lundi 18 juillet 2016

JE (se terre)

DE LA DÉSHUMANISATION DE L'ENFANCE

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COLONIE PÉNITENTIAIRE = BAGNE POUR ENFANT

L'exercice de la justice, dans quelque pays que ce soit et quel que soit le régime politique est aussi l'expression de l'état d'esprit d'une société. En 2016 se souvient-on que jusqu'aux années 1960 il existait des dizaines de "colonies pénitentiaires", véritables bagnes pour enfants. Celui de Belle Ile en Mer avait la réputation d'être l'un des plus sévères. Nul besoin d'avoir commis un crime pour y être envoyé. Il suffisait d'avoir commis un petit larcin ou simplement, merci à notre Code Napoléon, d'une décision du père de famille pour dresser un enfant récalcitrant. L'enfant qui y était emprisonné pouvait y rester 2 ans maximum, mais pas au-delà de ses 21 ans, pour autant qu'il survive aux sévices et brimades quotidiennes.


LA RÉVOLTE DE 1934

Août 1934. Parce que l'injustice des sévices subis par l'un d'entre eux est ce jour-là plus insupportable que les précédentes, les enfants de Belle Île se révoltent, font tomber le mur d'enceinte et s'évadent. Une chasse à l'homme est organisée sur l'île. Une récompense de 20 francs par enfant retrouvé est offerte aux îliens. Tous seront retrouvés. Tous sauf un. C'est lui que nous côtoyons dans ce spectacle à la forme atypique. Ce fait divers inspira deux films et un poème : "la chasse à l'enfant" de Jacques PREVERT.

DANS LA TETE DU FUGITIF

C'est dans une annexe de La Manufacture, une salle / appartement près des remparts, qu'est donné le spectacle. Nous entrons dans la pénombre. Une quinzaine de chaises réparties en carré, près des murs et tournant le dos à la scène. Le noir se fait. Le son de la guitare de Stéphane KERIHUEL s'élève. Musique envoûtante qui emplit la salle instaurant une atmosphère poétique en plein accord avec le texte de Benoit SCHWARTZ. Ce dernier nous plonge dans les pensées de l'enfant en fuite. JE. Ce JE qui, en s'évadant de la colonie pénitentiaire qui l'a dépouillé de son moi, de son identité, de sa personnalité, de son être profond, se retrouve, se souvient, se révèle, connait enfin la liberté suprême de décider de sa vie.

La langue de Benoit SCHWARTZ est poétique, troublante, en harmonie avec la création musicale qui l'accompagne. Par la mise en scène de Cécile MANGIN met le spectateur en immersion totale. La voix du comédien se déplace. L'esprit de JE frôle les spectateurs. La configuration de la salle ne permettait pas le noir complet, ce que j'ai personnellement regretté. Néanmoins la configuration du spectacle permet à chacun de vivre sa propre expérience, plus ou moins intenseLe noir est le domaine de l'imaginaire. Si parfois l'esprit s'évade, JE nous rappelle à lui et fait naître des émotions fortes.

En bref : une forme théâtrale atypique qui mérite d'être découverte pour la beauté et la poésie du texte et de l'univers musical. Un spectacle qui met le spectateur en immersion totale.


C'EST OU ? C'EST QUAND ?
La Manufacture
Rdv 82 Rue du Rempart Saint Lazare
du 12 au 24 juillet 2016 - 11h et 12h45 - Durée : 1h

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