LA GRANDE ET FABULEUSE HISTOIRE DU COMMERCE

VENDRE A TOUT PRIX

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Trois spectacles de Joel POMMERAT à l'affiche en cette rentrée de septembre 2013, dont 2 à l’Odéon. J'étais très tentée par "Les Marchands", mais comme trop souvent cette saison je m'y suis prise trop tard et c'était complet lorsque j'ai voulu prendre ma place.  Comme mon premier choix le disputait avec les Bouffes du Nord, pas de frustration car je n'aurait pas eut le temps de voir les deux. En ce samedi pluvieux me voici donc en route pour découvrir cette "grande et fabuleuse histoire du commerce".  

LA VIE VAGABONDE DES VENDEURS EN PORTE A PORTE

La pièce met en scène deux groupes de vendeurs à 30 ans d'intervalle. Nous les retrouvons dans ces chambres d'hôtel qui sont leur point de ralliement en fin de journée, leur salle de réunion, leur seul point d'ancrage au cours de leurs tournées dans ces villes ouvrières qu'ils arpentent du matin au soir pour y vendre leur "bon" produit.

La première époque confronte un jeune vendeur à un groupe de VRP chevronnés qui a pour tâche de le former. 30 ans plus tard c'est un jeune loup qui mène la danse et la formation de seniors en reconversion. Un seul mot d'ordre donné par l'un des vendeurs chevronnés : "vendre c'est négatif". Il ne faut jamais dire "vendre" mais considérer que "tu rends service aux gens en leur apportant quelque chose qui va améliorer leur vie". Car, "sans mise en confiance pas de pénétration". 

Faut-il voir la de la naïveté ou la soudaine prise de conscience de l'hypocrisie de la société de consommation qui ne peut croître que pour autant que l'on vende n'importe quoi à n'importe qui puisque l'essentiel est de vendre ? Ces pauvres vendeurs ne pourront pas se marier, payer leurs traites, élever leurs enfants s'ils ne vendent pas pour assurer leur revenu. Et surtout pas de sentiment ni de questionnement sur les capacités financières de ces acheteurs démarchés a domicile (dans la première partie le produit est une arme de défense avec laquelle un client s'est suicidé, dans la seconde partie il s'agit d'un "guide des droits sociaux de l'être humain" censé apporter aide à son lecteur).

CONSTAT CYNIQUE

Joël POMMERAT fait ici une démonstration du cynisme du système. Un monde qui ne repose que sur l'acte d'achat et de vente et ne vit que par la recherche continue d'une croissance non réfléchie nie l'intérêt réel de l'individu. Les besoins réels de celui ci ne sont pas le credo de la société de consommation. 

Rien de neuf dans ce discours. Tout au plus une belle démonstration et peut être un éclairage pour qui n.a pas encore saisi toute la subtilité de notre système économique, (ce qui semblait être le cas d'une grande partie du public ce soir là dont les rires m'ont plus d'une fois surprise face a des situations qui me semblaient plus pathétiques que drôles).

Néanmoins que de vérités sur le statut du vendeur et ses états d'âme, la manière dont il s'inscrit dans une époque dans son économie, dans la société, sur sa perception de son rôle dans la société (même si au fond, à 30 ans d'écart, que tu sois un bon vendeur ou pas ta femme te quittera!) (NB : Je n'ai pas aimé les pleurs exagérés du comédien à chaque fois qu'il est anéanti par l'échec de sa vie affective et l'aspect caricatural de la situation qui le frappe par deux fois).

La deuxième partie met en avant les techniques modernes de motivation, l'esprit d'équipe vs individualisme. Mais quand les résultats ne sont pas au rendez vous c'est chacun pour soi et la grande utopie de l'esprit d'équipe montre son vrai visage : la déshumanisation derrière l'hypocrisie de la motivation, l'hypocrisie des rapports humains à tous les niveaux, souffler le chaud et le froid sans arrêt et déstabiliser en permanence.

DÉCOR MODULAIRE ET FROID

Le décor de ces chambres à géométrie variable insiste sur la précarité de la situation des ces hommes. J'ai été impressionnée par la rapidité des changements de décor dans le noir complet. 

J'ai par contre été gênée par l'utilisation des micros qui font perdre du naturel. Dans un théâtre si bien disposé il me semble que la voix doive porter naturellement. Mais peut être cette distanciation était elle voulue. Dommage. pour moi cela met une distance inutile et du coup je me suis sentie moins proche et moins concernée par la vie de ces vendeurs.

Si la pièce offre une belle prestation des 5 comédiens (Eric FORTERRE, Ludovic MOLIERE, Hervé BLANC, Jean-Claude PERRIN, Patrick BEBI), j'ai été moins sensible au propos. J'attendais quelque chose de plus fort et ressort avec le sentiment que malgré l'importance du travail de recherche et d'enquête fait par POMMERAT le traitement reste superficiel et me laisse sur ma faim.

En Bref : une belle démonstration qui manque néanmoins de puissance.

Joël POMMERAT

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

C'était au Bouffes du Nord jusqu'au 16 novembre 2013
37  boulevard de la Chapelle - 75010 PARIS

Les dates de tournée en cliquant Sur le lien ci-dessous

http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/La-grande-et-fabuleuse-histoire-du-commerce/lesdates/
Accessibilité PMR

Possible pour 4 ou 5 places par spectacle. Un ascenseur permet d'accéder a la salle. Les fauteuils sont installes dans les allées avec une bonne visibilité. Il est conseille de téléphoner avant pour une bonne organisation.

Vu le samedi 9 novembre 12013