FORMIDABLE ADAPTATION D'UNE HISTOIRE TRAGIQUE
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UN AHURISSANT FAIT DIVERS
16 août 1870. Un petit village de Dordogne. Le jour se lève. Alain de MONEIS quitte sa maison. Elu de la nation il est heureux de se rendre à la fête du village voisin où il pourra présenter à ses amis et connaissances ses plans pour l'assainissement du marais. Il entend bien profiter de ce jour de fête alors qu'il doit rejoindre son bataillon dans 3 jours. Il ne rentrera jamais chez lui. Avant le coucher du soleil il aura été lynché et immolé par la foule.
Comment ce jeune aristocrate apprécié de ses pairs, va-t-il connaître un sort aussi funeste? Comment la foule peut-elle en quelques heures être responsable d'un tel crime ? De ce fait divers monstrueux Jean TEULE a fait un livre dans lequel il
relate avec l'humour noir qui le caractérise, le déroulé incroyable de cette
journée. Le Fouic Théâtre en a fait une adaptation dynamique, qui restitue fidèlement l'univers de l'écrivain.
UNE FRANCE FÉBRILE
Pour tenter de comprendre comment ce massacre rituel a pu arriver, le texte nous restitue parfaitement le contexte historique de cette France en guerre contre la Prusse. Les soldats sont alors choisis au hasard d'un tirage au sort. Tous égaux ? Pas vraiment puisque que les riches peuvent échapper au tirage d'un mauvais numéro en le revendant à un pauvre type qui prendra leur place pour quelques francs. En ce 16 août 1870 les nouvelles du front sont mauvaises, l'armée française enchaînant les défaites. Untel à perdu son fils, telle autre craint pour son frère, son mari, son fiancé.
La construction de la pièce nous dresse un tableau vivant de l'état d'esprit et de la fébrilité qui régnait au sein de cette population frustrée et qui, suite à un malentendu, a conduit à prendre pour bouc émissaire un jeune patriote. Pour une parole sortie de son contexte, mal interprétée, le futur conscrit volontaire est pris pour un traître, un prussien ennemi. Il sera mis à mort sans autre forme de procès par une foule déchaînée que nul ne pourra ou ne voudra arrêter, au sein de laquelle se trouvent ses amis, ses voisins, les membres de sa famille qui l'apostrophaient avec joie et enthousiasme sur la route de la ville.
UNE MISE EN SCÈNE MILLIMÉTRÉE
Pari risqué de porter à la scène une histoire aussi lugubre. Le Fouic Théâtre relève le défi avec brio et a recours à une mise en scène imaginative qui colle complètement à l'humour noir et décalé de Jean TEULE (que j'avais notamment beaucoup apprécié dans "Charly 9"). Une écriture et une mise en scène qui captivent et arrivent même à nous faire rire en utilisant les rouages de l'absurde.
D'un côté de la scène une cuisine des années 1950 aux éléments modulables dont tous les
détails ont été étudiés minutieusement pour être utilisés à un moment ou
un autre de l'histoire. Le décor s'articule, ou plutôt se désarticule au fur et à mesure que progresse l'histoire...et le martyr de l'innocente victime. En dire plus serait gâcher la surprise et l'un des ressort de la réussite de ce spectacle. De l'autre une guitare et
synthé. Au centre un espace vide qui ne le reste pas longtemps.
Ils sont quatre sur scène. Deux musiciens rythment le texte avec des airs très rock, mais aussi plus soft comme une surprenante comptine pour enfants. Un conseil : soyez attentifs aux paroles ! Clotilde MORGIEVE endosse tour à tour tous les personnages féminins de cette histoire, pour la plupart muets par ailleurs hormis lorsqu'elle pousse la chansonnette. Avec sa blondeur et ses airs angéliques elle est l'instrument par lequel passe toute la violence du récit. Une interprétation brillante.
Jean-Christophe DOLLE porte la pièce sur ses épaules (loin d'être frêles). Du fait du principe narratif il est le seul à dire l'histoire, interprétant tous les personnages, les bourreaux comme la victime. Une remarquable performance physique et scénique. Il fait preuve d'une grande énergie et captive l'audience.
SUCCÈS DU OFF 2013
Dans cette
adaptation du texte ciselé de Jean Teulé tout est millimétré : chaque
mot, chaque son, chaque accessoire à sa raison d'être à un moment précis
et rythme le calvaire que va connaître Alain de MONEIS au cours de cet assassinat
collectif. C'est toute l'horreur de l'âme humaine lorsqu'elle se
manifeste au sein d'une foule anonyme, fébrile et apeurée où la moindre
étincelle peut déclencher un brasier. Si bien qu'on finit par ne plus
savoir par quoi, par qui et comment le drame à pris naissance.
Jean-Christophe DOLLE et Clotilde MORGIEVE sont les cofondateurs du Fouic Théâtre. Lorsqu'ils arrivent à Avignon pour présenter leur création dans le Off 2013 ils savent où ils mettent les pieds ayant déjà venus présenter 3 spectacles dans le passée. "Faire Avignon, pour une compagnie peu subventionnée comme la nôtre, est le seul moyen de vendre notre spectacle. Le "Off" est une jungle, certes, mais dont on ne peut pas se passer" dit Jean-Christophe DOLLE dans une interview dans le Monde. Et le succès est immédiatement au rendez-vous. En 5 jours seulement le bouche à oreille se met en place. La Théâtre Alizé qui l'accueille fait salle comble et en trois semaines ce sont environ 300 programmateurs qui se pressent sur ses bancs, ce qui permet au public parisien de venir découvrir cette réussite et de remplir le Théâtre Tristan Bernard. Ne me demandez pas pourquoi je ne l'ai pas vu cet été. L'intuition et la perspective de le voir à Paris ? Je n'aurai pas cette prétention...quoique.
En Bref : Une pépite que je vous invite à découvrir. Faites abstraction de la noirceur de l'histoire pour courir applaudir le travail remarquable du Fouic Théâtre. Au-delà du fait ponctuel c'est un message universel et très actuel qui est délivré. Un spectacle fort.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Ce fait divers est connu sous le nom de l'Affaire de Hautefaye. Parmi les vingt et un accusés de cet assassinat, les quatre principaux responsables ont été condamnés à mort et un autre aux travaux forcés à perpétuité. Plus d'information en cliquant ICI.
Le lien vers l'article paru dans Le Monde le 29/07/2013 en cliquant ICI
C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Théâtre Actuel - 80 rue Guillaume Puy 84000 AVIGNON
Du 5 au 27 juillet 2014 - 12h10 - Durée : 1h25
Théâtre Tristan Bernard (Janvier à avril 2014)
64 rue du Rocher 75008
Paris
Métro Villiers
Tous les soirs du mardi au samedi, horaires en alternance à consulter sur le site du théâtre.
CHALLENGE THÉÂTRE 2014
Mise à jour du 6 juillet 2014
en effet, je serais assez curieuse de découvrir cette pièce!
RépondreSupprimerbonne journée!