samedi 3 janvier 2015

LA REUNIFICATION DES DEUX COREES

AMOUR ET DÉSAMOUR
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"CAR CE MONDE CROULE SOUS LE DÉSAMOUR"

Créé il y a deux ans à l'Odéon - Théâtre de l'Europe, LA RÉUNIFICATION DES DEUX COREES est une succession d'une vingtaine de scènes sur le thème de l'amour et du désamour, et s'inscrit complètement dans le travail de Joël POMMERAT sur les interrogations de l'individu sur son sentiment d'exister.


Utilisant un dispositif scénique bi-frontale il reproduit la confrontation entre les individus. Il en faudrait peu pour que l'on se retrouve sur un ring de boxe. Les couples se succèdent, s'interrogent sur leur lien, se déchirent, se séparent, se retrouvent, se découvrent, se rapprochent, s'inventent. Autant d'histoires désenchantées qui laissent un goût amer sur l'amour ou l'amitié. Comme ce couple qui fait appel à une baby-sitter pour garder des enfants qui n'existent que dans leur envie ou leur besoin, cet homme qui revient au bout de 10 ans pour seulement dire "au revoir" à son ex-femme et mieux repartir, cette femme qui hésite à suivre un fantôme de son passé, cette autre qui sur le chemin de l'autel au jour de son mariage découvre que toutes ses sœurs ont eu une aventure avec son futur époux, ces deux voisins qui attendent ensemble leur conjoint respectifs et se refusent à tomber dans le piège de la séduction par fidélité, cette prostituée trahie par son client un pasteur qui  va se marier, ces deux hommes à l'amitié indéfectible qui vont s’entre tuer pour un malentendu. Et comme les Rita Mitsuko on a envie de dire que définitivement "les histoires d'amour finissent mal, en général", s'il n'y avait pas une petite scène quand même pour donner un peu d'espoir.


COMMENT EXPRIMER ? COMMENT EXISTER ?


Au travers de ces tranches de vie Pommerat nous interroge sur ce qui donne aux individus le sentiment d'exister, ce besoin d'aimer et d'être aimer, sur ce qui fait qu'à un moment la rupture semble la seule issue possible. Qu'est-ce qui fait que nous sommes ? Ce besoin d'exister dans le regard de l'autre, dans la pensée de l'autre, dans l'attente de l'autre ? Des scènes qui plongent dans l'intimité des individus, dans ce qu'ils ont de plus profond, et qui sont néanmoins spectaculaires par leur richesse en image et en sensation. Ce qui fait le plus écho, comme dans CENDRILLON, ce n'est pas tant le sentiment que la capacité à l'exprimer. "L'amour n'existe pas, c'est un concept" dit l'un des personnages à une jeune femme enceinte qui refuse d'avorter et rayonne de bonheur en imaginant son futur avec ce jeune drogué de futur père. Pommerat nous parle d'amour, de désamour, de couple et de solitude, de la douleur d'aimer et d'être, de la difficulté de communiquer. Et malgré la noirceur globale du propos on ne sort pas du spectacle avec un sentiment dépressif, mais avec l'envie de croire que le positif est possible. "Car ce monde croule sous le désamour". A nous spectateur de chercher les raisons de ces failles, de ces ruptures, et peut-être de trouver cette ligne sur laquelle peut se faire cette réunification des êtres.

LA PATTE POMMERAT / SOYER

Chaque metteur en scène a son style, sa patte. Le travail de Pommerat avec son scénographe et éclairagiste Eric SOYER, sans jamais être tout à fait le même à pour caractéristique cette capacité à créer des espaces qui sont comme sculptés par la lumière. Dans ce dispositif bi-frontale qui crée une plus grande proximité entre les comédiens et le public, les jeux de lumière renforcent l'intensité du jeu des comédiens. Les noirs sont très noirs permettant une mise en place invisible des quelques éléments de décor propres à chaque scénette et créant un sentiment de déstabilisation chez le spectateur qui ne sait jamais à quoi s'attendre lorsque la lumière revient. La disposition même qui met face à face un public scindé en deux interpelle sur la fracture des sentiments qui se joue sur la scène, laquelle devient un interstice dans lequel s'engouffre le mal être des différents protagonistes, faisant de ce fait du spectateur un témoin de l'intime.


Et puis il y a la bande son. Car c'est plus qu'un environnement sonore. La musique est omniprésente (et c'est vrai que parfois on aimerait qu'elle se fasse plus discrète). Elle participe à créer l'ambiance, nous emmenant parfois entre rêve et réalité à la limite du fantastique, passant de la clarté des projecteurs à l'ombre inquiétante d'une allée ou d'une route de province ou d'une banlieue où il ne fait pas bon traîner ou bien encore dans l'intimité d'un foyer bourgeois. A noter la touche d’ambiguïté créée par Agnès BERTHON, celui ou celle qui chante, dont les intermèdes musicaux ne manquent pas de saveur. Et si je regrette d'une manière générale l'utilisation des micros cette fois-ci son usage participe par moments à créer une distance nécessaire entre les situations et les spectateurs.


L'ensemble est porté par de formidables comédiens au jeu d'une extrême précision qui nous transmettent avec force tout le dérisoire, le tragique, l'humour noir, le fantastique, l'irréel, l'absurde, le tragique, le sensé ou l'insensé, le désespoir ou l'espoir des situations pour créer au final une sorte de jubilation en opposition avec le pessimisme du texte.

En bref : une plongée au fond de l'âme qui cherche à sonder le besoin d'aimer, le désir d'avoir, la difficulté d'être et de communiquer. Une noirceur sublimée par une scénographie pointue et des comédiens au jeu jubilatoire. Un spectacle comme une ouverture sur les fractures des êtres et les élans contradictoires de la vie et des sentiments. 

Avec : Saadia BENTAÏEB, Agnès BERTHON, Yannick CHOIRAT, Philippe FRECON, Ruth OLAIZOLA, Marie PIEMONTESE, Anne ROTGER, David SIGHICELLI, Maxime TSHIBANGU.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Du 10 Décembre 2014 au 31 janvier 2015
Lien vers la vidéo en cliquant sur la photo ci-dessous



1 Rue André Suares / 14 Boulevard Berthier -75017 Paris
Métro : Porte de Clichy



Vu le 19 décembre 2014 - Ateliers Berthier

CHALLENGE THEATRE 2014 - LECTURE SPECTACLE - LE BLOG D'EIMELLE

Crédit photo : @Elisabeth CAREGGHIO

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