mardi 17 octobre 2017

12 HOMMES EN COLERE

UNE JUSTICE SANS PRE-JUGER
*** 



Comment rendre la justice? Voilà une question qui est très présente sur les scènes en ce début de saison. En 1957 Sidney Lumet faisait de 12 hommes en colère un film fort en tension dramatique. Francis Lombrail et Charles Tordjman en présentent au théâtre Hébertot une nouvelle adaptation. Un traitement sobre et efficace porté par une belle distribution.

UN DOUTE LÉGITIME

Dans une salle de délibération aux murs gris douze hommes sont réunis pour juger du destin d'un treizième. Le film et la pièce datent de la fin des années 1950. L'action se passe aux Etats-Unis. Pas de femme à l'époque dans les jurys populaires ! Costume cravate ou polo sont de rigueur. Ces douze jurés, tous blancs, sont de milieu socio-culturel variés. Leur mission est de juger un jeune homme accusé de parricide. Faut-il vraiment délibérer tant le cas semble évident pour tous : il est coupable et la seule issue pour lui est la chaise électrique. Le premier vote est fait rapidement. A la surprise générale le juré n°8 vote "non coupable". Les délibérations seront plus longues que prévues car le il faut l'unanimité pour prononcer le verdict. Le juré n°8 commence à évoquer les points qui le font douter. "La vie d'un homme est en jeu. On peut en parler." Un à un il déroule et propose à la discussion les arguments qui font qu'il existe "un doute légitime" quant à la culpabilité du jeune homme.

La vérité comme le diable se cache dans les détails. Un à un les autres jurés rejoignent le vote "non coupable". Le questionnement de l'un en amène un autre à s'interroger sur un détail traité trop brièvement par l'accusation ou négligé par la défense. Chacun va réagir en fonction de sa situation personnelle. Peu à peu les motivations et les préjugés des uns et des autres vont se faire jour. Une véritable micro-étude sociologique. 


DISTRIBUTION RÉUSSIE

Le décor en ligne de fuite fait penser à Gorgio de Chiroco. Gris, les murs nus, une grande fenêtre horizontale comme une ouverture de bunker. Le huis clos est complet. La tension passe par les jeux de lumière, par le son, le rappel de la chaleur de ce jour d'été où l'orage gronde dehors comme dedans. Sidney Lumet avait eu recours à plusieurs artifices pour mettre en scène la tension grandissante, dont l'usage de focales croissantes resserrant le décor. Cette adaptation théâtrale ne réussit pas complètement à rendre l'atmosphère étouffante et la progression de la dramaturgie. Le début semble un peu rapide tandis que la pression monte pour culminer dans le monologue du dernier juré, le n°3. Dans un espace clos aussi restreint pour une telle distribution Charles Tordjman réussi à éviter le piège des positions statiques. Les débats sont animés, les déplacements fluides. Avec ses deux plans le décor permet aussi des apartés par petits groupes. L'ensemble est vivant.

La distribution est toutefois particulièrement réussie. La mise en scène tient beaucoup sur la précision des gestes, des regards et si celui qui parle est important, il est encore plus intéressant de s'attarder sur les visages expressifs des autres protagonistes (les chanceux des premiers rangs sauront tirer parti de ce net avantage). On retient notamment les prestations de Pierre Alain Leleu, sobre juré n°1 qui arbitre les débats avec réserve et sérénité et de Francis Lombrail, juré n°3, le dernier à s'arc-bouter sur ses positions avant de comprendre enfin le fond de ses motivations. Et puis surtout l'impérial Bruno Wolkowitch, formidable juré n°8, celui qui avec finesse et sincérité éveillera les consciences de ses compagnons d'infortune.

En bref : bien que daté par certains côtés 12 hommes en colère garde toute son actualité et nous interpelle sur la manière dont la justice est rendue. Même si cette adaptation n'a pas la force dramatique du film de Lumet sa distribution et sa mise en scène réussies en font un agréable moment de théâtre.

12 hommes en colère, de Reginald Rose, adaptation française Francis Lombrail, mise en scène Charles Tordjman, avec Jeoffrey Bourdenet, Antoine Courtray, Philippe Crubezy, Olivier Cruveiller, Adel Djemaï, Christian Drillaud, Claude Guedj, Roch Leibovici, Pierre Alain Leleu, Francis Lombrail, Pascal Ternision, Bruno Wolkowitch, décor Vincent Tordjman, lumières Christian Pinaud, Musique Vicnet, costumes Cidilia Da Costa

C'EST OU ? C'EST QUAND ?
Boulevard des Batignoles 75017 Paris
Depuis le 5 octobre 2017
Du mardi au dimanche 19h00



Crédit photo @Laurencine Lot - Vidéo @Théâtre Hebertot

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire