lundi 21 septembre 2015

BATTLEFIELD

LE THÉÂTRE A L'ETAT PUR
****


Il y a 30 ans Peter BROOK triomphait à Avignon avec son spectacle fleuve de 9h mettant en scène le MAHABHARAT, long poème indien comptant la guerre entre deux branches d'une même famille. Alors que l'actualité résonne chaque jour plus fort des bruits de guerre en Syrie, au Moyen-Orient et en Afrique le dramaturge reprend un extrait de ce spectacle dans son beau théâtre des Bouffes du Nord.

Le MAHABHARAT raconte la guerre fratricide entre les cinq frères PADAVAS et leurs cousins les cent frères KAURAVAS. BATTLEFIELD commence alors que la guerre vient de se terminer. Les corps de millions de morts jonchent le champ de bataille. Les PADAVAS ont gagné. YUDISHTIRA, le frère aîné, va devoir apprendre à régner sur ce qui reste de ce monde anéanti par la fureur des hommes. Comment gérer la paix lorsque la victoire a le goût si amer de la défaite. Avec l'aide de sa mère et de son oncle, le vieux roi aveugle DRITARASHTRA qui vient de voir mourir ses 100 fils, il va devoir tirer les leçons du passé, faire face à la réalité et prendre ses responsabilités.

On retrouve dans ce court extrait du poème fleuve toute la pureté du théâtre de Peter BROOK. Le texte réduit à une extrême simplicité, fluide, limpide. Il distille par la voix de ses 4 comédiens la sagesse de la culture indienne. La qualité de la diction et la limpidité du texte trouvent écho en chacun et permettent à l'imagination de se mettre en action, générant les images avec facilité et intensité. La poésie du texte millénaire s'écoule lentement et s'illustre par des fables animalières confrontant le jeune roi à la destinée, à la mort, à la justice, aux grands principes qui doivent désormais guider sa vie pour faire de son règne une victoire pour les survivants, un socle pour une nouvelle humanité.

Le quatuor formé par Carole KAREMERA, Jared McNEILL, Ery  MZARAMBA et Sean O'CALLAGHAN excelle dans la précision, la justesse, le rythme, la capacité d'évocation. Dans un coin à droite en avant-scène le tambour de Toshi TSUCHITORI entoure leur prestation d'une atmosphère onirique.

Photograph: Simon Annand

Alors qu'il y a quelques jours à quelques dizaines de mètres de ce théâtre on évacuait par la force les migrants (nouveau nom donnés à ceux qui ont quitté leur terre et leur famille chassés par la guerre politique ou économique), le texte choisi par Peter BROOK et Marie-Hélène ESTIENNE trouve un écho particulier.

Et pourtant, malgré toute cette beauté brute, sur cette scène épurée, avec pour seuls accessoires de longs châles ou manteaux noirs, bruns, rouge ou jaune, malgré toutes les bonnes intentions qui animent le propos, malgré l'empathie naturelle d'un public entièrement acquis, une partie du charme ne passe pas.

Un grand et beau moment de théâtre, une parole fluide pour porter un message de sagesse dans une période trouble, mais une pureté extrême qui finit par nuire à l'émotion qui ne se révèle pas aussi intense que celle que l'on attendait. 

Crédit photo © Bertrand Guay / AFP


Pourtant ce texte est tellement d'actualité comme le dit Peter BROOK : 

"Les dix huit volumes de l’œuvre ont été écrits comme une leçon donnée à un jeune prince qui va devenir roi pour qu’il comprenne tout ce qu’il doit connaître pour être réellement digne de cette responsabilité. On aimerait bien que tous les Présidents, Premiers Ministres, Généraux, tous ceux qui ont du pouvoir et de la responsabilité puissent rentrer ensemble dans ces questions. Alors oui le Mahabharata c’est pour eux autant que pour nous !"


A VOIR ET A ENTENDRE PAR TOUS ET PARTOUT


Reste néanmoins un moment de poésie qui fait regretter de n'avoir pas eu la chance de voir le MAHABHARATA dans son intégralité lors de sa création.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Rue de la Chapelle 78018 Paris
Métro : La Chapelle

Du 15/09 au 17/10 - 20h30 - Durée : 1h10

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire