jeudi 13 février 2014

LAMPEDUSA WAY

DÉCEVANTE CONCLUSION DE LA TRILOGIE SUR LE NAUFRAGE

**


Alors que je n'avais pas prévu à l'origine d'assister à la totalité de la Trilogie du Naufrage présentée sur une dizaine de jour au Théâtre du Vieux Colombier (voir articles précédents sur les deux premiers volets), c'est grâce à un concours organisé par Fous de Théâtre que je retrouvais avec plaisir cette salle.

Après les attentes créées par "LAMPEDUSA BEACH" et la déception relative de "LAMPEDUSA SNOW" j'attendais de ce dernier volet qu'il approfondisse la réflexion de Line PROSA sur l'émigration, l'errance, l'espoir. Malheureusement mes attentes sont restées vaines.

LE POINT DE VUE DES PARENTS

Dans ce troisième texte nous découvrons Mahama, la tante adoptive de Shauba (qui coulait au large de l'ile italienne), et Saïf, l'oncle adoptif  de Mohamed (qui se perdait dans les neiges alpines). Tous deux sont arrivés légalement à Lampedusa, avec un visa à durée déterminée, dans l'espoir de retrouver la trace de leurs enfants perdus. Bien que parents ils ne se connaissaient pas et pendant quelques jours passés dans la même attente ils vont partager leurs souvenirs de Shauba et de Mohamed, tout en attendant vainement qu'un émissaire au titre imprécis"Le Capitaliste" vienne enfin leur donner des nouvelles.

Le texte ne fait qu’effleurer les grandes questions que nous avions. Au début j'avais le vague sentiment qu'ils espèrent tous les deux retrouver leurs enfants vivants. Mais rapidement il apparait qu'ils ne viennent chercher que les corps. Pourtant à aucun moment je n'ai ressenti chez eux l'émotion que l'on ressent lorsque l'on perd un parent. Ni tristesse, ni résignation. Se sentent-ils responsables des ces destins, de ces jeunes vies perdues ? La faute n'en revient pas aux comédiens mais au texte et à la mise en scène. Dès que l'auteur semble vouloir s'introduire dans la sphère privée elle revient aussitôt dans les froides généralités. L'eau qui a englouti Shauba et la neige qui a noyé Mohamed ont-ils perdu toute trace d'eux et emportés avec eux toute possibilité de sentiment ?

A plusieurs moment des problématiques, des questionnements, des parallèles, des oppositions apparaissent pour vite s'évanouir sans être développés. Tout juste deux mots sur le paradoxe de ce port abritant les yachts des capitalistes alors que chaque jour voit un nouveau naufrage et chaque nuit la longue nage des clandestins pour rejoindre le rivage. En fil rouge chaque individu croisé par Mahama et Saïf leur rappel qu'il ne faut pas manger de thon (explication de texte pour les jeunes filles qui gloussaient derrière moi : c'est parce que les thons se nourrissent de la chair des naufragés). Les marchands d'hommes sont des deux côtés de la mer, aussi mercantiles et insensibles. Incapable de repartir sans savoir ce que sont devenus leurs enfants SAIF et MAHAMA vont décider de ne pas repartir devenant ainsi les migrant illégaux qu'ont été leurs enfants.

UNE ÉCRITURE NON SUIVIE

A aucun moment ni Mahama ni Saïf ne reviennent sur les raisons des départs de leurs enfants adoptifs. J'aurai espéré sinon une remise en cause tout du moins au minimum une réflexion sans pour autant émettre un jugement. Juste poser la question. Saïf répète que Mohamed était le tout premier ingénieur en électronique. Je n'ai toujours pas compris pourquoi il l'a poussé à partir. Aucune condamnation de la société capitaliste non plus contrairement à ce qui était manifeste dans le premier volet et faiblement suggéré dans le second. Elle reste en filigrane dans la les logos qui décorent les sacs de voyage des deux parents (l'un pour une compagnie de croisières touristiques, l'autre pour un congrès d'avocats à Chicago), et ne se manifeste vraiment que dans le récit du parcours d'une paire de lunettes de soleil de sa conception à son recyclage au cours d'une courte scène courte elliptique décrivant si bien la réalité de cette société de consommation. Ces lunettes constituent bien le lien entre les trois textes.
Le fait que les trois textes n'aient pas été écrits en même temps crée une cassure.J'ai le sentiment que ce qui a animé l'auteure lorsqu'elle écrivit "Lampedusa Beach" était un sentiment fort. Si "Lampedusa Snow" est aussi basé sur une histoire vraie il m'a semblé que la trilogie n'étant pas dans le projet initial, l'écriture des deux derniers volets me semble moins pointue, moins achevée, moins pensée, comme un texte écrit rapidement pour répondre à une commande. Ils manque d'une certaine structure. De fait mon ressenti est que les deux autres volets soit méritaient plus de temps pour être approfondis, soit ne devaient pas être.

DEUX EXCELLENTS COMÉDIENS 


Si la mise en scène est parfois hésitante, comme lorsque les personnages jouent leurs rencontres avec le postier ou le gendarme, les deux comédiens sont le principal intérêt de ce dernier opus. Gilles DAVID donne vie à un SAIF crédible. Un être un peu perdu dans ce monde dont il ne connait pas les règles, ballotté d'un point à un autre, condamné à l'attente d'une réponse qui ne viendra jamais et qui ne lui permettra jamais de faire ou par le deuil de son neveu Mohamed. J'ai apprécié ses maladresses, ses hésitations. Quand à Cécile BRUNE, que j'avais beaucoup aimée dans le magnifique ANDROMAQUE mis en scène par Murielle MAYETTE-HOLTZ, ses fantastiques qualités de jeu ne sont pas à démontrer. Toutefois sa diction est trop parfaite et je n'ai pas réussi à trouver dans son interprétation une Mahama crédible. Elle a beaucoup de dignité et un savoir qui ne colle pas avoir la Mahama que mon imaginaire avait créé lors de Lampedusa Beach. J'ai néanmoins encore apprécié la qualité de sa prestation. Là encore c'est le texte et surtout la mise en scène qui sont pour moi responsables de ce décalage.

En bref : déçue par ce dernier volet qui ne prend pas de position. J'attendais un texte plus engagé politiquement. Dommage! L'idée de départ était bonne et le premier volet réussi.
 
C'EST OU ? C'EST QUAND ? 



Théâtre du Vieux Colombier
21 Rue du Vieux Colombier 75006 PARIS
Métros Saint Sulpice, Sèvres-Babylone

Les trois volets de la trilogie du naufrage étaient présentés au Théâtre du Vieux Colombier du 31 janvier 2014 au 5 février 2014.

Lampedusa Beach : 1er février à 15h - 2 février à 20h et 3 février à 19h
Lampedusa Snow : 31 janvier à 20h - 1er février à 17h - 4 février à 19h
Lampesusa Way : 1er février à 19h - 2 février à 18h - 5 février à 20h

Merci à Fousdethéâtre.com

1 commentaire: