VASTE ENTREPRISE DE DÉLIRE QUESTIONNANT
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Il y a 5 ans le groupe LA gALERIE débarquait sur les scènes bourguignonnes et au-delà avec "Vivipares, brève histoire de l'humanité". Autour de l'écriture de Céline Champinot une troupe unisexe qui déroule son univers déjanté. Ça secoue dans le lanterneau. Les voilà de retour avec "La Bible, vaste entreprise de colonisation d'une planète habitable". Un titre qui donne le ton. 5 comédiennes qui font d'un texte on ne peut plus ancien une épopée intergalactique. Foisonnant, questionnant, délirant, énergisant.
"AU COMMENCEMENT SERAIT LE VERBE"
Ça commence fort : tandis que le public s'installe l'une des comédiennes est juchée sur la plateforme d'un mat, telle le matelots surveillant l'horizon. Emmitouflée d'un grand tissu, casque et lampe torche sur la tête, souriante, énigmatique et en équilibre bien que stable. Le mat est l'un des éléments posés dans ce décor de gymnase. On y voit aussi une chaise d'arbitre central de tennis, un grand filet, un tas d'objets hétéroclites. Quatre scouts entrent en scène et commencent à déclamer la genèse. Enfin pas tout à fait. Cette première partie est une adresse au ciel où à celui qui est censé s'y trouver. Dès cette entame on remarque le soin que cette compagnie porte au texte, à la diction. Tout au long du spectacle c'est cinq là nous livrent une formidable performance vocale.
Car pour elles "la langue est particulièrement musicale". En cinq parties qui s'articulent autour de la Bible (genèse, humanité, exode, Jericho, dernier jugement) elles dressent le portrait d'une humanité à la dérive qui tel Attila détruit tout sur son passage, sur Terre ou au-delà. Entre récit et chant chorale elles déroulent avec une énergie communicative cinq tableaux et une vision déjantée de l'évolution de l'humanité. D'un mot on passe de la genèse à Shanghai au 20e siècle, de la création du monde à une ville survoltée, du rien au trop-plein, du jardin d'Eden à un vaisseau intergalactique. Ces 5 scouts sortant du catéchisme sont en colère contre ce grand absent au-dessus qui a laissé les êtres humains jouer au petit chef qui dispose de la nature selon son bon vouloir sans se soucier de demain.
DÉJANTÉ ET POÉTIQUE
Ce sont Richard (Coeur de Lion), Philip (Dick) David, Sara et Pharaon qui sont conviés pour nous emportent dans ce voyage poétique et décalé. Entre Monty Python, science-fiction, mythologie, moyen-âge et esprit tribal Céline Champinot nous divertit tout en nous poussant à réfléchir sur notre environnement, notre vision du monde, de la politique. Plaçant ses personnages non genrés dans un espace résolument ludique, fait de bric et de broc ou chaque objet fait sens, multipliant les références à notre société consommatrice, destructrice, égoïste ("Djiboui: émigrez ou dégénérez", mention de Dolly, la première brebis clonée, les murs de Jericho qui se dressent partout sur la terre, réels ou virtuels,etc), elle joue avec nos esprits.
L'une des marques de fabrique de ce collectif (que je découvrais) semble être le foisonnement. Il se manifeste dans l'incroyable énergie de ses comédiennes, l'inventivité dans les accessoires et costumes, la densité du texte (parfois un peu trop). Sur son site la compagnie décrit ainsi le travail de Céline Champinot : "Ses pièces de théâtre sont les récits d'une humanité pop qui naît et meurt plusieurs fois, à l'image des histoires de genèse et d'apocalypse qu'il appartient à tout temps de réveiller et de répéter". On ne saurait mieux décrire ce spectacle.
"Et je crie "Une bouteille pour Jericho"
Que soient rendues nos âmes au chaos"
En bref : embarquez à bord de cet OTNI pour un voyage décapant, déroutant, énergisant, vivifiant. Un univers déjanté, foisonnant et poétique qui nous emporte dans un tourbillon salutaire.
La Bible, vaste entreprise de colonisation d'une planète habitable, texte et mise en scène Céline Champinot / groupe LA gALERIE, avec Maëva Husband, Elise Marie, Sabine Moindrot, Claire Rappin, Adrienne Winling, dramaturgie et chorégraphie Céline Cartillier, scénographie Emilie Roy, stagiaire scénographie Héloïse Dravigney, lumières Claire Gondrexon, costumes Les Céline, confection costumes Louise Lafoscade, musique Céline Chapinot et Eve Risser, régie générale Géraud Breton, construction Géraud Breton et François Douriaux
C'EST OU ? C'EST QUAND ?
76 Rue de la Roquette 75011 Paris
Du 20 novembre au 8 décembre 2018
Vu novembre 2018 - Théâtre de la Bastille Paris
Crédit photo @Céline Champinot
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