lundi 23 novembre 2015

LA DAME BLANCHE

UN THRILLER THÉÂTRAL RÉUSSI
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LÉGENDE CELTIQUE

Qui ne connaît pas la légende de la Dame Blanche. Dans l'imaginaire collectif elle a plusieurs formes mais la plus courante de nos jours est celle de l'auto-stoppeuse qui conduit à l'accident mortel celui ou celle qui a le malheur de la prendre à son bord.

Dans la nouvelle production du duo Sébastien AZZOPARDI / Sacha DANINO (Le tour du monde en 80 jours, Derniers coups de ciseaux, Coup de Théâtre, Mission Florimon) La Dame Blanche est le fantôme d'Alice, jeune et jolie artiste heurtée par accident par la voiture de son amant, le gendarme Malo Tiercin après que le couple se soit querellé. Pour protéger sa femme légitime et leur enfant à naître Malo va cacher le corps. Dès lors Alice ne cessera de le hanter.

LE PARI DE LA PEUR

C'est à une expérience que nous convie Sébastien AZZOPARDI : jouer avec nos peurs. Et il met les moyens pour réussir ce pari : des effets spéciaux dignes du cinéma et un décor modulable qui permet pas moins de 52 tableaux. De la maison d'Alice perdue dans les bois, aux menhirs de Carnac, des locaux de la gendarmerie au salon confortable du foyer des Tiercin : les scènes et les changements de décor s'enchaînent avec fluidité et sans temps mort. Dans l'entrée dans la salle l'univers musical de Romain TROUILLET nous plonge dans cette atmosphère étrange. La mise en lumière de Philippe LACOMBE joue avec habileté des effets. Masques, magie, vidéo, costumes : tout est mis en oeuvre pour nous surprendre. Les objets s'animent, se transforment. L'ambiance est là et on se laisse facilement prendre par l'histoire de Malo.


UNE DISTRIBUTION HOMOGENE

La distribution est elle aussi très réussie. Arthur JUGNOT est très juste. Ne pouvant choisir entre deux femmes, sa vie bascule suite à un accident et à la décision qu'il prend sur l'instant. Petit à petit son monde glisse vers le paranormal, guidé par la culpabilité qui le ronge. La transformation est autant physique que morale et le comédien interprète avec énergie et sensibilité ce personnage torturé. Anaïs DELVA est lumineuse et pétillante dans le rôle d'Alice, inquiète dans celui de Nina. Elle est une troublante Dame Blanche.

Le reste de l'équipe est à l'unisson : du sympatique mais maladroit gendarme Alex Sébastien PIERRE) à la douce Réjane LEFOUL, future maman un peu seule,  Et surtout Michèle GARCIA, intrigante vieille femme parfois débonnaire et un peu envahissante, et Benoit TACHOIRES, version masculine de la sorcière de Blanche Neige toujours armé d'un plateau de pommes et phobique des chats.

Le texte est plein de bons mots, offre une progression cohérente tout en jouant sur des flashback. Et il faut saluer le travail énorme de cette armée de l'ombre qui réagit au quart de tour et gère avec efficacité les effets spéciaux où qu'il se présentent.

En bref : Courrez au Théâtre du Palais Royal pour vivre une expérience théâtrale très réussie. Une thriller fantastique de qualité, bien plus drôle à vivre que devant une télévision. Toutes les émotions sont réunis et ce travail de qualité mérite de prendre le risque de se confronter à ses peurs. Une équipe talentueuse qui réussi une fois de plus le pari de nous surprendre, de nous faire rire et de nous faire peur.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Théâtre de la Renaissance
20 Boulevard Saint Martin 75020 Paris

A partir du 23 septembre 2016
Du mardi au vendredi : 21h - Samedi 17h & 21h - Dimanche 17h



Commentaire (mise à jour du 04/09/16) : pour la reprise au Théâtre de la Renaissance Nastassja GIRARD reprend le double rôle d'Alice et Nina créé par Anaïs Delva au Théâtre du Palais Royal. Cet article a été rédigé ne novembre 2015 après la création au Palais Royal





Vu en novembre 2015 au Théâtre du Palais Royal
Crédit photo @Emilie Brouchon
Mise à jour du 04/09/16

mercredi 11 novembre 2015

LES VOISINS

INTRIGANTE FABLE NOIRE 
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HUMOUR CAUSTIQUE

Michel VINAVER a une écriture caustique que j'ai découverte avec LES TRAVAUX ET LES HOMMES. Assez attirée par le regard corrosif et sans concessions qu'il porte sur la société je ne pouvais que me précipiter au Poche Montparnasse pour la reprise de LES VOISINS mis en scène par Marc PAQUIEN.

Cette fois-ci l'auteur nous interpelle sur nos rapports de voisinage, et, au-delà de cette situation sur notre relation à l'autre, sur la qualité et la profondeur de la connaissance que nous avons ou croyons avoir de nos proches, du degré de confiance que nous leur accordons. Fidèle à sa plume acérée il est bien question ici de rapports humains et des codes de la société.

UN HUIS CLOS DEROUTANT

Les deux protagonistes se connaissent depuis longtemps. Blason, comptable un peu bourru et qui aime la bonne chère et le bon vin, vit avec sa fille Alice. Ils partagent depuis de longues années une terrasse avec Laheu. Ce dernier, plus jovial, cadre dans l'industrie alimentaire, partage son quotidien avec son fils Ulysse. Les deux enfants ont grandi ensemble. Cette terrasse qui réunit les deux appartements est devenue une pièce commune, une extension de leur espace, de leur vie, de leur famille. La vie y coule paisiblement, rythmée par les chamailleries bon enfant entre les deux voisins, pas toujours d'accord sur leur vision du travail et très différents mais complémentaires dans leur manière d'appréhender la vie. Mais cela n'empêche pas Blason et Laheu d'être de fidèles amis qui n'ont semble-t-il pas de secret l'un pour l'autre. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles jusqu'au jour où survient l'impossible, l'imprévisible, l'inimaginable. Leur monde va en être bouleversé. On a volé l'or de Blason. La suspicion, le doute, les accusations. L'équilibre est ébranlé. Puis rétabli. Et à nouveau secoué. Tout leur microcosme est remis en cause. A moins que....

C'est une fable sur le thème de la vie quotidienne que nous entraîne malicieusement Michel VINAVER. Il nous plonge subtilement dans les méandres des relations humaines mises à l'épreuve de l'appât du gain et du pouvoir attractif de l'argent facile.


FABLE NOIRE POUR COMÉDIENS LUMINEUX

Marc PAQUIEN a choisi une mise en scène sobre et crée un huis clos parfois oppressant qui laisse entendre le texte et met en valeur le jeu des comédiens. On peut néanmoins regretter les noirs un peu trop fréquents qui donnent à l'ensemble un rythme un peu trop lent, au-delà de ce temps qui coule tranquillement sur cette terrasse. 

Patrick CATALIFO, puissant Blason, livre une prestation remarquable. Il est parfois tout en retenue et soudain rugit et explose pour mieux retrouver son calme. Face à lui le jeu plus introverti de Lionel ABELANSKI compose un Laheu débonnaire. Ces deux talents confirmés laissent de la place aux deux jeunes comédiens qui interprètent leurs enfants, Alice BERGER et Loïc MOBIHAN, qui font plus que tire leur épingle du jeu et apportent candeur et fraîcheur à la vision sombre de la société qui se dégage de cette fable absurde. La fin en laissera certainement certains sur leur fin. Mais sous l'humour acide réside une certaine tendresse de l'auteur pour ses personnages dont l'histoire banale est finalement universelle.

En bref : LES VOISINS, fable noire et déroutante sur les rapports humains, est fidèle à la qualité de la programmation dont fait preuve le Théâtre de Poche-Montparnasse depuis sa réouverture il y a deux ans. La magnifique composition de Patrick CATALIFO est le point d'orgue d'une mise en scène sobre au service d'un texte acide qui dissèque avec humour les travers des individus.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

Théâtre de Poche-Montparnasse
75 Boulevard du Montparnasse 75006 Paris
Métro : Montparnasse-Bienvenüe

du mardi au samedi à 21h00 - Dimanche 15h00
Jusqu'au 2 janvier 2016 puis en tournée

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Crédit photo @Pascal Gely

lundi 9 novembre 2015

20.000 LIEUES SOUS LES MERS

EXTRAORDINAIRE VOYAGE ONIRIQUE
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Jules VERNE était un visionnaire et ses Voyages Extraordinaires ont bercé mon enfance et mon adolescence grâce aux reproductions des Editions Hetzel. Avec "Le Tour du Monde en 80 jours", les aventures du Capitaine Némo, misanthrope qui fuit la société des hommes en voyageant autour du monde dans son sous-marin le Nautilus, m'ont particulièrement marquée. Si les adaptations à la télé ou au cinéma ne manquent pas, en faire une adaptation pour le théâtre était un sacré défi. Pour notre plus grand bonheur Christian HECQ et Valérie LESORT ont su convaincre Eric RUF de programmer leur projet incluant des marionnettes.

Le résultat est un spectacle magique qui fait pétiller les yeux des petits et des grands. Tout d'abord la scénographie d'Eric RUF nous transporte au fond des océans, à bord de ce Nautilus, le sous-marin dirigé de main de fer par le solitaire et ténébreux Capitaine Némo. On y retrouve tout l'univers raffiné de cet homme cultivé, y compris l'évocation de son orgue mais aussi toute la technique sortie de l'imagination de l'auteur nantais. Et un grand hublot derrière lequel s'active la vie sous-marine. Ce sont les marionnettes créées par Valérie LESORT et Carole ALLEMAND qui illustrent le monde sous-marin. Manipulées par les 5 comédiens à tour de rôle elles nous offrent des scènes pleines d'humour (les poissons-ventouse), de fantaisie (le bal des méduses), de rêve (le rêve / cauchemar d'Aronnax), de voyage au pays de l'imaginaire (la lutte contre le Kraken). Il faut saluer le remarquable travail de manipulation des comédiens qui, grâce à un apprentissage rigoureux maîtrisent parfaitement les techniques du genre. Ils donnent vie à ces créatures et, avec l'appui du minutieux travail de lumière de Pascal LAAJILI, créent parfaitement l'illusion des fonds marins.


Christian HECQ est un capitaine Némo attachant, paranoïaque, à la fois sérieux et fantasque, notamment dans la scène de plongée du sous-marin qui donne lieu à un échange hilarant avec son second Flippos. C'est Louis ARENE qui crée ici un personnage contrasté, bouc-émissaire consentant, sorte de bouffon de Némo. Nicolas LORMEAU, tout en retenue, est Aronnax, le professeur captif qui se voit offrir une occasion unique de mener ses travaux de recherche. A ses côtés Christian GONON est Ned, le puissant harponneur qui ne rêve que d'évasion et de Jeremy LOPEZ, fidèle CONSEIL, secrétaire un peu balourd d'Aronnax. Elliot JUNICOT clôt la distribution et campe un sauvage caricatural et inénarrable.

Afficher l'image d'origineC'est la belle voix de Cécile BRUNE qui nous conte cette histoire d'utopie. La beauté de la mise en scène, la qualité de la manipulation des marionnettes, la magie des scènes de pérégrination hors du sous-marin, le travail affûté de lumière et de son, tout concours à nous permettre de retrouver notre âme d'enfant et à plonger dans l'imaginaire de Jules Verne comme dans un rêve éveillé. Si l'adaptation de Christian HECQ mise beaucoup sur l'humour, l'esprit de l'auteur n'est pas trahi et sa réflexion sur la société transparaît dans les réflexions de Némo ou les questionnements des personnages.

Ce 8 novembre était la dernière représentation au Vieux Colombier. La maison de Molière s'est ouverte à une forme de théâtre peu présente en ses murs et le public en redemande. On ne peut formuler que deux souhaits : que le spectacle, qui a affiché complet très rapidement, soit à nouveau programmé la saison prochaine et qu'il puisse un jour partir en tournée en France et à l'étranger pour que le public le plus large puisse partager cette belle aventure.

En bref : La Comédie Française relève de manière extraordinaire le pari de porter à la scène l'univers fantastique de Jules Verne. L'adaptation de Christian HECQ, sublimée par la scénographie d'Eric RUF, est un fabuleux voyage entre comédie et spectacle de marionnettes. Un spectacle qui fait la part belle à l'humour et réjouit toutes les générations. Un extraordinaire voyage au pays de l'imaginaire et du rêve.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?



Reprise du 25 janvier au 12 mars 2017

C'était au Théâtre du Vieux Colombier

21 Rue du Vieux Colombiers 75006 Paris
du 26/09/2015 au 08/11/2015



Crédit photo © Brigitte Enguérand,