dimanche 28 septembre 2014

INTERIEUR

LE TEMPS SUSPENDU DE REGY
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LA FORCE DU SILENCE

Ce qui frappe dès l'entrée, c'est le silence. Celui est demandé sur les affiches avant l'entrée de la salle. Et d'une manière assez surprenante le public se conforme à la demande, si ce n'est pour les chuchotements et l'éternel téléphone qui sonne et que sa propriétaire met une minute à trouver au fond de son sac.

La scène est sombre. Une ombre se dessine d'un côté de la scène. La lumière se fait lentement. L'ombre avance, lentement. Elle est double. Impressionnant silence. La femme et l'enfant gagnent le centre de la scène. La mère couche l'enfant.

La scène pourrait ne durer que 10 mn. Une jeune fille est morte. Suicide ? Accident ? Là n'est pas la question. Elle est morte. Sa famille est à la maison. C'est l'heure du coucher du plus jeune enfant. Sa mère, son père, ses soeurs l'accompagnent comme tous les soirs.

Mais le drame est là, entourant la maison de son ombre menaçante.  Dehors les villageois ramènent le corps de la défunte. Le temps est comme suspendu. Le drame est arrivé. Il est inéluctable. Mais on en retarde l'annonce aux proches. Comment leur dire ? Comment vont-ils le recevoir ?
Le temps s'étire. Les mouvements, les déplacements sont au ralenti. La parole elle-même est ralentie. Retarder autant que possible comme si le fait de ne par dire permettait de nier, comme si le fait de ne pas nommer rendait la vérité irréelle.

ENTRE OMBRE ET LUMIÈRE

5-interieur-shizuoka-juin2013ckoichimiuraLa scénographie crée deux espaces : l'intérieur et l'extérieur. L'intérieur de la maison, l'intérieur des êtres. L'extérieur de la maison, la dune, le lieu de l'accident, les paysans extérieurs à cette famille et en même temps si proches,. La lumière et l'ombre séparent les deux d'une fine ligne qui ne sera franchie que lorsqu'il ne sera plus possible de retarder l'annonce. Et dès qu'elle sera franchi par le messager il sera impossible de revenir en arrière.

D'un côté la famille vit ses derniers instants de bonheur, sans en être consciente. Tel l'enfant innocent dans son âge et dans son sommeil la maison semble le refuge d'un temps qui jamais plus ne sera. Ce silence qui se fait pour permettre à l'enfant de s'endormir paisiblement se fait de plus en plus lourd, comme leurs pas. Angoissant.

La parole est extérieure.Elle est l’attribut de ceux qui savent, de ceux qui sont contraints malgré eux d'être les porteurs du malheur. Les mots sortent, comme hachurés, déliés, étirés, comme une langue elle-même ankylosée par la douleur de dire et la douleur d'entendre

UNE LENTE MÉDITATION

On peut ne pas aimer ce théâtre statique, intellectuel. Je ne connaissait pas l'oeuvre de Claude REGY.  Je ne suis non plus parfaitement à l'aise avec les règles qui régissent la culture japonaise.C'est donc avec un œil neuf que j'abordai ce spectacle. Mon manque de référence sur ce type de spectacle ne m'autorise pas à faire des comparaisons. J'en resterai donc, comme toujours, à mes sensations, à mon ressent.

Si certains passage m'ont paru traîner en longueur, je suis admirative du travail de mise en scène et en lumière que je perçois comme le fruit d'une longue réflexion et de la rencontre entre deux univers qui étaient voués à se compléter. Je suis médusée par la performance des comédiens. Le rythme des déplacement, les voix qui semblent hésitantes, elles mêmes déchirées par ce temps, le japonais que je ne connais pas me semblant parfois des onomatopées qui n'avaient rien d'incongrus puisqu'ils étaient l'expression d'une douleur.

En bref : une performance. Une méditation sur la mort et son accetpation. Un moment intense. La force du silence


C'EST OU ? C'EST QUAND ?
C'était du 9 au 27 septembre à la Maison de la Culture du Japon à Paris 15
RER Bir Hakeim / Champs de Mars - Ligne 6 Bir Hakeim



 Vu le 27 septembre 2014 - MCJP
Crédit photos Scène de « Intérieur » (Koichi Miura)

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