Le destin d'une jeune femme de son temps, qui se destinait à être avocate et que l'histoire de son pays transforme en héroïne de la résistance kurde. Un texte fort porté avec fouge et détermination par une extraordinaire jeune comédienne.
UNE JEUNESSE PERDUE
Rehana aime Beyoncé, les livres, l'école, ses amies. Elle sera avocate. Hors de question de reprendre la ferme et de suivre les pas de son père qu'elle adore. Mais la vie en a décidé autrement. Son village est à une trentaine de kilomètres de Kobané. Cette ville deviendra une place forte de Daesh. C'est alors la fuite avec sa mère. Mais elle ne supporte pas l'idée d'abandonner son père. Pour le retrouver elle repasse de l'autre côté de la ligne de front. Elle reviendra à Kobané et malgré elle deviendra une héroïne de la résistance kurde.
La jeune Lina El Arabi (tout juste 21 ans) porte ce récit avec force, hargne, rage, ferveur. Sa voix est puissante, rugueuse et âpre comme l'énergie que met Rehana à lutter, contre les forces ennemies. Ennemies de son pays, ennemies de sa communauté, ennemies des femmes. "Mon ange" comme l'appelle son père va se brûler les ailes dans cette plongée progressive dans le conflit, au cœur de l'horreur. Le ton est grave. L'ambiance est sombre. La mise en lumière, les sons (parfois un peu trop fort), le texte nous plongent au cœur des combats. Combat externe et combat interne de cette jeune vie qui se perd dans les ravages de la guerre. "A chaque fois que je tue je meurs un peu".
BOULEVERSANTE INCARNATION
La scénographie est un nuage de plume qui se fait arbre rédempteur, camp de réfugiés, bunker, cour d'école, champ de bataille. Sur cette scène en clair-obscur, avec un extraordinaire travail de lumière, le spectateur cherche la jeune femme, la suit dans cette obscurité prenante. Son et lumière nous entourent tandis que Lina El Arabi capture et captive notre attention. Les mains crispées jamais elle ne décolère, jamais elle ne lâche prise, même lorsqu'une rare plaisanterie voudrait donner une respiration. Dans un seule en scène d'une rare intensité la comédienne éblouie. Pas de temps mort. Le rythme est soutenu, les personnages se succèdent, dialoguent, un mouvement du corps, une modulation dans la voix faisant passer Lina El Arabi de l'un à l'autre. Le spectateur est tendu comme la comédienne dans un spectacle intense, grave et magnifique. On sort du théâtre bouleversé, terrassé par notre impuissance collective et individuelle face à cette évocation puissante de la fin d'un monde, rappel de la triste universalité de cette humanité qui se déchire. Dans ce chaos Mon ange devient un symbole universel de résistance qui fait écho dans le coeur des hommes et des femmes bien au-delà de Kobané.
En bref : un seule en scène grave et intense, bouleversant. Lina El Arabi incarne avec énergie, colère et magnificence le destin d'un jeune combattante kurde en Syrie. Un spectacle essentiel.
Mon Ange de Henry Naylor, traduction de Adelaïde Pralon, mise en scène Jérémie Lippmann assisté de Capucine Delaby, avec Lina El Arabi, décor Jacques Gabel, Costumes Colombe Lauriot-Prevost, lumières Joël Hourbeigt, Musique originale Adrien Lollocou
Angel est le troisième volet de la trilogie Cauchemars d'Orient. Le texte est disponible aux Editions Avant-Scène Théâtre - Renaud&Richardson
Théâtre Tristan Bernard
64 Rue du rocher 75008 Paris
du mardi au samedi 21h
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