dimanche 6 octobre 2013

INVISIBLES

ÉMOUVANTS DESTINS SOLITAIRES

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A LA RENCONTRE DES CHIBANIS

"En quête de son père inconnu, un jeune homme, à la mort de sa mère, va découvrir l'existence cahcé des chibanis ("cheveux blancs" en arabe), travailleurs immigrés venus d'Afrique du Nord, à jamais éloignés du pays natal."

Martin vient de perdre sa mère. De son père il ne sait rien. Sur son lit de mort elle lui confie un coffret, avec pour mission de le porter à un homme, lequel lui permettra de connaître la vérité sur ses origines. Martin va alors rencontrer des hommes que la société à laissé de côté mais dont la solidarité et la générosité vont le toucher et lui permettre de retrouver ses racines.

Photo Philippe DELACROIX

DESTINS SOLITAIRES

Les "INVISIBLES", ce sont ces émigrés retraités que l'on croise sans jamais les voir, ces hommes et ces femmes qui semblent errer dans une sorte de monde à part, hors du temps, hors de l'espace, un monde qui n'appartient qu'à eux car les autres mondes n'ont pas su leur faire leur place. Ils n'appartiennent plus à ce pays, la France, qui les a fait venir pour construire ses immeubles, ses voitures, puiser ses ressources au fond de ses mines, et qui n'a plus besoin d'eux puisqu'ils ne font plus partie de la population dite "active". Ils n'appartiennent plus non plus à ce pays qu'ils ont quitté il y a temps d'années, n'y revenant que quelques semaines par an pour y retrouver une femme (ou un mari) qui a appris à se débrouiller sans eux et des enfants qui ont grandis sans les connaître. Étrangers  ils le sont devenus ici comme là-bas. Alors ils restent plus ou moins volontairement, plutôt "moins" que "plus" d'ailleurs. Car il y a aussi l'administration qui voit en eux les parfaits fraudeurs. Il leur faut multiplier les démarches pour faire reconnaître leurs droits, ne pas résider hors de France plus de 6 mois par an au risque de perdre ces dits droits, cette maigre pension si durement gagnée. Et rester pour continuer à vivre chichement car il faut toujours envoyer l'argent au pays, à la famille. Leur chemin solitaire ils le suivent dans ces foyers Sonacotra aux chambres de 5 m², aux équipements qui se dégradent, où ils côtoient d'autres chibanis. Si une certaine forme de solidarité en née entre eux, ils restent seuls, hantés par les ombres et les souvenirs de leurs conjoints, fantômes qui hantent des fantômes.


Photo Philippe DELACROIX

DES COMÉDIENS BOULEVERSANTS

Pour représenter tous ceux qui coulent leur retraite solitaire dans les banlieues, les "quartiers difficiles", ils sont 5 magnifiques comédiens sur scène. Un groupe soudé avec ses habitudes : les parties de domino ou de carte, les sorties pour aller voir les travaux ou s'aérer au jardin, les maigres courses quotidiennes, les détours par les services de l'administration. Cinq personnalités attachantes, bourrus, affables, optimistes, résignés ils permettent à Nasser DJEMAÏ de mettre en avant les témoignages recueillis auprès de ces laisser-pour-compte.

Avec humour et gravité, sans aucun misérabilisme mais une grande lucidité ils nous présentent avec pudeur et sensibilité cinq visages de ces vies guidées par l'honneur, le respect, la dignité. Ces témoignages sont touchants par ce qu'ils montrent des douleurs enfouies au plus profond de ces êtres solitaires et abandonnés : l'importance de la famille, de la transmission, une certaine acceptation de la fatalité qui les empêchent de vivre comme tout un chacun les joies (et les peines) de la vie de famille (cette fille au mariage de laquelle on ne pourra pas assister, ce fils qui a rompu la communication, cette épouse dont on a vécu éloigné si longtemps qu'être à ses côtés devient une gêne pour l'un comme pour l'autre). Un sens du devoir profondément ancré dans les convictions, ce désir de ne pas décevoir ceux pour qui finalement ils sont partis et qui comptent sur eux pour vivre et survivre. Ils sont beaux, simplement beaux et touchants, et on sort du théâtre en emportant leurs sourires, leur nostalgie, leur malice, leur résignation, leurs espoirs.

Une mention particulière pour David ARRIBE qui interprète le jeune Martin avec une extrême sensibilité, au point qu'il lui faut de longues minutes pour sortir de son personnage à la fin du spectacle. Il est complètement habité par son personnage.

Texte et mise en scène Nasser DJEMAÏ. 
Avec David ARRIBE, Angelo AYBAR, Azzedine BOUAYAD, Azize KABOUCHE, Kader KADA, Lounès TAZAÏRT et la participation de Chantal MUTEL. 

En bref : une vive émotion à partager.

(et si vous aimez "Invisibles" vous aimerez aussi "Illuminations", du 15 au 20 octobre à la Maison des Métallos à Paris - voir mon article de juillet 2013 en cliquant ICI


Photo Philippe DELACROIX

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Théâtre 13 - Jardin
130 A Boulevard Auguste Blanqui - 75013 Paris
Métro : Glacières
Jusqu'au 20 octobre 2013
Mardi, jeudi et samedi à 19h30 - mercredi et vendredi à 20h30 - dimanche à 15h30

Vu le 2 octobre 2013 au Théâtre 13 - Paris

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