UN LAC DES CYGNES BOULEVERSANT
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LE CLASSIQUE DES CLASSIQUES
Deux "Swan Lake" à l'affiche à Paris cet automne : celui de Dada Masilo au Théâtre du Rond Point (du 10 septembre au 6 octobre 2013) et celui de Frederik Rydman au Casino de Paris à (du 1er au 13 octobre 2013). C'est le premier que j'ai choisi parce que je l'avais repéré trop tard lors de son passage au Musée du Quai Branly au printemps 2013.
"Le lac des Cygnes" est le ballet classique par excellence, en témoigne le nombre de représentations qui en sont données, notamment en fin d'année sur les scènes parisiennes ou de province, par moult troupes russes de qualité très variable, sans parler des adaptations cinéma dont le récent et magnifique "Black Swan" de Daren Aronovski avec Nathalie PORTMAN.
Mais revenons au ballet de Tchaïkovski. Tout le monde connait l'histoire mais pour ceux qui l'auraient un peu oublié, un bref rappel : alors qu'il fête sa majorité le Prince Siegfried apprend pas sa mère qu'il doit dès le lendemain se choisir une épouse. Dans la nuit par dépit d'être privé de choix il part chasser des cygnes et rencontre Odette, une belle jeune femme dont il tombe amoureux. Celle-ci est sous l'emprise d'un sortilège qui fait d'elle un cygne le jour et une femme la nuit. Pour briser le sort Siegfried doit impérativement épouser Odette (le Cygne blanc). Le lendemain, lors du bal des prétendantes, le Prince découvre Odile (le Cygne noir), sosie d'Odette et fille du sorcier qui a ensorcelé la jeune femme. Le Prince croit être en présence de son aimée et annonce son futur mariage. Le jour des noces apparaît la véritable Odette et le Prince comprenant son erreur et de son impact sur celle qu'il aime. Il court vers le lac de cygnes et....plusieurs fins sont possibles selon le choix du metteur en scène.
LOIN, TRES LOIN DU ROMANTISME
C'est une version iconoclaste, chorégraphiée et dansée par Dada Masilo et sa troupe, que Jean-Michel RIBES a inscrit à la programmation du Théâtre du Rond Point où il est rare de voir de la danse. Mais ce choix qui peut paraître surprenant s'inscrit pleinement dans la politique culturelle de cette scène. En effet, Dada Masilo s'empare de l'œuvre de Tchaïkovski pour en faire un ballet à la fois festif et grave. Elle casse les codes de la danse classique et fait de l'histoire du Prince Siegfried un argument politique qui brise les tabous de la société sud africaine.
C'est la gaieté, la joie, la fête qui dominent les deux tiers du spectacle. Avec beaucoup d'humour le spectacle commence par une évocation caricaturale du Lac des Cygnes. Dans un texte dit en anglais sans surtitre la Reine présente les grandes lignes du ballet (si vous ne maîtrisez pas la langue de Shakespeare prenez le temps de lire le programme distribué à l'entrée de la salle, le texte intégral y est traduit en français). Le texte est drôle, subtil, moqueur, tout comme la chorégraphie qui l'illustre en arrière plan.
Mais rapidement le propos politique est abordé lorsqu'il apparaît que l'Odette de ce Siegfried est un jeune homme d'une beauté et d'une sensualité rares. Dès lors ce sont l'homophobie, le mariage forcé, l'intolérance, les ravages du sida, les réalités sociales et culturelles d'un pays qui sont mis en avant et démontés avec force. On est loin, très loin de la vision romantique traditionnelle.
Sur scène douze danseurs à la peau d'ébène hypnotisent le public dès les premiers pas d'une danse fougueuse qui mêle avec brio danse classique et danse africaine. Dans de scintillants tutus blancs et gris (qui se transformeront en jupes noires) et coiffés de leurs crêtes blanches ils rivalisent de virtuosité, de technique, de souplesse pour nous emporter dans un tourbillon joyeux avant le dernier tableau d'une rare intensité dramatique.
ETOILE MONTANTE DE LA DANSE
Originaire d'Afrique du Sud, Dada MASILO est décrite comme l'étoile montante de son pays. Elle se fait connaître notamment à partir de 2008 avec ses relectures des ballets classiques, d'abord "Roméo & Juliette" puis "Carmen". Ses spectacles ont depuis fait le tour du monde et les connaisseurs de l’hexagone ont pu l'applaudir en 2012 à la Biennale de la Danse de Lyon, au printemps 2013 au Musée du Quai Branly à Paris ou au Festival Vaison Danses en juillet dernier.
Sa biographie dit qu'elle avait onze ans lorsqu'elle est tombée amoureuse du Lac des Cygnes. Elle s'était alors promis d'en créer sa version personnelle. A seulement 25 ans, c'est chose faite avec ce "Swan Lake" qui marie avec succès la fluidité de la danse classique et l'énergie de la danse africaine tout en portant un message politique très fort.
(interview et reportage - en anglais - de Dada MASILO en cliquant ICI - notamment pour le passage où elle parle de l'antagonisme que représente le mouvement dans la danse classique et la danse africaine).
En bref : Un des must de la rentrée parisienne, pour sa beauté, sa sensualité, la force de son propos et l'émotion qu'il véhicule. Courrez, volez, posez une journée de congés, faîtes comme vous pouvez, mais ne ratez pas ce magnifique "Swan Lake".
C'EST OU? C'EST QUAND ?
du 10 septembre au 6 octobre 2013.
Du mardi au samedi à 18h30, le dimanche à 15h.
Tarifs : de 13 à 38€.
Réservations : 01 44 95 98 21
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