa mère le ramène à sa première confrontation avec la mort alors qu'il avait 7 ans. Long sera le chemin, comme si le fait de vouloir ralentir le temps pouvait empêcher l’inéluctable.

Grégori BAQUET interprète avec tendresse, humour, rage, humilité, le parcours douloureux de ce jeune adulte empli de colère. Sans jamais tomber dans le pathos il déploie tout son talent et son énergie dans un monologue empreint d'une extrême sensibilité, ou l'innocence de l'enfance est broyée par une scène de guerre, où la colère et l'incompréhension tiraille un fils par deux fois impuissant devant la mort. Cette mort imminente renvoie le fils à cette guerre dans ce pays natal, ce Liban aimé, ce pays dévasté par une autre forme de cancer.

"Ma mère meurt, elle meurt, la salope, et elle ne me fera plus chier !" 

Cri d'amour et de désarroi qui le submerge. Ce cancer qui ronge la mère adorée et inflige à tous des douleurs physiques et morales insoutenables le renvoie à ses terreurs enfantines. Au milieu d'une famille en deuil il est seul. Seul avec son chagrin, seul avec ses peurs, seul avec ses doutes. Seul il affronte ses terreurs pour pouvoir se libérer. Face aux réactions toutes différentes de son entourage il ravale sa colère, se renferme dans un sentiment d'injustice. On retrouve ici plusieurs des thèmes chers au dramaturge libano-franco-quebecois : la guerre, la filiation, les liens de sang.
Résultat de recherche d'images pour "un obus dans le coeur théâtre des déchargeurs"La situation l'amène au bout de son chemin. Au bout de cette longue absence de communication et cette longue incompréhension entre la mère et le fils. Tout au bout il y a néanmoins la réconciliation posthume. 

L'interprétation poignante de Grégori BAQUET, récompensée d'un Molière, rend particulièrement hommage à la langue et à la poésie de Wajdi MOUAWAD. Ce Molière, reçu tardivement (pour un révélatioin) aura permis au spectacle de continuer à exister. D'abord reprise de janvier à avril puis en juin aux Déchargeurs, sera présent pour la 2ème (ou 3ème) année consécutive dans le Festival OFF à Avignon, au Théâtre du Balcon.

La mise en scène de Catherine COHEN est épurée. Peu de choses sur scène (une chaise, un rideau industriel de plastique opaque en fond de scène, une trottinette) qui suffisent à nous faire voyager du Québec au Liban. L'important travail de mise en lumière accentue les intensités dramatiques.

Grégori BAQUET, d'une grande disponibilité à la fin du spectacle, loue le travail de Catherine COHEN, son metteur en scène, qui a su le "faire travailler intelligemment pour que le spectacle coule" atteigne cette fluidité, lui permette de mener les spectateur là où ils voulaient l'emmener. "l'émotion, elle, ne doit pas être sur scène. Elle doit être dans la salle. Et je sens cette émotion, si forte par moment. Je sens la salle se figer, comme sur le récit du bus."

En bref : Après la légèreté de COLORATURE et le voyage des CAVALIERS Grégori BAQUET s'empare à bras le corps des mots de Wajdi MOUAWAD pour nous emmener dans un voyage émotionnel très puissant. Sur scène et au dehors il fait preuve d'une très grande générosité et d'une sensibilité touchante.


C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Festival OFF 2015
Théâtre du Balcon
38 Rue Guillaume Puy 84000 AVIGNON
Du 4 au 26 juillet 2015 - 12h15



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