mercredi 16 juillet 2025

FUSEES

DES ETOILES DANS LES YEUX
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55 petites minutes, c'est le temps du voyage dans l'espace que nous propose Jeanne Candel et son équipe. Autant dire que le temps file comme une fusée (si vous me pardonnez le jeu de mots).

Créé en septembre 2024 au théâtre de l'Aquarium à Paris, que Jeanne Candel co-dirige avec Elaine Meric et Marion Bois, "Fusées" est un spectacle qui met des étoiles dans les yeux des petits et des grands.

L'histoire est simple : deux cosmonautes sont perdus dans l'espace, coincés dans une station spatiale à la dérive, que les équipes sur Terre sont incapables de ramener sur la planète bleue. Les contacts réguliers avec le centre de contrôle sont de moins en moins rassurants, jusqu'au moment où ils n'ont plus que pour seule compagnie celle de Viviane, l'intelligence artificielle qui contrôle, analyse, dirige, joue parfois à la psy.

Tout commence par l'arrivée sur le plateau d'une pianiste et de son piano, ballotés sur la scène, et rapidement suivis de trois autres énergumènes tous plus mal en point les uns que les autres. Ils sont tous cabossés, couverts de bandages, tirent ou poussent tant bien que mal les éléments du décor qui ressemblent couverts de bâches bleues, avant de nous dévoiler un petit théâtre de guignol. Et les voilà lancés dans un cours délirant sur la cosmologie, en s'appuyant sur un théâtre d'objets, afin de nous amener à la rencontre de Boris et de Kyril qui dérivent dans leur engin spatial.

Le ton est donné : humour et poésie.

Avec "Fusées", Jeanne Candel et son équipe nous proposent un théâtre de l'éphémère, comme la vie. Pas besoin d'effets spéciaux, de technologie, mais de l'inventivité, de la créativité, un peu de magie des mots et des gestes, et une ambiance musicale soignée. Des cartons colorés, des tuyaux flexibles, des bâches, du film plastique transparent, un tabouret : il suffit de peu de choses pour que sur scène s'animent les planètes, ou que Kyrill (en état de béatitude aussi bienheureuse que suspecte) et Boris (anxieux et obsédé par le destin de la chienne Laïka, premier être vivant mis en orbite) miment le décollage de leur fusée, se déplacent en apesanteur ou se perdent dans l'espace, comme emportés par un ballet aérien. On ne peut s'empêcher de penser aux deux astronautes qui sont récemment restés bloqués neuf mois dans l'espace alors qu'ils partaient pour une mission de huit jours.

Les enfants sont touchés par la drôlerie des situations et du jeu des comédiens. Les adultes sont renvoyés à la finalité et à l'éphémère de la vie. Et ce par le simple appel à l'imagination de chacun et quelques objets détournés de leur utilisation initiale. 

Petits et grands ne perdent pas de temps à lâcher-prise pour se plonger dans ce voyage intergalactique, porté par la musique de la pianiste Claudine Simon et l'imaginaire des auteurs.

En bref : Comme cela fait du bien d'oublier, l'espace d'une petite heure, les tourments du monde pour se laisser emporter par ce spectacle jubilatoire qui émerveille tous les publics, et qui est un hommage vibrant à la magie du théâtre.

Fusées, création tout public (à partir de 6 ans) de Jeanne Candel, Vladislav Galard, Sarah Le Picard, Jan Peters et Claudine Simon ; Mise en scène et scénographie Jeanne Candel ; Collagoration artistique Marion Bois ; Avec Vladislav Galard, Sarah Le Picard, Jan Peters et Claudine Simon ; construction petit théâtre Sarah Jacquemot-Fiumani ; peinture toiles Marine Dillard et Blandine Leloup ; peinture petit théâtre Marie Maresca ; Lumière Vincent Perhinin ; Constumes Constant Chiassai-Polin assisté de Sarah Barzic


C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Festival d'Avignon - 79e édition - 2025
Théâtre Benoît XII
6 - 7 et 8 juillet 2025

Tournée en France - saison 2025/2026 : retrouvez toutes les dates en cliquant ICI


Crédit photos @Jean-Louis Fernandez


dimanche 13 juillet 2025

Y'A D'LA JOIE

 VIVE LA VIE !
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Après trois ans de tournée avec "Le Montespan", Michael Hirsch nous revient avec son troisième spectacle "Y'a d'la joie". Et c'est à nouveau dans le Festival Off d'Avignon qu'il va le roder.

Dans un seul en scène qui tient  de la comédie et de la conférence TED, Michaël Hirsch nous raconte comment il s'est donné pour défi de devenir joyeux en un an, et comment il y est arrivé (ou pas). Parce que la joie de vivre, c'est quand même moins compliqué que le bonheur.

Interprétant une vingtaine de personnages, convoquant ses imitations préférées (il est toujours incroyable en Fabrice Lucchini, Edouard Baer ou en Jamy), avec pour seul décor trois échelles enchevêtrées, il nous emporte dans une multitude d'émotions, brocarde au passage un certain nombre de clichés, de mode de thérapie, de coaching en développement personnel. Chacun retrouvera les siens.

L'adulte de 37 ans, mélancolique et angoissé qui est devant nous, met toutes les chances de son côté pour apprendre ce que son éducation et son enfance (heureuse) ne semblent pas lui avoir transmis : le pouvoir de savourer la joie de vivre. Il décortique nos petits travers, avec légèreté, tout en restant concentré sur le sérieux de son sujet. Il nous laisse entrer dans un univers intime, et ça c'est nouveau.

C'est drôle, tendre, touchant. On retrouve toute la qualité d'écriture qui a fait le succès de "Pourquoi ?", mais dans un style différent et qui lui reste propre. C'est plein d'esprit et de finesse.

En bref : un spectacle plein d'émotions, qui met de la joie dans les cœurs et des sourires sur les visages. On en redemande !

Y'a d'la joie, de et avec Michaël Hirsch, mise en scène de Michaël Chirinian ; lumières Laurent Beal

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Avignon, Off 2025
Théâtre Les Lucioles
Du 5 au 26 juillet 2025 - 11h50 - durée 1h15
Relâche les mercredis 

Et certainement bientôt à Paris ..... c'est tout le mal qu'on lui souhaite


ROSA ROYAL

REQUIEM POUR UNE AMOUREUSE
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Qu'il est beau ce jardin du théâtre des Halles qui sert d'écrin à "Rosa Royal".  La pièce, librement adaptée de la nouvelle de Nicolas Mathieu, donne la parole à Rosa, très belle femme de 50 ans, qui ne veut plus laisser aux hommes le droit de la bousculer. "Parce que la peur doit changer de camp". Alors elle achète une arme à feu, s'entraîne au tir, à l'objet toujours dans son sac. Un jour elle va l'utiliser pour soulager la souffrance d'un chien renversé par une voiture. C'est la rencontre avec Luc. Il a tout pour lui : gentil, prévenant, a réussi sa vie, prend soin de Rosa, l'emmène en week-end. Elle finit par s'installer chez lui. La peur a-t-elle vraiment changé de camp ?

Avant de rencontrer Luc, Rosa passait la plupart de ses soirées au bar le Royal, souvent avec sa meilleure amie. Rosa a 50 ans, deux grands garçons qui se sont éloignés, une beauté qui attire les hommes. La rudesse de ceux-ci, elle la connaît bien, à commencer par son père. Mais cette fois, c'est la dernière. On ne l'y reprendra plus. Mais il y a Luc. Alors le cœur fleur bleue de Rosa fond une nouvelle fois.

Le texte, adapté par Anne Charrier et Gabor Rassov, bouscule les certitudes que chacun a sur les violences faites aux femmes. C'est une femme qui s'adresse à nous, exprime ses pensées les plus profondes, ses envies, ses combats, sa colère mais aussi son besoin d'amour. Elle est belle Rose, pleine de vie, d'espoir malgré une vie pas toujours heureuse, et surtout une femme qui veut changer, se transformer, qui refuse de se laisser écraser. Ce n'est pas le portrait d'une femme fragile.

La mise en scène de Romane Bohringer est vive, douce, percutante, rythmée. Elle ose montrer cette femme amoureuse de la vie et de ses plaisirs. La douceur du décor et des lumières est un contraste avec la vie de Rosa et son rapport aux hommes.

Anne Charrier est lumineuse, incandescente, magnifique. Elle nous offre une prestation tout en pudeur, nous bouleverse dans un torrent d'émotions, nous laisse hébétés.

En bref : un texte et une mise en scène percutants pour un grand rôle. Anne Charrier y est bouleversante.

Rosa Royal, d'après le roman de Nicolas Mathieu, adaptation par Anne Charrier et Gabor Rassov ; mise en scène Romane Bohringer, avec Anne Charrier ; lumières Thibault Vincent ; scénographie Rozenn Le Gloahec ; costumes Céline Guignard-Rajot

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Avignon Off 2025
Théâtre des Halles
Du 5 au 26 juillet 2026 - 21h30 - durée 1h15

La pièce sera reprise au Studio des Champs Elysées à Paris, du 12 septembre 2025 au 28 décembre 2025 - du jeudi au dimanche


KESHI

 TRAGEDIE GRECQUE EN POLYNESIE
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Hereau vit avec sa mère, sans avoir jamais connu son père. Sa mère l'entoure d'un amour fusionnel, entend le protéger du monde, n'a jamais rien voulu dire sur le père. Mais lorsque Hereau apprend qu'il va devenir père à son tour, il ressent plus que jamais le besoin de savoir d'où il vient. Il se tourne vers son meilleur ami, qui lui aussi a grandi sans père et qui a été adopté traditionnellement par la famille d'Hereau. Au cours de cette quête sur ses origines, le jeune homme va être confronté à l'âme de ses ancêtres et découvrir la dramatique vérité.

La compagnie CAMéLéON, créée en Polynésie française, s'est donnée pour mission d'être un théâtre citoyen, qui va porter via le théâtre, "auprès des publics prioritaires, éloignés ou empêchés", une offre culturelle permettant "l'échange et l'éveil des consciences".

"Keshi" aborde au travers de ce drame aux accents de tragédie grecque, des fait
s encore très présents en Polynésie mais aussi universels. Il est ici question des violences intrafamiliales. En tahitien, Keshi signifie "perle difforme", une perle non désirée, non programmée, mais qui peut devenir, par un miracle de la nature, une perle imparfaite.

Le texte de Solenn Denis, écrit après un séjour de deux mois en Polynésie, est imprégné de la culture des îles. Le paranormal, représenté ici par Tupapa'u (le revenant) fait partie intégrante de la culture polynésienne. Le sujet de l'adoption "Fa'a'amu", est une pratique traditionnelle de confiage d'un enfant, sans adoption juridique formelle.

La mise en scène d'Antonin Chalon est très soignée, amenée avec subtilité. Les décors et costumes sont travaillés, tels le spectre de la grand-mère, symbole de sagesse et repoussoir assez réaliste.

Les 4 comédiens sont unanimement justes. Ils captent notre attention de bout en bout, sont touchants, sincères, émouvants, bouleversants.

En bref : un petit bijou de théâtre qui nous vient de Polynésie, qui nous submerge d'émotions, porté par un talentueux quatuor.

Keshi, de Solenn Denis, mise en scène d'Antonin Chalon ; avec Tuarii Tracqui, Justine Moulinier, Tepa Teuru, Guillaume Gay ; Lumières Quentin Maudet ; Son Clément Althaus : Scénographie Salma Bordes

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Avignon Off 2025
11
Du 5 au 24 juillet 2025 - 10h - durée 1h20
Relâche 11 et 18

Crédit photos @ Compagnie CAMéLéON

ARTICLE 353 DU CODE PENAL

JUSTICE OU INJUSTICE ?
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Deux hommes sur un ce qui pourrait être un chantier. L'un est juge, l'autre Martial Kermeur, un possible inculpé. De cette première confrontation dépendra le chef d'inculpation qui sera retenu. Kermeur ne nie pas les faits pour lesquels il a été arrêté : il a bien jeté à la mer l'escroc qui l'a ruiné. Pendant 90 minutes il va raconter au juge la généalogie de ce geste, ce qui l'a amené à ce jour.

Emmanuel Noblet porte à la scène le roman de Tanguy Viel. Pour décor, il choisit de porter cette confrontation sur les lieux non pas du crime mais du chantier qui est au cœur de cette affaire. Bien moins impersonnel qu'un austère bureau de juge. Plus humain. Car c'est là que se situe cette histoire : du côté de l'humanité.

Pendant quasiment toute la confrontation, le juge se fait taiseux face à Kermeur. Comme une inversion des rôles. Car le taiseux, c'est bien cet homme, brisé, devenu meurtrier parce qu'il ne supporte plus la honte, l'humiliation, parce qu'il s'en veut et se sent dépassé par la vengeance exercée par son fils. Cet homme simple, qui d'habitude se tait, qui ne pense pas avoir les mots, va se livrer pudiquement, avec tout le bon sens que la vie lui a donné, avec le cœur. Le juge se fait discret, à l'écoute, laissant le champ libre à celui qui se livre, qui a trop longtemps gardé en lui cette soif de justice.

L'écriture est belle, si belle. L'auteur ne fait pas seulement un portrait psychologique. C'est aussi une analyse politique et une étude sociologique. Il démontre avec brio les mécanismes de la manipulation.

La mise en scène est sobre mais puissante. La scénographie fait aussi dans la simplicité, avec ce bout de mur jamais achevé, un fauteuil sobre pour seul mobilier du juge, et en fond de scène la mer, la presqu'île comme l'ombre de ce projet immobilier au cœur de cette histoire. 

Quant à l'interprétation de Vincent Garanger, elle est magistrale. D'abord tassé sur lui-même, tête baissée lorsqu'il commence à s'adresser au juge, il va se libérer par la parole, se redresser, non pas par arrogance mais comme un homme qui retrouve son humanité. Tout en pudeur, sans jamais être en force, il incarne toute la vulnérabilité et l'intensité de son personnage.

Au fait, l'article 353 du code de procédure pénale traite de la question de l'intime conviction.

Vincent Garanger a été nommé aux Molières 2025 du comédien dans un spectacle du théâtre public, et est lauréat du prix de la critique 2025 dans la catégorie meilleur comédien.


En bref : un grand texte sur le besoin de justice, porté par un très grand acteur touché par la grâce.

Art. 353 du code pénal, d'après le roman de Tanguy Viel, adaptation et mise en scène d'Emmanuel Noblet, avec Vincent Garanger et Emmanuel Noblet, scénographie Alain Lagarde, Lumières Vyra Stefonova, Son Sébastien Trouvé, Vidéo Pierre Martin, Costumes Noé Quilichini

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Avignon Off 2025
11
Du 5 au 24 juillet 2025 - 21h45 - durée 1h35
Relâche 11 et 18

crédit photo @ Jean Louis Fernandez

vendredi 11 juillet 2025

UN SOUPCON D'AMITIE

L'AMITIE, JUSQU'OU ?

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Louis et Daniella est un jeune couple de Français vivant en Argentine depuis quelques années. Lui est diplomate, elle est professeur de danse. Le meilleur ami, Joachim, vend du matériel agricole et est d'origine allemande, pays qu'il a quitté en 1937, avant l'apogée du nazisme. Nous sommes en décembre 1961.

Enfin c'est ce qu'il a raconté à Louis et Daniella. Et pourquoi en douteraient-ils ? Mais lorsque qu'un homme se disant généalogiste se présente et commence à poser des questions sur Joachim, le doute s'installe, s'insinue dans les esprits, insidieusement s'ancre, réveille des traumatismes, remet en cause la loyauté.

Jusqu'où rester loyal ? Le lien d'amitié est-il inconditionnel ? Qu'est-on prêt à faire pour défendre ses amis ? Pour connaître la vérité ? Voilà bien des questions dérangeantes que posent ce texte de Philippe Froget, mis en scène par sa fille Chloé Froget.

Dans ce huis clos aux allures de comédie, où la danse exprime les émotions de Daniella, où les fleurs ont une odeur de trahison, le ton, qui se veut léger au départ, monte progressivement en tension, accentué par une mise en lumière très appuyée.

Comme toujours au Théâtre Actuel, la production est de qualité et de facture très classique. Le quatuor de comédiens est impeccable, notamment Ariane Brousse qui interprète avec conviction et justesse le personnage de Daniella, sa vitalité et ses doutes, ses tourments, jusqu'à un final surprenant.

En bref : un théâtre contemporain classique et efficace, qui pose des questions sur les rapports humains.

Un soupçon d'amitié, de Philippe Froget, mise en scène de Chloé Froger, avec Ariane Brousse, Simon Larvaron, Cyril Romoli, Philipp Weisser

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Avignon Festival Off 2025
Théâtre Actuel
Du 5 au 26 juillet 2025 -17h40 - durée 1h30
Relâche 8 - 15 - 22 

Crédit photo @ Frédérique Toulet

A CE STADE DE LA NUIT

EN MEMOIRE DE

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Il est minuit. À ce stade de la nuit, comme chaque soir, elle boit son café, sa journée terminée. Un moment de calme et de sérénité. Mais la radio annonce un (nouveau) naufrage d'un bateau de migrants au large de Lampedusa. Une tasse vole vers le sol, rejoindre d'autres débris.

Lampedusa,

"Le Guépard" de Visconti, adapté du roman de Giuseppe Tomasi du Lampedusa.

A ce nom, la femme fait l'association avec le film, les yeux de Burt Lancaster, l'opposition avec Alain Delon. La fin d'un monde qui doit laisser place à un nouveau monde.

Des scènes du film sont projetées sur l'écran en fond de scène. Suivent des scènes du film "The swimmer", autre film avec Burt Lancaster, ou la fuite en avant d'un homme, de piscine en piscines, pour rentrer chez lui. Puis l'artiste peintre kurde en exil Mahmood Peshawa commence à dessiner des visages, en résonnance avec le texte. 

La toute petite scène de la salle du Chapitre se fait écrin et écho de ce court texte écrit par Maylis de Kerangal en 2013. Sur ce bateau, il y avait plus de 500 migrants. Plus de 350 ont péri. Les services de secours n'ont pas sauvé ceux qu'ils auraient pu sauver apprendra-t-on plus tard.

"Il faut que tout change pour que rien ne change" dit Alan Delon. L'auteur en fait le parallèle avec la situation politique de l'Europe vis-à-vis des mouvements migratoires en Méditerranée, situation qui n'a pas évolué positivement depuis ce naufrage de 2013.

La langue singulière de Maylis de Kerangal est portée avec force, clarté mais sans emphase, par Sophie Cattani, magistrale. Pas de théâtralité mais de la sobriété pour souligner l'impuissance ressentie par cette femme (par nous spectateurs) face à ces drames répétés, une révolte intérieure qui se répète, inlassablement, sans que le monde ne semble changer. Sur la toile, les visages peints par Mahmood Peshawa se multiplient, effrayés, le regard vide, la bouche ouverte tel un dernier cri.

Le collectif ildi ! eldi a inscrit dans son projet général, depuis 2020, le travail avec des migrants artistes, pour leur permettre d'exprimer leur art, via un lieu, une plateforme nommée "Boa". "À ce stade de la nuit" s'inscrit dans cette démarche. Le spectacle présenté au théâtre des Halles dans le Off 2025 est la continuité d'un projet de 2020 initié par le peintre et le comédien Antoine Oppenheim, augmenté de la musique (angoissante) de Pierre Avia.

Le texte ne parle pas de la réponse des politiques à cette situation. Il montre une femme hébétée, impuissante, sidérée, face à un monde qui perd son humanité. Un texte à la mémoire de ces naufragés, pour ne pas oublier.

En bref : la langue de Maylis de Kerangal portée majestueusement par Sophie Cattani, et mise en peinture live par Mahmood Peshawa, pour un spectacle fort qui ne laisse pas indifférent.

À ce stade de la nuit, texte de Maylis de Kerangal, mise en scène Antoine Oppenheim et Sophie Cattani, avec Sophie Cattani et Mahmood Peshawa ; Lumières Cyril Meroni ; Musique Pierre Aviat ; scénographie Cyril Meroni ; vidéo Antoine Oppenheim - Production Collectif ildi ! eldi.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Avignon Off 2025
Théâtre des Halles
du 5 au 26 juillet 2025 - 16h15 - Durée 55'
Relâche 9 - 16 - 23

Crédit photo @ Antoine Oppenheim