UN LONG POEME DRAMATIQUE
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RECIT D'UN NAUFRAUGE
Lampedusa : petite île italienne de 20.2 km² avec ses plages de rêve. Terre la plus au sud de l'Italie sa proximité de la Libye et de la Tunisie en fait un point d'entrée en Europe pour les émigrés africains en quête d'espoir.
Lina PROSA s'est inspirée de cet îlot d'espoir et de désespoir pour écrire en 2008 LAMPEDUSA BEACH. L'histoire : un bateau plein de réfugiés coule dans le détroit en face de Lampedusa. Les réfugiés se débattent dans l'eau. L'une d'elle, Shauba, s'accroche à des lunettes comme à une bouée de sauvetage. Un pêcheur de Lampedusa repère un naufragé. Il fait tout pour le sauver, le tire sur son bateau. C'est un espadon. Il a sur les yeux les lunettes de soleil de Shauba.
SHAUBA, UNE MIGRANTE PARMI D'AUTRES
Ni lecture ni théâtre, c'est un long poême mis en scène par Christian BENEDETTI qui est dit devant nous par Céline SAMIE et Jennifer DECKER en alternance. C'est Jennifer DECKER qui était sur scène ce soir-là.
Quand elle entre sur scène les lumières ne s'éteignent pas. Le décor est des plus sobres : trois murs d'un blanc lumineux qui fait parfois mal aux yeux comme ce soleil qui se reflète sur les flots dans lesquels Shauba va se débattre. Quelques dessins ou objets pendent du plafond, comme ceux tombés du bateau et qui coulent vers le fond ou comme ces poissons qui entourent Shauba.
Jennifer DECKER commence le témoignage de Shauba, une migrante comme une autre, une jeune femme comme tant d'autres femmes africaines qui a quitté son Afrique natale porteuse des espoirs de toute une famille, et qui a pour mission de rejoindre Rome. Comme des centaines d'autres, victime de passeurs sans scrupules, elle n'atteindra pas cet eldorado. Mais d'autres suivront cette même route et certains y arriveront.
Son récit dure le temps de sa lente plongée vers les abysses méditerranéennes, au rythme de sa respiration, de ce regard qui passe sur les spectateurs qui assistent impuissants à cette agonie. Le noir ne se fait qu'à la fin, lorsque Shauba a rendu son dernier souffle, laissant la salle saisie et interpellée par ce récit.
REMARQUABLE PRESTATION
Jennifer DECKER est impressionnante. Dès qu'elle entre sur scène elle capte l'attention et il est impossible de la lâcher. Son regard parfois juvénile, sa voix douce et ferme, son souffle, son immobilité, sa lente diction : un tout qui happe le spectateur et l’entraîne dans ce récit éprouvant.
Plus que le texte, dont on pourrait attendre une réflexion encore plus profonde, c'est la sobriété de la mise en scène de Benedetti et la force d'interprétation de la comédienne qui m'ont marqué. Il y a une intensité dans son regard qui plonge dans celui des spectateurs qu'elle en est parfois difficilement soutenable, tout comme le récit de ce triste destin d'émigrant. Un moment très fort.
En bref : un récit poignant et une interprétation intense.
C'EST OU ? C'EST QUAND ?
C'était jusqu'au 28 avril au studio-théâtre de la Comédie Française.
Vu le 20 Avril 2013
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