lundi 30 mars 2015

EN ATTENDANT GODOT

MAGISTRAL GODOT A VOIR SANS ATTENDRE

*****


IL ÉTAIT UNE FOIS DEUX HOMMES

L'errance et l'attente de Vladimir et Estragon est le grand classique de Samuel BECKETT. Qui ne l'a pas étudié, ne serait-ce qu'en extrait, au Lycée ? Qui n'y pas fait référence au moins une fois souvent sans même avoir lu le texte ? Une gageure que de mettre en scène le texte mythique sans se sentir prisonnier dans les contraintes des didascalies nombreuses et très directives du maître de l'absurde. Un défi auquel beaucoup se confrontent. "Tout est écrit" dit Jean Lambert-wild qui fait que "on est dans une exécution du texte plus que dans une interprétation". Et de fait le co-metteur en scène et Directeur du Théâtre de l'Union est resté fidèle aux indications de l'auteur, "mais dans un espace agrandi".

DES COMÉDIENS LUMINEUX

Choix lumineux que celui de deux fabuleux comédiens ivoiriens : Fargass ASSANDE et Michel BOHIRI. Leur phrasé et le rythme de la langue des africains se calent à perfection sur le temps qui s'étirent et se répète indéfiniment. Cette distribution mixte donne une nouvelle dimension politique au texte. Ainsi lorsque Vladimir dit "(nos droits) nous les avons bazardés", comment ne pas penser au destin des migrants échouant sur les côtes européennes ou au destin économique de l'Afrique face aux ténors de l'occident ? 

JPEG - 1.3 MoBeckett met en scène le vide et le creux. Le jeu des deux artistes rend avec force et puissance cette capacité de rire de l'incapacité de dire et renforce le talent de l'auteur pour faire rire de la souffrance. En ça les personnages de Pozzo et Lucky incarnent le rapport de cruauté et d'anéantissement, comme une version inversée de la relation entre Didi et Gogo. C'est comme "arrêter de penser pour ne plus penser à la souffrance du monde" dira l'un des comédiens. Et pour autant cette écriture est celle de la dignité de l'individu, celle de Didi et de Gogo

Le clown de Jean Lambert-wild est d'une puissance figurative intense. Marcel BOZONNET dit avoir joué Vladimir dans les années 70, à une époque où on connaissait peu de choses sur Beckett, notamment sur son passage dans un camp de concentration. L'interprétation de Lucky par le clown de WILD n'est pas sans rappeler l'image des camps et les rapports de dominant / dominé. 

JPEG - 1.1 MoEt si chaque couple de la pièce trouve son double, ce qui ressort est l'infini tendresse de l'interprétation de Fargass ASSANDE et de Michel BOHIRI. Et comme l'exprime si bien ce dernier, dans "Godot" l'espoir n'est pas porté par le temps mais par la dignité des êtres qui cherchent à contraindre le temps. Et dans ce contexte "le cynisme ne remplit pas le temps, il le défait" (J. Lambert-wild). 


Un dernier signe qui montre que ce texte ne pouvait être si bien mit en lumière par ces deux extraordinaires comédiens : en bété, langue de Côte d'Ivoire, "godogodo" signifie "éternellement".

POUR EN SAVOIR PLUS



Jean Lambert-wild vit avec son clown depuis 20 ans. Un clown qui était muet. "Etre tenu en laisse par Marcel (Bozonnet) a libéré la parole de mon clown. Il ne va plus s’arrêter". Tant et si bien qu'il se prépare à jouer RICHARD III en 2016 et qu'il va désormais s'autoriser tout ce qu'il n'osait jouer jusqu'à présent. On est très impatient de faire le déplacement jusqu'à l'Union pour le découvrir. 


En bref : Pour citer une dame qui a vu la pièce lors de sa création, et le revient ce soir la dans une autre version, cette mise en scène sous la direction de Jean Lambert_wild, Lorenzo MALAGUERRA et Marcel BOZONNET est portée par de remarquables comédiens, Fragass ASSANDE et Michel BOHIRI qui apportent à ce texte sur le vide et le creux un souffle de douceur et une intensité dramatique rarement égalés. A voir et revoir sans modération.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

C'était au Théâtre de l'Aquirium à Vincennes
Du 3 au 29 mars 2015
(complet quasiment tous les soirs)

Créé en mars 2014 à la Comédie de Caen, le spectacle sillonne la France et la Suisse et devraient partir en tournée dans le monde entier, et sera les 2 et 3 avril à Neuchâtel, en Suisse.

A suivre sur le site de Jean Lambert-wild & associés en cliquant ICI


 Crédit photo @Tristan Jeanne-Vales

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire