LE DÉMONTAGE DES ILLUSIONS
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PORTRAIT D'UNE CERTAINE BOURGEOISIE ITALIENNE
La trilogie de la villégiature raconte en trois épisodes les aventures d'une bourgeoisie prise au piège des apparences, qui tente de rivaliser avec l'aristocratie fortunée, à l'occasion des vacances à la campagne, fut-ce au prix de dettes. Dans "La manie de la villégiature" deux familles se lancent avec fièvre dans les préparatifs. Dans "Les aventures de la villégiature" les amours et les rivalités s'épanouissent dans la douceur de l'oisiveté bucolique tandis que s'évapore la fortune chimérique. Dans "Le retour de la villégiature", à Livourne, la réalité reprend ses droits dans son arbitrage de la raison et des sentiments". Source : site de la Comédie Française
ETRE ET PARAÎTRE
Au travers l'histoire de deux familles c'est la société du paraître qui est décrite. "La préparation de la villégiature" les montre lors de leurs préparatifs. On s'affaire, on s'agite, on hésite. Chez l'une les fonds se raréfient, les fournisseurs attendent leur dû mais on arrive quand même à leur arracher une nouvelle commande. Chez l'autre rien n'est trop beau pour satisfaire la fille de la maison. Dans les deux familles les jeunes filles attendent que leur prétendant se déclarent, les pères et frères s'activent à les satisfaire, sans vouloir entendre la voix de la sagesse.
"Les aventures de la villégiature" voient s'épanouir les intrigues amoureuses. On se reçoit, on dîne, on joue aux cartes, on se promène sous la magnifique lumière de la Toscane. Une certaine indolence règne. De là à en oublier les soucis du quotidien que l'on a laissé à Livourne...
Mais c'est déjà "le retour de la villégiature" un peu précipité, et le retour à la réalité. Les créanciers ne veulent plus attendre et ce sont les valets qui sont emprisonnés pour réparer l'attitude insouciante et dépensière de leurs maîtres. Quand à l'amour, il a du mal à se faire entendre et la raison l'emportera.
Ces familles bourgeoises vivent sur les apparences et veulent rivaliser avec la noblesse. A vouloir vivre au dessus de ses moyens pour paraître, faire comme les autres, bref ne surtout pas être mis au ban de la bonne société, on finit pas se perdre et par être rattrapé par la réalité.
"Il faut diminuer le nombre de domestiques, baisser leurs salaires, mais on ne touche pas à la villégiature" déclare la coquette Vittoria qui, lors des préparatifs, n'a qu'un seul objectif : avoir cette robe à la mode, ce "mariage", avant les autres, quand son frère ne lui parle que d'économies.
Le tout sans aucune forme de contrôle : on emprunte à l'un pour rembourser l'autre, de la grande cavalerie. Jusqu'au jour où le système lâche et où le dérèglement général ne parvient plus à maîtriser les failles. Les petits paient les pots cassés mais les grands trouvent une pirouette pour relancer la machine. Ici c'est le devoir et le mariage de raison qui permettront de faire s'éloigner l'orage.
Laurent STOCKER est remarquable dans le rôle de Léonardo. Tour à tour joyeux ou triste, énergique ou désabusé, il donne à son personnage une énergie et une présence qui sont un régal.
Danièle LEBRUN est irrésistible dans le rôle de la veuve. son personnage désinhibé est savoureux et une leçon pour les jeunes comédiennes de la troupe.
Guillaume GALLIENE est tout en retenu et parfait dans le rôle de Guglielmo, l'amoureux éconduit. Un jeu juste et d'une extrême sensibilité.
Que dire d'Eric RUF sinon que ses trop rares apparitions (à mon goût) me fonts fondre à chaque fois que j'entends sa voix. Et toujours cette prestance et cette présence !
Hervé PIERRE est le délicieux père de Giacinta. Personnage débonnaire il est magnifique de lâcheté face à sa fille. Désabusé et ne se faisant aucune illusion sur le cours des choses, il est très touchant.
Anne KESSLER d'abord agaçante se coule finalement parfaitement dans la peau de Vittoria, jeune femme frivole et artificielle.
Autour d'eux l'ensemble de la troupe nous font passer un très beau moment et les 4h30 (avec entracte) défilent avec légèreté.
Je publie cette critique trop tard pour permettre à ceux qui me lisent d'aller applaudir ce superbe spectacle, qui plus est déjà une reprise, mais ne peux que vous encourager à réserver vos places si l'occasion de présente à nouveau.
J'aime le théâtre de Goldoni car il est vif, dynamique, chantant comme l'Italie, grave sous des apparences de légèreté, riche d'intrigues. Il est le reflet d'une société dont on comprend à quel point Goldoni aimait l'observer tant il l'a transcrite avec réalisme dans ses pièces. C'est d'ailleurs ce réalisme qui lui était reproché par ses contemporains. Ces désaccords et ce rejet le menèrent en exil en France en 1762. Il prendra la direction du Théâtre-Italien et mourra à Paris en 1793.
En bref : quel beau, très beau moment de théâtre. Un régal sur tous les plans
"Les aventures de la villégiature" voient s'épanouir les intrigues amoureuses. On se reçoit, on dîne, on joue aux cartes, on se promène sous la magnifique lumière de la Toscane. Une certaine indolence règne. De là à en oublier les soucis du quotidien que l'on a laissé à Livourne...
Mais c'est déjà "le retour de la villégiature" un peu précipité, et le retour à la réalité. Les créanciers ne veulent plus attendre et ce sont les valets qui sont emprisonnés pour réparer l'attitude insouciante et dépensière de leurs maîtres. Quand à l'amour, il a du mal à se faire entendre et la raison l'emportera.
PETITE LEÇON D'ÉCONOMIE LIBÉRALE
Est-ce à cause des de cette crise dont j'entends parler depuis tant d'année (celle qui a commencé avec l'OPEP et le choc pétrolier, bien avant la chute de Lehman Brothers) que le propos de GOLDONI dans cette trilogie m'a paru si moderne ?Ces familles bourgeoises vivent sur les apparences et veulent rivaliser avec la noblesse. A vouloir vivre au dessus de ses moyens pour paraître, faire comme les autres, bref ne surtout pas être mis au ban de la bonne société, on finit pas se perdre et par être rattrapé par la réalité.
"Il faut diminuer le nombre de domestiques, baisser leurs salaires, mais on ne touche pas à la villégiature" déclare la coquette Vittoria qui, lors des préparatifs, n'a qu'un seul objectif : avoir cette robe à la mode, ce "mariage", avant les autres, quand son frère ne lui parle que d'économies.
Le tout sans aucune forme de contrôle : on emprunte à l'un pour rembourser l'autre, de la grande cavalerie. Jusqu'au jour où le système lâche et où le dérèglement général ne parvient plus à maîtriser les failles. Les petits paient les pots cassés mais les grands trouvent une pirouette pour relancer la machine. Ici c'est le devoir et le mariage de raison qui permettront de faire s'éloigner l'orage.
Mais cette trilogie est avant tout une comédie qui se moque du luxe et du paraître, mais sans à aucun moment tomber dans la facilité de la caricature.
DU GRAND ET BEAU THÉÂTRE
La mise en scène d'Alain FRANCON, les costumes des ateliers de la Comédie Française et la mise en lumière de Joël HOURBEIGT transcrivent avec brio l'atmosphère de cet Italie du 18ème siècle et la lumière de la Toscane en été. L'intérieur des maisons bourgeoises de Livourne est représenté avec ingéniosité, le déplacement de quelques degrés des éléments du décor permettant de passer de l'une à l'autre. La deuxième pièce se situe sur une terrasse dominant la campagne toscane. Les jeux de lumière nous plongent avec délice dans cette luminosité changeante du jour, si douce et si apaisante. Quant à la troisième partie, le décor et les costumes se font sombres comme la réalité et la crise qui rattrapent les protagonistes.DISTRIBUTION ÉCLATANTE
Georgia SCIALLETT dans le rôle de Giacinta porte la pièce sur ses épaules. Je ne suis pas très fan de son ton monocorde et si j'avoue n'avoir pas apprécié sa prestation dans le rôle de Cressida l'année dernière, je dois reconnaître que son jeu m'a moins agacée cette fois-ci. Son jeu reste très inégal, mais ce ton que beaucoup comme moi lui reproche s'accorde pour une fois assez bien avec le personnage et par moment elle parvient même à être touchante.Laurent STOCKER est remarquable dans le rôle de Léonardo. Tour à tour joyeux ou triste, énergique ou désabusé, il donne à son personnage une énergie et une présence qui sont un régal.
Danièle LEBRUN est irrésistible dans le rôle de la veuve. son personnage désinhibé est savoureux et une leçon pour les jeunes comédiennes de la troupe.
Guillaume GALLIENE est tout en retenu et parfait dans le rôle de Guglielmo, l'amoureux éconduit. Un jeu juste et d'une extrême sensibilité.
Que dire d'Eric RUF sinon que ses trop rares apparitions (à mon goût) me fonts fondre à chaque fois que j'entends sa voix. Et toujours cette prestance et cette présence !
Hervé PIERRE est le délicieux père de Giacinta. Personnage débonnaire il est magnifique de lâcheté face à sa fille. Désabusé et ne se faisant aucune illusion sur le cours des choses, il est très touchant.
Anne KESSLER d'abord agaçante se coule finalement parfaitement dans la peau de Vittoria, jeune femme frivole et artificielle.
Autour d'eux l'ensemble de la troupe nous font passer un très beau moment et les 4h30 (avec entracte) défilent avec légèreté.
Je publie cette critique trop tard pour permettre à ceux qui me lisent d'aller applaudir ce superbe spectacle, qui plus est déjà une reprise, mais ne peux que vous encourager à réserver vos places si l'occasion de présente à nouveau.
CARLO GOLDONI (1707-1793)
Souvent décrit comme le Molière Italien, Carlo Goldoni a déjà produit plus de la moitié de ses comédies lorsqu'il présente "La Trilogie de la Villégiature" en 1761. Ayant commencé par écrire des tragédies il réalise rapidement, la critique aidant, que sa véritable voie est celle de la comédie. Avocat il s'installe à Venise, travaille avec VIVALDI, renonce définitivement au port de la robe et se consacre à l'écriture, renouvelant ainsi le théâtre italien qui oscille alors entre dramaturgie et comedia dell'arte.J'aime le théâtre de Goldoni car il est vif, dynamique, chantant comme l'Italie, grave sous des apparences de légèreté, riche d'intrigues. Il est le reflet d'une société dont on comprend à quel point Goldoni aimait l'observer tant il l'a transcrite avec réalisme dans ses pièces. C'est d'ailleurs ce réalisme qui lui était reproché par ses contemporains. Ces désaccords et ce rejet le menèrent en exil en France en 1762. Il prendra la direction du Théâtre-Italien et mourra à Paris en 1793.
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