mercredi 2 septembre 2015

FAIM

FASCINANTE ERRANCE HYPNOTIQUE
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NOIRE EST LA NUIT

La neige recouvre le sol de la scène du Paradis (la plus haute salle au Lucernaire, clin d'oeil ironique). D'un côté un distributeur de café hors d'âge (et hors d'usage). De l'autre un sapin de Noël, tout blanc, habillé de deux guirlandes lumineuses. Assis par terre, appuyé sur le mur, un homme. Il ressemble beaucoup à tous ceux que l'on croise dans les rues, les couloirs du métro, et que l'on regarde à peine. Il essaie d'attirer notre attention par un regard, un sourire. Malgré la lumière crue il pourrait facilement passer inaperçu. Un carnet à la main. Un livre ? Un carnet d'écriture ?

Puis l'homme se lève et commence à lire et livrer ses réflexion. Quelques mots suffisent à Xavier GALLAIS pour capter notre attention. Le texte est ardu, exigeant, d'autant plus dans la torpeur de ce soir d'été. Ecrit il y a un siècle par le norvégien Knut HANSUN, prix Nobel de littérature, il livre les divagations hallucinatoire d'un écrivain, sans domicile fixe, rongé par la faim. Nous le suivons alors que la nuit progresse et que la faim se fait de plus en plus cruelle. Elle envahi le corps, l'esprit, l'âme de l'écrivain dans sa longue et douloureuse déchéance alors qu'il arpente les rues de Kristiana (devenue Oslo). Le flot de pensées se dévide, accompagné des évocations fantasmagoriques des compagnons passés ou imaginaires de l'écrivain. Et plus que le récit de la déchéance d'un être humain c'est au travail de création de l'écrivain que nous assistons.

PUISSANCE DE L’INTERPRÉTATION

La voix de Xavier GALLAIS, unique, captivante, la qualité de sa diction, donnent un éclat et une puissance particulière au texte de HANSUN. Hypnotique, fascinant. Il s'empare de ses mots, les fait siens et la perfection, la gourmandise, l'amour de ses mots, le phrasé unique, fluide, élégant disent tout l'attachement du comédien à ce texte très fort. Comme il est dit sur le flyer :

"Xavier GALLAIS porte en lui l'envie d'incarner cette parole et de faire entendre ceux qui en sont privés".

Et lorsqu'il lâche le carnet et s'abandonne entièrement à la fulgurance des émotions et des sensations qui agitent l'écrivain qui littéralement meurt de faim, lui qui n'arrive plus à coucher une seule ligne sur le papier se couche avec une agilité lunaire, refusant et rejetant l'abandon total. Il se relèvera, ira rejoindre la lumière, nous laissant spectateur espérant une fin heureuse pour ce récit en partie autobiographique.

Ce texte Xavier GALLAIS a depuis de nombreuses années la volonté de le travailler. Il fut d'abord créé en 2011 au Théâtre de la Madeleine. Pour cette adaptation il a souhaité travailler avec un metteur en scène qui le connaît bien, et inversement. Avec Arthur NAUZCYCIEL l'histoire a commencé au moins en 2008 avec une première création en Avignon. Ces deux-là ont travaillé sur des univers très différents, sinon extrêmes, notamment une Mouette à Avignon qui aura marqué. La mise en scène minimaliste faite d'économie de gestes dans un décor statique est à la fois l'espace restreint du drame intérieur et contrepoint immuable d'un être qui vit intérieurement de violents élans et soubresauts issus de ses délires.

La mise en lumière participe pleinement à cette descente aux enfers, à la transcription des abîmes dans lesquels l'écrivain s'enfonce.

Certain(e)s penseront à NUITS BLANCHES, créé il y a quelques années et que je n'ai pas eu les plaisir de voir. Interpellé sur le lien entre ces deux texte on sent chez Xavier GALLAIS une certaine nostalgie et on se prend à espérer que lui viendra l'envie et la possibilité de faire renaître cette autre oeuvre de création, car ce qu'il nous a donné ce soir nous laisse fascinées et demandeur d'encore plus de sensation, d'émotion, et de grands moments de théâtre.

En bref : un texte ardu porté avec magnificence par un acteur prodigieux. Un moment de théâtre hors du temps. Sublime.

C'EST OU ? C'EST QUAND ?

53 Rue Notre Dame des Champs 75006 PARIS

Du 26/08/15 au 25/09/15
Du mardi au samedi à 21h

Rencontre avec l'équipe artistique le vendredi 4 septembre 2015 à l'issue de la représentation. 



Crédit photo @Fabien Pio  & @Isabelle Nègre

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