Pages

mardi 3 mai 2016

RICHARD III LOYAULTE ME LIE

EGO TRIP : RICHARD ET SES DOUBLES
*****


En cette année anniversaire de la disparition de William SHAKESPEARE il semble que l'oeuvre du dramaturge britannique n'ait jamais autant été à l'affiche des salles dans le monde entier. L'adaptation de RICHARD III cela faisait des années que Jean Lambert-wild la préparait. Après celle de Thomas OSTERMEIER dans le cadre du Festival d'Avignon 2015 et la puissante interprétation de Lars EIDINGER, puis la version punk-rock de Thomas JOLLY cet hiver à l'Odéon, c'est une vision très différente qui nous est présentée.

Jean Lambert-wild nous donne à voir sous un angle différent du monstre de pouvoir généralement présenté. Dans cette traduction à quatre mains avec Gérald GARRUTI, il le définit comme l'incarnation du Moi absolu. Sa motivation ne serait pas le pouvoir et la vengeance sur une famille qui le méprise du fait de son infirmité, mais l'expression d'une volonté d'anéantissement d'un monde abject veule et corrompu. Sous les traits du clown se cache un personnage dont on ne soupçonne pas une sensibilité telle qu'on pourrait être prise de compassion pour ce prince. Enfin si l'on fait abstraction de l'immonde jeu de massacre auquel il se livre pour arriver au pouvoir, fidèle jusqu'au bout à sa devise : "Loyaulté me lie". Comme s'il n'était pas maître de son destin mais prisonnier d'une volonté qui le dépasse, pantin lui-même manipulé par une force plus puissante que lui.

Le magnifique décor construit par les Ateliers du Théâtre de l'Union place l'action dans une ambiance de fête foraine. Un rire féroce qui nous cueille lorsque les formes les plus originales illustrent les morts qui se succèdent au sein de la famille royale, chacune rapprochant RICHARD de plus en plus du trône mais aussi de l'abomination et de la solitude. Entre train fantôme et temple tribal, avec ses ouvertures multiples, ses trappes, ses rideaux, ses transformations, ses figures étranges, polymorphes, matérielles ou immatérielles, c'est l'univers irréel de la folie rageuse du futur roi qui s'anime devant nous. Un décor qui constitue un troisième acteur de cette inéluctable progression vers la folie.

C'est avec EN ATTENDANT GODOT, vu la saison dernière au théâtre de l'Aquarium à Vincennes, que le clown de Jean Lambert-wild a commencé sa métamorphose vers la parole. Un besoin profond, puissant qui ne pouvait s'accomplir qu'avec ce personnage complexe. Dès lors le clown apparaît comme un miroir renvoyant au monstre l'image de ses contradictions, de sa folie. Lorsqu'il entre en scène dans son pyjama il se lance dans le monologue de Richard, cette description de son cauchemar. Lorsqu'il a terminé il a perdu sa jambe. Comme s'il était tombé au sein du songe, au milieu de la multitude de fantômes qui errent dans le cerveau perturbé du prince et endossait le costume de l'être difforme en entrant dans son moi tout aussi complexe.

Face à lui une comédienne qui s'empare de tous les autres rôles de la tragi-comédie. Emportée dans un manège qui s’accélère jusqu'à la rupture elle se métamorphose en quelques secondes, se faisant femme fragile ou miroir féminin du clown-monstre. Elle confronte RICHARD à ses doubles. Elodie BORDAS s'empare avec force et énergie de cette cohorte de personnalités. Là ou le rôle-titre écrase généralement les autres par la puissance du caractère et de son interprète Elodie BORDAS fait jeu égal avec Jean Lambert-wild. La marque aussi de Lorenzo MALAGUERA à la direction d'acteur (déjà aux manettes du Godot).

L'ensemble de cette création est éblouissant. Un travail d'équipe dans lequel il n'est pas un détail qui n'ai été travaillé avec précision. Du travail d'orfèvre, à l'image de cette armure de céramique, conçue par Stéphane BLANQUET (qui est également le concepteur des décors) et confectionnée par Christian COUTY, créateur céramiste limougeaud qui l'a réalisée dans les ateliers de la manufacture La Fabrique. Ou de l'ambiance musicale. La composition de Jean-Luc THERMINARIAS enveloppe le spectacle dans cette atmosphère étrange du rêve. Le tout se terminant dans un final d'une très grande beauté qu'il vous faudra découvrir sur place.

En bref : Un grand RICHARD III dans un univers clownesque qui donne à voir une version plus introspective de la personnalité du roi-monstre. Une création qui fourmille de créativité. Jean Lambert-wild et Elodie BORDAS rivalisent de force et de subtilité pour une interprétation magistrale dans un décor éblouissant.

Pour en savoir plus : Chaque vendredi et jusqu'à la fin de la tournée vous pouvez suivre le journal de bord de la création et entrer dans les coulisses de cette aventure théâtrale : Récits en photo et en vidéos sur le site de France 3 Limousin : http://france3-regions.blog.francetvinfo.fr/richard-3-loyaulte-me-lie/ 

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
C'était à La Ferme du Buisson 
dans le cadre du Festival PULP
les 9 et 10 avril 2016


Ce sera en tournée en France, Belgique et Suisse en 2016 et 2017 et notamment :

24 au 26 mai 2016 - L'Apostrophe - Cergy Pontoise
3 novembre - 4 décembre 2016 - L'Aquarium à Paris / Vincennes
et en 2016/2017 à Dijon, Brive, Chelles, Rochefort, Vesoul, en Martinique et autres dates à venir sur le site du Théâtre de l'Union



Crédit photo @Tristan Jeanne-valès

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire