PORTRAIT D'UNE JEUNESSE A LA DERIVE
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Le plateau est jonché de vêtements disposés avec soin. Pas un centimètre de la scène qui ne soit recouvert. Entrent cinq jeunes : trois femmes, deux hommes. Ils ont la trentaine. Chacun son tour va se présenter, se définir par ses goûts culturels, gastronomiques, son style vestimentaire, ce qu'il ferait s'il ou elle avait 5.000 $ à dépenser dans les prochaines 24h. Puis des listes de films vus, de livres lus, de séries télé regardées. Et arrive la première rupture. Quatre d'entre entre changent de tenue, miment une brève danse / agitation, reviennent à leur tenue de départ. Illustré par des photos qui défilent sur l'écran ils commencent à parler de la soirée de la veille, d'il y a deux jours, (déjà deux jours), d'il y a une semaine, (déjà une semaine), d'il y a deux ans.
Ils sont jeunes, beaux insouciants. La vie leur sourit. Ils sont riches d'amis, de joie de vivre, de talent. Le temps passe rythmé par le souvenir régulier de cette soirée, au cours de laquelle chacun a croisé la belle Camille BRUNELLE. L'une d'entre n'était pas à la soirée. Alors que les autres commencent à évoquer cette merveilleuse soirée elle va donner le premier coup qui va briser cette image de jeunesse dorée. Sur l'écran les photos sont commentées en live.
Progressivement les vêtements sont écartés du plateau tandis que chacun va se livrer un peu plus à chaque fois que revient l'évocation de la soirée, comme des couches de peau pelées une à une pour ne plus laisser que les chairs à vif. La soirée de rêve tourne au cauchemar. N'était-elle que cela : un rêve, une apparence de bonheur, l'illustration du paraître. Cette fête n'était-elle qu'une fuite, un refuge pour ces jeunes adultes dans une société qui ne ferai pas de place à ce qui ne serait pas parfaitement lisse et dans la norme établie, une société où il n'y a aucune place pour la fragilité ?
Cinq façon de raconter cette soirée, comme autant de visages d'une même personne, autant de point de vue, autant de vérités. Et cinq voix pour exprimer un seul malaise, un seul mal-être dans une société où pour exister il faut continuellement s'exposer, partager en temps réel sur les réseaux sociaux. Chaque phrase commence par "MOI" : "Moi je.. Moi je... Moi je... Moi j'ai... Moi j'ai...Moi avec... Moi faisant... Moi, moi, moi...". Cinq visages comme autant de Moi démultipliés, définition de l'identité d'une jeunesse qui ne vit que par l'image, celle que l'on partage, celle que la communauté renvoie.
Si le thème abordé par Guillaume CORBEIL n'est pas neuf, "CINQ VISAGES POUR CAMILLE BRUNELLE" marque par la mise en scène percutante de Claude POISSANT, le talent de ces cinq jeunes québécois, la force du texte. Je l'ai reçu comme un coup de poing. Bien que profondément pessimiste l'énergie qui s'en dégage m'est apparue comme une claque et restera l'un des trois textes qui m'auront le plus marqué au cours de ce Festival 2014.
Objectif atteint pour le Théâtre PAP,"compagnie montréalaise de création contemporaine à l'affût d'une parole qui, par son props, sa langue ou sa structure dramatique, questionne le temps présent" (source : Théâtre PAP)
En bref : un théâtre percutant dont on ne sort pas indemne.
C'EST OU ? C'EST QUAND ?
La Manufacture / Patinoire
Rue des Ecoles 84000 AVIGNON
Du 5 au 27 juillet 2014 - 12h35
Durée : 1H35 (y compris navette aller / retour)
Réservation : 04 90 85 12 71
CHALLENGE THEATRE 2014 - Lecture Spectacle - Le blog d'Eimelle
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