DE LA PUISSANCE DE LA FICTION
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Tiago Rodrigues aime la littérature, les mots, l'amour. Après "Antoine et Cléopâtre", "Bovary" et "Sopro" il propose au collectif néerlandais du TG Stan de mettre en scène une libre adaptation d'Anna Karénine de Léon Tolstoi. Un rencontre qui porte au plus haut la puissance de l'oeuvre de l'auteur russe.
UNE LONGUE COLLABORATION
C'est la première fois que Tiago Rodrigues écrit pour le TG Stan, même si "The way she dies" n'est pas leur première collaboration. Un travail collectif autour du thème de la puissance de la fiction. Le spectacle met en scène deux couples à deux époques différentes. Un livre fait le lien entre les deux : une vieille édition d'Anna Karénine. "Le seul héritage que tu m'as laissé a été ce livre, la seule chose qui m'appartient véritablement pèse 490 grammes". Ce n'est rien 490 grammes. Et pourtant c'est tout pour ces deux couples. Pour l'un il sert de support pour apprendre le français. Pour l'autre il est l'outil qui devrait apporter toutes les réponses à la crise que traverse le couple.
A quelques dizaines d'années d'intervalle les deux couples vivent la même dilution de leur amour. Comme Anna Karénine l'aveu à l'époux de l'infidélité de l'épouse va les plonger dans un tourbillon d'interrogations. La force de Tiago Rodrigues et de son écriture, celle du jeu des comédiens du TG Stan, c'est de mettre en exergue toute la puissance de la fiction. Ils nous parlent de désir, de besoin d'être désiré(e), de liberté, de conventions sociales, de transmission. Ils nous amène à regarder l'importance de la traduction, la façon dont chacun interprète les mots. Ils démontrent avec talent comment le roman vient se cogner à la vie quotidienne, à moins que ce ne soit le contraire.
L’UNIVERSALITÉ DE LA LITTÉRATURE
L'amour de la littérature et des mots porte cette puissance. Un livre qui passe de main en main. Des listes de sensations ou d'absence de sensation. Des pages qui s'envolent et se répandent au sol. Une langue universelle qui ricoche sur les êtres. Des langues qui se font échos, que se répondent, malgré leurs différences. Les comédiens s'expriment en français, en portugais, en néerlandais, et contrairement à la tour de Babel ils se comprennent et nous, spectateurs, comprenons tout. Tiago Rodrigues tente de semer le trouble, mais les pièces du puzzle se mettent clairement en place et on sort apaisé malgré le tragique destin d'Anna Karénine.
Les quatre comédien.ne.s sont tout simplement remarquables. Jolente De Keersmaeker, Isabel Abreu, Pedro Gil et Franck Vercruyssen déroulent les émotions, les questionnements de ces deux couples portugais et flamand qui vivent chacun à leur façon les affres de la passion, du désir, et nous jouent la mort d'Anna Karénine pour en livrer toute la poésie tragique.
Nul besoin de décor somptueux. Quelques accessoires, un plateau dépouillé où les changements de costume se font à vue, une lumière qui pointe l'essentiel. Le texte, résultat d'une écriture de plateau et de la collaboration d'artistes qui ont une longue habitude de travail en commun, a toute la force de Tolstoï et la beauté de l'écriture de Tiago Rodrigues.
En bref : quand autant de talents se retrouvent réunis autour d'un même amour d'un texte le bonheur est total pour le spectateur. Tiago Rodrigues et le TG Stan nous font le cadeau d'une adaptation qui sublime la puissance de la fiction. Un spectacle intense et poétique.
The way she dies, texte de Tiago Rodrigues librement adapté d'Anna Karénine de Léon Tolstoï, spectacles créé par Isabel Abreu, Pedro Gil, Jolente de Keersmaecker, Tiago Rodrigues et Franck Vercruyssen, avec Isable Abreu, Pedro Gil, Jolente de Keersmaecker et Franck Vercruyssen, scénographie et lumières Thomas Walgrave, costumes An d'Huyset Britt Angé, traductions Thomas Resendes etMartine Bom.
C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Festival d'Automne
Théâtre de la Bastille
76 Rue de la Roquette 75011 Paris
Du 11 septembre au 6 octobre 2019
Crédit photo @Felipe Ferreira
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